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Un projet de loi qui affole Ryad et inquiète la Maison Blanche

par Kharroubi Habib

En dépit de l'opposition de la Maison Blanche, le Sénat américain a voté à l'unanimité le projet de loi baptisée «la justice contre les sponsors d'actes terroristes » permettant aux citoyens américains de poursuivre en justice des pays pour des attaques terroristes sur le territoire des Etats-Unis. Pour entrer en application, le projet de loi devra avoir l'aval de la Chambre des représentants et être signé par le président Barack Obama. Lequel pour dissuader les parlementaires américains a déjà déclaré qu'il refuserait de signer la loi en faisant valoir que « si nous permettons que des individus aux Etats-Unis puissent systématiquement poursuivre en justice les autres gouvernements alors nous permettons également que les Etats-Unis soient continuellement poursuivis par d'autres pays ». L'argument développé par le président américain pour justifier son refus de signer le projet de loi est imparable au plan juridique même si l'on sait que les Etats-Unis dénient aux autres de faire ce qu'ils font. Mais s'il refusera de le signer c'est avant tout parce que le projet de loi a pour inspirateurs et des défenseurs qui ont en point de mire l'Arabie Saoudite pour le rôle supposé que des membres de sa famille royale et certains organismes saoudiens de charité auraient joué dans les attentats du 11 septembre 2001. En majorité, l'opinion américaine les soupçonne d'avoir soutenu financièrement les attaques et les familles de victimes exigent leur traduction en justice qu'elles ne sont pas parvenues à obtenir en vertu de la loi sur l'immunité des autorités étrangères souveraines de 1976.

 Dès que la démarche des partisans du projet de loi a commencé à se savoir, Ryad s'est insurgée contre l'idée et menacé que l'Arabie Saoudite ne resterait pas sans réagir à ce qui fait supposer que le Royaume et la famille des Saoud auraient quelque chose à voir avec le terrorisme international et les attentats du 11 sept 2001. Ryad est d'autant prête à user de toutes les armes dont elle dispose pour faire avorter le projet de loi qu'il se colporte aux Etats-Unis et ailleurs que les preuves de la collusion de parties officielles saoudiennes avec les auteurs des attentats du 11 septembre existent, consignées dans les 28 pages du rapport du Congrès américain sur l'évènement, tenues encore au secret alors que le reste a été rendu public.

 Barack Obama ne laissera pas le projet aboutir, pas tant parce que la famille régnante d'Arabie Saoudite risque d'en faire les frais, mais parce qu'il ouvrirait la voie à des procès impliquant l'Etat américain lui-même et certains de ses plus hauts dirigeants présents et passés.

 En effet, si l'Arabie Saoudite a sponsorisé le terrorisme, les Etats-Unis l'ont poussée à assumer ce rôle et plus personne n'ignore quelle part ils ont pris dans l'émergence des organisations qui s'y adonnent à travers le monde. El Qaïda qui a revendiqué les attentats du 11 septembre est une création de la CIA qui n'a pas agi à l'insu des hautes autorités américaines. S'il faut alors faire le procès des attentats, il ne faut pas se limiter à incriminer une partie de la chaîne des responsables qui les ont rendu possibles, mais son ensemble qui commence par l'implication américaine dans la création de l'organisation terroriste les ayant commis. A coup sûr que la Maison Blanche fera tout pour éviter aux Saoudiens d'avoir à rendre compte à la justice américaine, pour préserver du même coup les responsables américains ayant sur ses ordres fait le «sponsoring» du terrorisme international.