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La violence, en mode réel

par Ahmed Farrah

A défaut d'une culture de dialogue,  d'échange d'arguments, d'expression d'idées ou de sentiments et d'ouverture d'esprit, la communication chez les peuples opprimés et inconsciemment infantilisés, écrasés et ligotés par les tabous, les coutumes et les traditions rituelles et immuables, de leur environnement, la seule forme d'éloquence qu'ils connaissent est la verticalité des mots.

Le maître ordonne, son serviteur exécute. L'adulte décide, l'enfant obéit. L'homme dit, la femme se conforme.

Sans convaincre, les sans convictions se soumettent par l'hypocrisie dissimulée dans la crainte et la fausse satisfaction. Un monde d'invraisemblances, qui ne fonctionne que par le faux et l'usage de faux. Le maître ne l'est que par le subterfuge de la force, de l'autoritarisme, de l'oppression et de la corruption.

La logique despotique par l'instrumentalisation de la violence excessive et des abus de pouvoir, a secrété dans ces sociétés soumises et résignées pendant longtemps une remise en cause de cet état de fait, avec le seul mode de langage que comprend le tyran qui n'est plus en position de force. La loi de la savane qui se matérialise dans le monde arriéré et sauvage des humains restés au stade des hominidés parce qu'ils n'ont pas su maîtriser le feu pour créer la lumière de l'esprit.

La discipline, la tolérance, le respect, l'amour, la droiture, l'hygiène, l'effort individuel, la créativité et l'innovation ne sont pas des vertus dans la jungle animalière. La violence déclinée sous toutes ses formes est la seule visible dans ces pays qui tombent comme des châteaux de cartes, elle est à l'école, dans la rue, sur les routes, dans les quartiers et dans les maisons au sein des familles, elle n'épargne aucun lieu et n'oublie personne, comme la faucheuse mortelle. L'intimité est aussi touchée par le faux-machisme quand le cœur parle à l'âme sœur de sentiments enrôlés dans la timidité dissimulée dans l'euphémisme vulgaire. L'amour ne se prononce pas, il ridiculise le faux-bourdon et l'émascule. Le deuxième sexe lui fait peur, alors il l'étouffe dans une longueur d'étoffe pour le renvoyer au monde de l'invisible.

Les horreurs et les idioties sont montrées en caméra cachée, pour sommer l'atavisme et renforcer le caractère du mauvais, de la brute et du truand. Les causeries du clergé improvisé jettent un chroniqueur et un ministre dans les ténèbres à l'ouest de Géhenne, sans que personne ne s'offusque ou que la force de la loi s'impose. Esseulé, le chroniqueur trempe son doigt gauche, porte-plume, dans sa bouche, l'enduit de salive et écrit avec des mots enragés lus pour être compris par ceux qui sont censés le lire, en vain ; un autre chroniqueur se désolidarise de l'idéal «commun» et ne compatit pas, lui démonte sa plaidoirie avec une violence cette fois-ci imprimée dans le journal, mais aussi exprimée par d'autres sur les réseaux.

Un monde violent qui ne se régénère que par la violence, mais trouvera sûrement sa fin définitive que dans la violence, s'il ne s'émancipe pas de la terreur centripète qui l'éblouit, l'aveugle et qui l'encercle pour le lester à ses boulets, dans l'épicentre désertique et obscur. Est-ce possible ? Peut-être, mais ce sera après le dernier quart du cycle de la marée régressive.