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Une force arabe au service de quels desseins ?

par Kharroubi Habib

Même s'il est personnellement favorable à l'intervention militaire que l'Arabie saoudite et d'autres pays arabes mènent au Yémen contre les rebelles houtis, le secrétaire général de la Ligue arabe aurait dû s'abstenir de formuler officiellement son soutien à cette opération pour éviter que sa déclaration apparaisse comme exprimant la position de l'organisation qu'il dirige. Mais c'est trop demander à un diplomate égyptien dont la seule mission à la tête de la Ligue arabe consiste à perpétuer l'alignement de cette organisation sur la politique étrangère de son pays qui en l'occurrence rejoint celle de l'Arabie saoudite.

Les coalisés arabes qui interviennent présentement au Yémen n'ont reçu nul mandat de la Ligue arabe qu'ils n'ont d'ailleurs aucunement demandé. Si un sommet de l'organisation a été convoqué à Charm El Cheikh, c'est uniquement parce que les coalisés comptent la contraindre à entériner leur fait accompli et ainsi créer l'illusion d'une unanimité arabe sur leur intervention militaire. Plus encore l'Egypte et l'Arabie saoudite entendent obtenir du sommet de Charm El Cheikh qu'il approuve le projet de création d'une force militaire arabe d'intervention permanente dans les conflits que connaît ou aurait à connaître la région. Une telle approbation obtenue en pleine intervention au Yémen par la coalition réunie par les Saoudiens équivaudrait à tenir pour nulles et non avenues les réticences et oppositions exprimées sur elle par les Etats membres de la ligue n'ayant pas répondu positivement à la sollicitation de Ryadh.

Une force d'intervention arabe est dans le principe souhaitable. Mais à condition qu'elle ne soit pas mise au service d'une puissance ou d'un groupe de puissances arabes. C'est pourtant ce à quoi elle servira tant que la Ligue arabe restera inféodée à la volonté de l'Egypte qui l'abrite ou des pétromonarchies qui en financent en grande part le fonctionnement. Sans rejeter fondamentalement le projet égyptien de création d'une force d'intervention arabe, l'Algérie s'en est démarquée en faisant valoir : primo que la doctrine militaire du pays interdit la participation de son armée nationale à l'extérieur des frontières du pays et secundo qu'il faut au préalable s'entendre sur le cadre clair en ses dispositions dans lequel cette force serait appelée à agir.

Sans l'avoir explicitement exprimé, l'Algérie ne se fait aucune illusion sur les capacités de la Ligue arabe à garantir un tel cadre tant qu'elle restera l'instrument manipulable qu'elle est depuis sa création. Son jugement négatif sur la prétendue organisation unitaire du monde arabe n'est pas une nouveauté. Elle l'exprime depuis longtemps et en appelle avec récurrence à sa réforme particulièrement sur le mode en son sein des prises de décisions. Si la Ligue arabe doit prétendre au moindre crédit, il faut qu'elle cesse d'être à la remorque des deux Etats cités précédemment. La déclaration de son secrétaire général sur l'intervention militaire en cours au Yémen démontre qu'il n'est nullement dans son intention de respecter l'opinion des Etats membres qui contestent sa soumission aux deux Etats en question.