Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Egypte-Israël : une normalisation sur le dos des Palestiniens

par Kharroubi Habib

L'on se souvient qu'en mai et alors qu'à Paris avaient lieu les derniers préparatifs pour la conférence internationale sur le Proche-Orient contre la tenue de laquelle se sont mobilisés Israël et ses relais internationaux d'influence, le président égyptien Abdelfatah Al Sissi avait créé la « surprise » en prononçant une allocution télévisée pour appeler Israéliens et Palestiniens à reprendre leur dialogue bilatéral et leur faire part de la disposition de son pays à s'entremettre pour sa reprise.

L'initiative du raïs égyptien a été clairement perçue comme l'amorce d'une main tendue à l'Etat sioniste bataillant contre toute interférence de la communauté internationale dans le dossier israélo-palestinien. Benyamin Netanyahu et son cabinet y ont vu l'amorce par le président égyptien d'une démarche diplomatique visant à réchauffer le climat des relations égypto-israéliennes en froid depuis 2012 suite à l'avant-dernier affrontement militaire entre Israël et le Hamas à Gaza. Aussi ont-ils chaleureusement accueilli son appel et déclaré accepter l'entremise égyptienne dont le but leur convient puisque privilégiant la négociation bilatérale et qu'il venait à point car formulant une alternative à la conférence internationale imaginée par la France dont ils ne voulaient pas.

Depuis et comme recherché par Al Sissi, les relations égypto-israéliennes se réchauffent. Ce que confirme la récente visite effectuée en Israël par le ministre égyptien des Affaires étrangères Sameh Shoukry. L'émissaire du président égyptien s'est rendu en Israël mais après avoir été s'entretenir à Ramallah avec le président palestinien Mahmoud Abbas. D'où il est à déduire que la proposition d'une reprise du dialogue bilatéral israélo-palestinien par l'entremise de l'Egypte a été au centre de l'entretien qu'il a eu avec lui et de ses deux rencontres avec le Premier ministre israélien.

La question est posée de savoir si les deux parties prenantes du conflit israélo-palestinien campant toujours sur leurs positions et préalables quant à l'éventualité pour elles de retourner à la table des négociations une médiation égyptienne parviendrait à obtenir d'elles ce à quoi celle des Etats-Unis n'est pas parvenue. Al Sissi pense peut-être qu'Israël est intéressé par une alliance stratégique avec l'Egypte et les Etats arabes « modérés » de la région qui ont appuyé son appel. L'Etat sioniste l'est probablement mais y mettra la condition qu'elle se contracte sur la base de la satisfaction de ses visées tant sur la question de l'Etat palestinien qu'en terme de ses ambitions géopolitiques dans la région. Le président égyptien est en toute vraisemblance disposé à intercéder en sa faveur tant auprès des Palestiniens que de l'ensemble des Etats arabes, pour peu qu'Israël face mine de reconnaître à l'Egypte le statut d'acteur central pour la résolution de ses démêlés avec eux.

Mahmoud Abbas et les Palestiniens ont à se méfier de la sollicitude qu'Al Sissi manifeste à leur égard, car pour donner l'illusion à son peuple qu'avec lui l'Egypte redevient l'incontournable puissance régionale arabe, il est déterminé à leur faire avaler un chaudron de couleuvres. Son appel a déjà permis à Israël de desserrer l'isolement international dans lequel il s'est enfermé par son rejet du principe de la conférence internationale de Paris. Opération qui lui a été également facilitée par la normalisation de ses relations avec la Turquie, l'autre pays de la région en mal de redorer son blason et qui l'a fait lui aussi sur le dos des Palestiniens. Autant la politique américaine à l'égard des Palestiniens ne laissait place à aucun doute sur le parti pris américain en faveur de l'Etat sioniste, autant celle de l'Egypte d'Al Sissi ne fait guère présager que l'entremise du Caire se fera en tenant compte des aspirations et revendications du peuple palestinien.