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A défaut d'article 88, une élection présidentielle anticipée

par Kharroubi Habib

Il est clair que les partis et personnalités politiques regroupés dans l'Instance de suivi et de consultation de l'opposition (ISCO) font leur cheval de bataille prioritaire du départ sous une forme ou une autre du président de la République. Ce qu'ils ont confirmé sans ambiguïté au cours de la réunion qu'ils ont tenue à Alger avant-hier mardi. Leur revendication n'est nullement une nouveauté car formulée par eux depuis qu'en 2013 Bouteflika ayant été victime d'un AVC aux séquelles visiblement invalidantes, ils ne l'estiment plus en capacités physiques et intellectuelles d'assumer sa haute et délicate fonction. Il en est même parmi eux qui ont réclamé son départ bien avant 2013 en se fondant sur le fait qu'il a procédé arbitrairement au « tripatouillage » de la Constitution pour rester au pouvoir après les deux uniques mandats que lui permettait celle-ci avant cette opération jugée par eux attentatoire à la démocratie et au principe de l'alternance au pouvoir.

Ce qui est nouveau dans la déclaration de l'ISCO d'avant-hier est que contrairement à ce que ses membres prônent depuis 2013 comme procédure à appliquer pour obtenir le départ de Bouteflika, à savoir le recours à l'article 88 de la Constitution permettant le constat de la vacance du pouvoir qu'ils estiment être la réalité dans le pays, ils préconisent désormais la tenue d'une élection présidentielle anticipée.

L'objectif de faire partir Bouteflika reste par conséquent le but que s'est fixé la coalition d'opposants réunie au sein de l'ISCO. Seul son angle d'attaque a changé et cela au constat qu'elle ne parviendra pas à lever les impossibilités qui empêchent le recours à l'article 88, même si le pays comme ils le prétendent non sans raison vit effectivement une situation très dangereuse du fait de la vacance du poste de président de la République ayant provoqué la paralysie des autres institutions de l'Etat. Mais la demande d'une élection présidentielle anticipée a-t-elle une chance d'aboutir ?

Tout comme ils sont parvenus à neutraliser la velléité du recours à l'article 88 en plaçant sous leur contrôle absolu le Conseil constitutionnel, seule institution susceptible de le faire, le président et son clan se sont par ailleurs et au moyen de la même méthode prémunis contre toute autre initiative visant à les contraindre à céder le pouvoir. Comment alors l'opposition pense agir pour obtenir cette élection présidentielle anticipée qu'elle réclame ? Selon la déclaration de certains de ses membres, elle prétend pouvoir y parvenir en associant les actions qu'entreprendront dans ce sens les partis membre de l'ISCO avec celles qu'engageront de leur côté cette instance de suivi et la CNLTD.

Sans préjuger de l'impact que pourront avoir ces actions, il est naïf de croire qu'elles vont rapidement créer un rapport de force qui permettrait à l'opposition de se faire écouter de sphères du pouvoir et les emmener à faire droit à sa revendication. Il ne faut pas se voiler la face en l'état actuel de ce rapport de force, il n'y a que deux solutions envisageables qui pourront le faire bouger : le recours avec tous ses risques à la rue ou une intervention de l'armée. L'opposition se défend de vouloir l'un et l'autre. Alors il est temps pour elle de consolider le crédit qu'elle s'est acquis par la dynamique qui est la sienne depuis qu'elle s'est mise à lutter politiquement solidairement en se rapprochant des citoyens et de la société civile.