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Erdogan rompt avec l'EI mais pas avec les autres terroristes syriens

par Kharroubi Habib

Le rôle trouble que joue la Turquie dans le conflit sy rien ne va pas cesser parce qu'elle s'est engagée dans la guerre à l'organisation terroriste, l'Etat islamique. Ankara ne pouvait faire moins que déclarer la guerre à cette organisation contre laquelle une coalition armée internationale a été construite et à laquelle la Turquie a adhérée sans pour autant participer effectivement à ses opérations anti-EI. Il a fallu, pour que l'Etat turc change de cap à l'égard de la sinistre organisation, qu'elle s'en prenne à son propre territoire. Erdogan s'était jusque-là bercé de l'illusion qu'elle n'oserait s'en prendre à son pays qui a été parmi ceux qui ont contribué à l'aider de façon multiforme à s'implanter en Syrie et à conforter sa montée en puissance.

Certes donc, Ankara a changé son fusil d'épaule et combat désormais l'organisation terroriste qui a trahi le deal qu'elle a passé avec elle. Mais comme ce n'est pas la nature terroriste de cette organisation qui a conduit Erdogan à rompre celui-ci, il n'est pas étonnant qu'il en soit à remplacer en tant qu'instrument du dessein qu'il poursuit en Syrie : celui d'abattre le régime de Bachar El Assad quelles que soient les forces qui agissent en Syrie dans ce sens.

Si la Turquie a apparemment cessé de soutenir l'Etat islamique, elle continuera à apporter son appui au front constitué autour de l'organisation syrienne El Nosra, tout aussi terroriste et révoltante dans ses méthodes et but de guerre que celle d'El Baghdadi. Selon des médias américains, c'est même cette condition qu'Erdogan a posée à Obama en contrepartie de l'engagement ouvert et direct de son pays dans la guerre contre l'Etat islamique.

Il apparaît clairement que pour le président turc peu lui importe la nature des alliés locaux syriens qui combattent le régime de Damas qu'il s'est mis en tête d'abattre, peu importe les conséquences qui en découleraient pour la Syrie et son peuple. Il faut croire qu'il est porté par l'illusion que son pays ne risque pas de connaître le même retournement auquel a procédé l'Etat islamique. En impliquant la Turquie de la façon que l'on sait dans le conflit syrien, qui est malheureusement parti pour ne pas cesser avant longtemps, Erdogan a joué à l'apprenti sorcier et au boutefeu guidé par la seule préoccupation d'abattre le président et le régime syriens. Tous les acteurs syriens de cet horrible conflit se chargeront, tôt ou tard, de lui démontrer qu'il a entraîné son pays sur une voie n'ouvrant que sur son instabilité et la remise en cause de son intégrité territoriale.

Dans l'aveuglement que lui cause sa haine personnelle contre Bachar El Assad, Erdogan a fait le pari qu'il s'attirera la reconnaissance d'El Nosra en laquelle il voit une organisation qui, quoique terroriste, est éligible à diriger le pays voisin du sien et à nouer des relations de « bon voisinage » avec la Turquie. Il déchantera dès lors que le soutien multiforme qu'il lui dispense permettra à El Nosra de s'affranchir de l'instrumentalisation turque.