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Les Arabes, soldats par procuration

par Moncef Wafi

Les Arabes veulent absolument leur armée panarabe pour tuer d'autres Arabes. La conclusion peut paraître simpliste, mais il n'y a pas d'autres lectures à faire de cette toute nouvelle obsession de Ryad et du Caire de clamer, depuis quelques semaines déjà, la création d'une force armée unie. L'objectif avoué est de combattre Daech, contrecarrer Téhéran étant le principal but de cette coalition imposée par l'Arabie Saoudite.

Le sommet de la Ligue arabe qui se tient depuis hier et pour deux jours à Charm El Cheikh se veut être la date de naissance de cette force, considérant comme un «test» l'opération militaire «Tempête décisive» qui est menée actuellement au Yémen. Et malgré le refus de l'Algérie, qui reste l'une des armées arabes les plus compétitives de par l'effectif et l'armement, il est plus que probable que la décision de créer une armée commune prête à intervenir dans l'espace arabe soit entérinée lors de ce sommet. Tout converge à cette déduction qui mettrait indéniablement l'Algérie en position de faiblesse à cause de ses principes de non-ingérence.

Le projet de certains pays entretenant de fortes relations avec l'Etat sioniste et les Américains, et sous couvert d'une guerre contre le terrorisme, risquerait fort, dans un proche délai, à pervertir le rôle de cette armée pour peu qu'elle voie le jour. Ce qu'on a toujours reproché à Washington ou à l'OTAN, des interventions armées contre des pays avec des frappes préventives contre de présumés groupes terroristes, peut facilement guider des capitales arabes pour frapper au cœur d'autres capitales sœurs. Ainsi, et dans pas longtemps, Le Caire, appuyé par cette force hybride, peut bombarder Ghaza, Sissi ayant catalogué Hamas comme organisation terroriste. Ryad, derrière cette même armée arabe, peut s'attaquer aux installations nucléaires de l'Iran sous ce même prétexte.

Et de la tentation à la guerre, si elle est bénie par Washington comme c'est le cas au Yémen, la frontière est ténue. Tellement mince qu'une guerre du Golfe n'est pas à exclure. Si Bush avait évoqué maladroitement la guerre des civilisations, le monde arabo-musulman est à quelques pas d'une guerre confessionnelle entre sunnites et chiites au plus grand bonheur de ses ennemis. Le Yémen est un prétexte comme l'a été l'invasion du Koweït ou le 11 Septembre et ses victimes sont toutes désignées. L'Algérie, à qui on reproche sa frilosité à s'engager sur le front international, a toutes les raisons de se méfier d'une bonne résolution pour de mauvaises raisons.