La
théorie des «beznassa» est plus forte que la logique
économique. Car les mauvaises habitudes commerciales ont été, malheureusement
cette année encore, respectées à l'entame plutôt fraîche de ce mois de
ramadhan. Les prix de tous les produits du couffin de la ménagère ont augmenté
au moins de 10%, alors que la cote des fruits a suivi la même courbe
ascendante. L'étonnement a ses raisons d'être dans la mesure où la surchauffe
des prix a débuté quelques jours avant le début du mois sacré pour, le premier jour,
pratiquement exploser. Un exemple parmi tant d'autres:
à 100 DA/kg, le melon est passé au premier jour du mois de ramadhan à 140
DA/kg, et la pastèque, très prisée en pareille saison et en pareil mois de
toutes les envies, est passée de 50 DA/kg à 100 DA/kg dans les marchés du
centre. Une telle situation ne pourrait exister ni faire long feu si le système
de la distribution et la commercialisation des produits agricoles frais et
industriels obéissait à une quelconque logique. Non, il est regrettable de le
constater et de l'affirmer aujourd'hui encore plus fort qu'hier qu'à proprement
parler, il y a un ministère de trop dans l'actuel gouvernement Sellal. Sinon comment interpréter cette incurie des prix,
cette pagaille et ce désordre généralisé dans un secteur à forte plus-value. A
Constantine pour une visite de travail, le ministre de l'Agriculture, sans
condamner ni dénoncer, encore moins envisager une campagne de moralisation
contre ces comportements attentatoires à la culture commerciale, a tout simplement
qualifié de «passagère» la pression sur les marchés ressentie pendant les
premiers jours de ce mois de Ramadhan. Selon lui, le «marché finira par se
stabiliser et se normaliser notamment sur le plan des prix», comme s'il
s'agissait d'une maladie bénigne qui finira tôt ou tard par disparaître.
Entre-temps, il y a ce silence incompréhensible du ministère du Commerce, qui
aurait au moins pu donner quelques explications acceptables et rationnelles à
cette folie des prix qui a pris les allures d'un véritable traquenard social,
un déni de justice social et l'expression la plus barbare de l'acte de
commercer, de négoce. Que la demande soit plus importante sur certains produits
par rapport à d'autres en période de forte pression est une chose, mais que les
prix prennent des allures incontrôlables relève exclusivement des compétences
des contrôleurs des prix et d'une stratégie, hélas absente, du ministère du
Commerce pour assurer et protéger les consommateurs des déviances commerciales,
frisant le mercantilisme sauvage, observées chaque début de ramadhan. En fait,
l'inopérabilité du système commercial, tel qu'il est
en vigueur actuellement depuis de nombreuses années en Algérie, est telle qu'il
est illusoire de croire à la présence d'une quelconque autorité qui veille à la
gestion et la moralisation, dans l'intérêt bien compris du consommateur et du
vendeur, de ce secteur. Au point que les aspects les plus rétrogrades et
dégradants socialement sont devenus les principales caractéristiques du système
commercial à l'algérienne. Car à chercher les causes d'une telle pagaille de la
mercuriale, durant toute l'année et non pas seulement durant le mois sacré de
ramadhan, c'est aller vers des vérités cruelles, ahurissantes. Comme celle qui
a obligé, il y a quelques semaines, des producteurs de pomme de terre à brader
à 10-15 DA/kg leur récolte, quand le prix de ce tubercule était cédé en gros
entre 20 et 25 dinars et à plus de 40 DA/kg au détail. Mais là, c'est une
histoire connue de tous les décideurs, d'hier et d'aujourd'hui, depuis que les
mandataires-régulateurs ont été proscrits dans la foulée de la Révolution
agraire. C'est à croire que cet esprit de ?'beznassa'',
cette mentalité de camelot, ennemi de toute logique économique et commerciale,
arrange les uns et les autres, mais au détriment de l'économie nationale, qui
n'en tire aucun bénéfice, même pas sous forme d'impôts. Le ramadhan, dans bien
des cas, a bon dos.