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Le procès de qui ?

par Moncef Wafi

La coalition armée arabo-occidentale n'a plus à exiger le départ du président syrien, Bachar El-Assad, comme préalable «à toute union contre le terrorisme», a de nouveau rappelé Sergueï Lavrov, le Monsieur Affaires étrangères russe. Se référant aux derniers attentats de Paris, comme un électrochoc, le diplomate russe espère un changement de position chez ses partenaires occidentaux. «Inacceptable» est le terme usité par Lavrov pour répondre à ces conditions posées par la coalition, notamment par les Américains, imités par les Français, pour former un front uni et combattre Daech en terre syrienne et irakienne.

Pour Moscou, qui avait appelé à une large coopération militaire comprenant aussi bien les forces de la coalition que celles de l'Iran et de l'armée régulière syrienne, l'ennemi est commun et estime qu'il n'y a pas de bons et de mauvais terroristes en allusion aux autres groupes armés par les Américains et les Français. L'intervention armée russe aux côtés du régime syrien avait provoqué une réaction négative de Washington et Paris l'accusant de vouloir à tout prix conforter la présidence d'El-Assad. Pourtant, Poutine avait été explicite, affirmant que la politique syrienne est avant tout une question interne et qu'il serait toujours temps de s'en occuper, une fois les troupes d'El-Baghdadi défaites.

Mais cette explication de texte n'était pas pour satisfaire les désidératas des deux capitales qui ont fait de l'élimination du président syrien une priorité passant même, à leurs yeux, avant la destruction des forces de Daech. Plus qu'une priorité, c'était devenu, avec le temps, une affaire de principes, d'ego surdimensionné et un enjeu électoral. Le groupe terroriste étant même, dans l'esprit de certains, l'arme qui allait abattre le régime syrien. En voulant coûte que coûte la chute d'El-Assad, la coalition a perdu de vue son premier objectif et ce sont ces calculs hasardeux qui sont à l'origine des attentats meurtriers de Paris.

Conscient de la nouvelle tournure tragique du dossier Daech, le ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel Garcia Margallo, a estimé que «le moindre mal est de s'accorder avec Bachar El-Assad pour pouvoir attaquer l'ennemi commun», rejoignant ainsi les premières prières russes. Evoquant une entente transitoire avec Damas, il aura pourtant ce parallèle malheureux en comparant la situation actuelle à l'accord conclu entre Roosevelt et Staline pour combattre les nazis. L'histoire retiendra qu'après la fin de la deuxième guerre mondiale, Staline a été l'un des pires meurtriers en masse du 20e siècle.