Il
aura fallu des tirs présumés tirés par des hommes de l'Etat islamique (EI) pour
que la Turquie se décide à entrer en guerre, ce jeudi. Le feu vert a été donné
à l'aviation turque de bombarder, quelques heures après la mort d'un
sous-officier de l'armée, des positions tenues par Daech en parallèle de
l'autorisation donnée par Ankara à Washington d'utiliser ses bases aériennes
dans le cadre de la coalition internationale aérienne menée contre les troupes
d'El Baghdadi. Une autorisation alors qu'il y a à peine quelques mois, la
Turquie marchandait sa participation à cette force de frappe. La mort violente
d'un sous-off a précipité la Turquie dans la guerre déclarée avec l'EI, elle
qui a préféré la jouer en solo, ramant à contre-courant de la décision
internationale de bombarder Daech présent en Irak et en Syrie pour des raisons
de politique intérieure. Ankara voulait à tout prix en finir avec le régime de
Bachar al Assad, allant jusqu'à offrir ses régions frontalières comme zones de
repli aux milliers de combattants islamistes, adversaires armés de Damas. Mais
le plus grand danger que pressentait Erdogan est cette montée en puissance des
Kurdes, défendus et armés par la coalition internationale, la France en tête,
en Irak et en Syrie pour leur « tailler » un territoire sécessionniste sur
mesure, fort en pétrole, inféodé aux intérêts occidentaux dans la région. Un
appétit territorial qui peut même concerner une partie de la Turquie. Ankara
était accusée de laisser l'EI faire le sale boulot comme dans une guerre par
procuration puisque les deux partageant les mêmes ennemis. Pour la coalition,
la mort du sous-off tombe à point nommé pour engager la Turquie de plain-pied
dans cette guerre. Et on est en droit de s'interroger sur cette logique de
guerre de Daech qui se tire à proprement parler une balle dans le pied. Certes,
l'EI n'en est pas à sa première erreur stratégique offerte comme opportunité
inespérée aux Occidentaux. Cet engagement turc est commenté comme un « tournant
» dans la guerre contre Daech même si, pour les observateurs, Ankara ne veut
pas donner l'impression d'un virage à 180 degrés. Si à l'international on salue
cette entrée, les raisons sont simples puisque Washington et ses alliés veulent
une guerre vue du ciel sans engager leurs infanteries. Et qui de mieux pour
servir de chair à canon que les Arabes et les musulmans et pourquoi pas les
Turcs pour faire office de bouclier pour défendre Israël.