Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Urgence chez Boudiaf

par Moncef Wafi

La sortie nocturne du ministre de la Santé et sa visite pleine d'enseignements au service des urgences de l'hôpital Mustapha Bacha, pompeusement qualifié de plus grand hôpital du pays, a au moins le mérite de projeter la lumière sur la face cachée de la santé. Non pas qu'elle n'était pas connue, loin de là, elle est vécue quotidiennement au corps défendant des malades algériens et de leurs familles, mais parce qu'un ministre l'a rencontré en live. On peut lui reprocher d'avoir attendu trois ans pour leur «tomber» dessus et découvrir l'envers du décor de son secteur si d'aventure il y avait une vitrine de la santé en Algérie.

Celui qui avait déclaré sans sourciller que les hôpitaux algériens sont «nettement mieux équipés et mieux performants» que ceux de certains pays européens doit bien regretter son optimisme institutionnel. La décision toute démagogique de licencier un médecin en direct illustre également cette attitude toute folklorique de nos ministres qui privilégient la réaction à l'action. Peut-on alors reprocher à Boudiaf la lente agonie de la santé nationale ? Certainement pas, pour la simple raison qu'il s'agit d'un héritage légué par des années d'incompétence à la tête du secteur. Il n'est ni le premier ni le dernier ministre à ce poste mais on peut décemment lui reprocher cette naïveté feinte ou supposée en découvrant le quotidien de nos hôpitaux.

A sa décharge, Boudiaf aura eu le courage, même tardivement, de sortir de son bureau et de se confronter directement à la réalité mais on s'interroge sur le degré de sa stupeur comme si nos ministres débarquaient de la Suède pour découvrir la réalité algérienne. En guise de conseil, et pour éviter les déplacements en soirée, le ministre serait plus inspiré à prendre connaissance des photos des structures sanitaires de l'arrière-pays qui envahissent les réseaux sociaux. Si le problème des infrastructures et des moyens est récurrent, brandi comme un alibi de la mauvaise santé nationale, celui des ressources humaines est également à mettre en évidence.

La santé est surtout malade de ses hommes, à commencer par les gestionnaires du secteur au simple aide-soignant dans un hôpital public. Les malades ont longtemps dénoncé ce manque d'humanisme dans le regard et les gestes des blouses blanches, pas dans leur majorité heureusement, qui vous font passer l'envie de repasser par l'hôpital. Et de l'avis de beaucoup de professeurs, quand une femme de ménage fait la loi dans un service, il vaut mieux rester mourir chez soi. Qu'à cela ne tienne ! L'Algérie pourrait aller mieux, enfin moins pire, si tous les responsables sortaient un peu de leurs bureaux climatisés pour se mêler à la populace. Qu'une Feraoun fasse la chaîne pendant trois heures dans une poste communale ou qu'un Bouterfa joue des coudes pour payer sa facture d'électricité. Là au moins ils sauront de quoi parlent les Algériens. Mais ils ne le savent que trop et c'est ça le problème.