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Musulmans vous êtes nés, terroristes vous êtes

par Kharroubi Habib

La veille de la grande marche organisée à Paris en réaction d'indignation et de condamnation des attentats terroristes qui endeuillent la France, la famille du policier d'origine musulmane figurant parmi les victimes a appelé l'opinion française à ne pas faire d'amalgame conduisant à la stigmatisation de la communauté musulmane du pays et des musulmans en général. Son appel et ceux lancés dans la même intention par les hommes politiques et les représentants des cultes en France n'ont guère été entendus, car l'on assiste à une montée spectaculaire en France du sentiment anti-musulman dont l'expression ne s'embarrasse d'aucune précaution.

Le grandiose rassemblement œcuménique antiterrorisme dont la capitale française a été la scène ne doit pas faire illusion et donner à croire que la communauté musulmane de France n'est pas en butte à la stigmatisation. Qu'elle ait participé en masse à la marche ne la prémunit pas d'être prise pour cible des islamophobes dont les rangs se sont singulièrement étoffés. Malgré leur présence à cette marche, les condamnations et rejets sans ambiguïté du terrorisme qu'ils formulent depuis le début des opérations de cette nature qu'a connues la capitale française, ils sont encore et toujours sommés de se « démarquer » de leurs auteurs et de leurs commanditaires.

Le pire est que certaines des interpellations dont la communauté musulmane de France fait l'objet sous-entendent qu'il ne lui suffit pas d'exprimer sa condamnation mais de reconnaître que la religion à laquelle elle appartient serait la matrice du terrorisme auquel la France et le monde sont confrontés. Face à cet apriori, hélas largement partagé ici, les appels à ne pas faire d'amalgame stigmatisant pour les musulmans ne sont guère entendus.

Il manquait à la marche parisienne contre le terrorisme qu'elle proclame que tous les terrorismes sont condamnables et à combattre. Celui bien sûr qui se donne la défense de l'islam pour justification et but, mais aussi ceux dont les conséquences tout aussi barbares assumés au nom de la prétendue défense de la démocratie et des libertés ou de la sécurité nationale. Il aurait été convaincant que cette marche n'a été en rien organisée contre l'islam et les musulmans et ne les visant aucunement d'une manière collective s'il n'avait pas été évacué de ses mots d'ordre toute référence culpabilisante du terrorisme d'Etat à grande échelle dont sont victimes les populations palestiniennes à Ghaza et en Cisjordanie.

L'on aurait voulu voir en la circonstance l'œcuménisme antiterroriste qui s'est exprimé à Paris se manifester aussi contre le sort fait à cette population par le terrorisme d'Etat israélien et qu'à côté des pancartes proclamant « Je suis Charlie » il y ait eu qui affirment également « Je suis Ghaza ». Qui nous dira ce qu'ont été les pensées de Mahmoud Abbas présent à la marche qui a été sélective dans la condamnation du terrorisme ? Lui aussi a été sommé de se démarquer du terrorisme en tant qu'Arabe et musulman et non pas accueilli et salué en tant que représentant d'un peuple confronté à un terrorisme sioniste qui ne le cède en rien en barbarie et inhumanité à celui d'El Qaïda et de l'Etat islamique.