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Un visa pour le tourisme

par Mahdi Boukhalfa

Pour faire du tourisme, il faut une politique, une diplomatie forte, et savoir attirer les touristes. Il faut bien vendre l'image de marque du pays et offrir toutes les garanties pour un séjour agréable aux hôtes étrangers. Mais, avant cela, il faut savoir ouvrir ses frontières, comment les ouvrir et pour qui les ouvrir. En résumé, avoir une politique d'immigration souple, adaptée aux exigences autant politiques qu'économiques, culturelles et commerciales du pays.

Tous les pays du monde à fortes potentialités touristiques et économiques ont compris qu'une politique de fermeture, d'ostracisme, sinon de la ?'complotite'' des années de la guerre froide, est suicidaire sur le plan économique et politique. L'Algérie est de ces pays, malheureusement, qui verrouille à n'en plus finir ses frontières, jusqu'à ceux et surtout ceux, dont le métier est de rapporter les réalités d'un pays, c'est-à-dire les journalistes. Pour dire que notre diplomatie et les services de sécurité, ne font pas, finalement, la distinction entre ce qui est rentable politiquement et médiatiquement pour le pays et ce qui est nuisible. Ainsi, on aura rarement vu des journalistes, des artistes ou des comédiens, des intellectuels en ?'gros et en vrac'' être «blacklistés» par tels ou tels services consulaires de tel ou tel pays.

Les choses ont évolué depuis la chute du Mur de Berlin, et le passage de transfuges entre l'Est et l'Ouest a vécu, et même les exfiltrations ne se font plus que dans le cinéma. En fait, l'Algérie, dans les circonstances économiques, financières et politiques actuelles, gagnerait beaucoup, tellement, en ouvrant ses frontières, en réduisant au maximum les formalités d'octroi de visas, à tous ceux qui le demandent, -même s'il faut aller les chercher par des campagnes de marketing comme le font les pays qui ont 12% de leur PIB tiré du tourisme- qu'ils soient des hommes d'affaires, journalistes, touristes ou simples aventuriers à la découverte de rivages nouveaux.

Alors, comment interpréter la décision du gouvernement d'assouplir la délivrance de visas, autrement que par un geste hautement salutaire et humain, de nature à donner une autre image de notre pays, même si dans le lot il y a quelques analyses qui font mal, mais qui rappellent le chemin à parcourir pour atteindre les autres nations dans la construction d'une société ouverte sur le monde. Car on ne peut développer une politique touristique tous azimuts quand les conditions d'octroi de visa sont restées celles des années ?'Big Brother'', que tous les demandeurs de visa sont des espions ou des suspects, sinon des ?'opposants''. Non, depuis la fin de l'URSS, le monde a changé, s'est ouvert, et des pays comme la France, l'Espagne, la Turquie, ou les Etats-Unis, qui font face chaque jour à des attentats terroristes, sont ceux qui cartonnent dans les records de nombre d'arrivées de touristes, de nuitées dans les hôtels classés, et de rentrées d'argent substantielles dans le budget de l'Etat. Aux dernières nouvelles, la Turquie, alors qu'Erdogan était Premier ministre, avait un moment envisagé de supprimer le visa pour les Algériens, mais avait fait machine arrière devant le nombre important de demandeurs. Pis, elle a augmenté les tarifs avec une option de paiement pour plusieurs entrées d'une durée d'une année.

Ce pays n'a jamais refusé de visas aux Algériens, la France en délivre des centaines de milliers par an. L'Italie, l'Espagne, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis également.

Assurément, notre politique des visas doit changer. Combien l'Algérie, qui crie sur tous les toits qu'elle veut développer son tourisme naissant en a délivré ces dernières années ? L'épisode de la visite à Alger au mois de mars de Valls est encore frais dans les mémoires pour rappeler à tous que la politique et le reste des affaires d'un Etat, d'une nation, sont autrement plus stratégiques, plus importants qu'un écrit de presse, quel qu'il soit.