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Le chèque, c'est chic aussi !

par Moncef Wafi

C'est donc aujourd'hui que le paiement par chèque sera obligatoire concernant certaines transactions qui dépassent les un et cinq millions de dinars. Officiellement, toutes les ressources «propres» sont les bienvenues, a annoncé le ministre des Finances. Les guichets des banques recevront, dès aujourd'hui, les bas de laine, les fortunes de dessous les matelas et surtout un argent difficile de tracer en absence de toute volonté inquisitrice susceptible de faire fuir le futur client.

L'amnistie fiscale est là, présente dans ce décret, même si elle avance cachée derrière une bancarisation des milliards de l'informel. Elle est là, qui ne dit pas son nom, prête à racheter une virginité fiscale en payant une taxation forfaitaire libératoire et volontaire de 10% au fisc algérien au titre de l'IRG sur les revenus de parts sociales et dividendes sur une année. Même si l'Etat s'en défend, lui qui stipule que ces revenus ne doivent pas provenir d'activités criminelles, il n'en demeure pas moins qu'en absence d'enquêtes sur l'origine de ces fonds, c'est la porte ouverte à une amnistie fiscale en bonne et due forme. A la limite un blanchiment d'argent.

L'Etat à travers ce processus cherche à mettre la main sur une partie des 42 milliards de dinars, rien que dans le circuit parallèle du commerce. Un pactole qui n'est malheureusement pas concerné par le décret en question puisque la caste des commerçants en gros n'est pas concernée par les dispositions obligatoires du paiement par chèque. Si la démarche gouvernementale obéit à des impondérables créés en premier par son incapacité à intervenir en amont, cette ouverture permettra peut-être de réduire cette toile de l'informel qui s'est étendue à tout le pays. Mais difficile de croire en la bonne foi des uns et des autres et dans la viabilité d'une telle opération dans la durée puisque ce dossier à forts enjeux économiques aurait été le déclencheur des émeutes de 2011 fomentées alors par les barons de l'informel, accusés d'avoir été à leur origine pour forcer l'Etat à surseoir à l'application de cette obligation de moyens de paiements scripturaux.

Abderrahmane Benkhalfa a rappelé que ce décret permettra aux institutions financières de drainer les fonds qui sont hors circuit bancaire. Une disposition, rappelons-le, qui ne concerne que les transactions dépassant le seuil de 500 millions de centimes pour l'achat de biens immobiliers et 100 millions pour l'acquisition de véhicules neufs, d'équipements industriels, de joailleries ainsi que des meubles et effets mobiliers corporels aux enchères publiques. Une short-list qui exclut pourtant le plus grand segment de l'informel qui s'épanouit dans les structures parallèles du commerce en gros et semi-gros.

Un rétropédalage du gouvernement, encore un autre, dans la mouture finale de ce décret puisque, en sus des montants seuils revus à la hausse, les premières versions du décret évoquaient les 50 millions de centimes, le texte proposé aujourd'hui exclut tous les grossistes de l'informel de ces procédés de paiement. Un texte donc apuré qui fait la part belle à ce qu'on peut appeler un blanchiment d'argent sous le regard bienveillant de l'Etat.