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Conflit syrien: un compromis en gestation

par Kharroubi Habib

Vendredi à l'issue de leur rencontre à Genève qui a duré plusieurs heures et porté sur le conflit syrien, le secrétaire d'Etat américain et son homologue russe ont annoncé être parvenus à «clarifier» la voie à un cessez-le-feu en Syrie. Ce qu'a confirmé peu après le président russe Vladimir Poutine qui a déclaré que le dialogue qu'ont la Russie et les Etats-Unis avance petit à petit dans la bonne direction et fait espérer qu'ils parviendront à un accord sur une coopération en Syrie. C'est probablement sur la base des clarifications enregistrées lors de l'entretien Kerry-Lavrov que les experts militaires et diplomates américains et russes ont pris la relève à Genève des deux ministres et ont poursuivi la discussion sur la possibilité de parvenir à «une cessation des hostilités large et importante» en Syrie.

L'on peut non sans raison se montrer dubitatif quant à la conclusion d'un accord entre Washington et Moscou sur un cessez-le-feu en Syrie tant ceux auxquels ils sont parvenus précédemment n'ont pas eu d'effet sur la réalité du terrain où les combats n'ont jamais cessé mais au contraire augmenté d'intensité indiquant que les belligérants sont dans une logique de confrontation totale, excluant qu'ils s'accommoderaient d'une trêve qu'elle soit humanitaire ou destinée à rendre possible une négociation politique entre eux.

Il y a cette fois néanmoins que Russes et Américains semblent véritablement en négociation de fond sur le conflit syrien au constat que l'option d'une victoire militaire du camp qu'ils soutiennent respectivement est impossible. Si sur cette base ils parviennent à s'entendre sur le principe d'une «cessation des hostilités large et importante», il leur faudra alors l'imposer à leurs «protégés» respectifs. La voie s'ouvrirait alors pour l'émissaire de l'ONU pour la Syrie Staffan de Mistura de relancer à Genève le processus de négociation inter-syrienne interrompu du fait du non-respect par les parties du conflit du précédent accord de cessez-le-feu. Staffan de Mistura doit probablement être convaincu que Russes et Américains sont proches d'une entente sérieuse sur laquelle il peut miser pour relancer le processus de Genève.

Il n'est pas fortuit que l'émissaire onusien a révélé peu après la longue rencontre à Genève entre John Kerry et Sergueï Lavrov qu'il a en préparation une «initiative politique» pour le règlement du conflit syrien qu'il va présenter à la prochaine Assemblée générale de l'ONU. L'on peut avancer sans grand risque d'erreur que le représentant de l'ONU pour la Syrie travaille le contenu de son «initiative politique» en étant renseigné sur la «clarification» à laquelle Kerry et Lavrov ont déclaré être parvenus sur la voie vers un cessez-le-feu «large et important» et que ce qu'il proposera à l'Assemblée générale de l'ONU convergera avec ce que les Etats-Unis et la Russie ont convenu ou sont près de le faire.

Le dialogue intensif entre Washington et Moscou malgré la persistance de désaccords entre eux sur notamment la nature de certains acteurs parties prenantes au conflit et le sort à réserver au président syrien Bachar El Assad, est pour les belligérants le signal qu'il leur faut être en position de force sur le terrain au moment où un accord russo-américain leur fera obligation de revenir à la table des négociations. C'est ce qu'ils tentent de concrétiser par les offensives et contre-offensives qu'ils mènent contre leurs positions respectives en plusieurs endroits du territoire syrien.