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Espoir et désespoir

par Abdelkrim Zerzouri

Au-delà du bruit relaxant des vagues qui se brisent sur la côte, du soleil, de l'évasion en général, l'été rime avec la harga vers l'eldorado européen. Nombreux sont les candidats à la harga qui se donnent rendez-vous en cette période de l'année, caractérisée par une mer calme, une météo clémente, propice au lancement des embarcations d'infortune vers le large, en direction du sud de l'Italie ou l'Espagne, deux destinations les plus proches de l'Afrique du Nord, et qu'on pourrait rejoindre par beau temps sur des planches flottantes.

El harga, ce n'est plus le même le degré de brûlure. On en parlait à satiété il y a tout juste quelque temps, des mères qui pleuraient la disparition de leurs progénitures faisaient l'actualité sur les chaînes de télévision privées, on consacrait des reportages sur le sujet, on organisait des rencontres de sensibilisation, les organisations des droits de l'homme se sont mêlées du débat social, puis tout retombe soudainement au degré presque zéro. A-t-on banalisé le sujet en le déballant en longueur, en largeur et en profondeur ? Ce n'est pas un oubli total, mais on parle de moins en moins de harga. Les jeunes sont de moins en moins nombreux à tenter l'aventure de la harga. Reflets des réalités du terrain, rares sont les interceptions annoncées ces dernières semaines, voire ces derniers mois, par les gardes-côtes algériens.

L'actualité chez nous, c'est plutôt ces réfugiés subsahariens qui déferlent dans nos contrées. Nos jeunes ont-ils vraiment assimilé la leçon ? On retiendrait, certainement, qu'il serait idiot de servir de repas aux poissons, alors qu'il existe d'autres moyens de rejoindre l'espace Schengen. Parfois, il suffit juste d'y mettre le prix. Il y a lieu de noter, aussi, qu'on a compris que tout n'est pas noir chez nous et que chez les autres tout n'est pas toujours rose. Bien sûr, des «boat people» poussés par les vents de l'espoir prennent encore et toujours les voies maritimes vers les côtes de l'Europe du Sud. Avec leur lot de malheurs. Les deux terribles naufrages qui ont eu lieu en 2013, l'un près de Lampedusa et le second près de Malte, et qui ont fait au moins 400 morts, sont revenus hanter les mémoires avec la découverte ce lundi dernier de 30 personnes mortes sur une embarcation (qui transportait 590 immigrants) lors d'une opération de sauvetage lancée par la marine italienne près du canal de la Sicile.

Les activités de la marine italienne se sont densifiées ces dernières 24 heures, 7 embarcations transportant 1654 personnes ont été interceptées ou secourues, selon le langage «soft» des autorités italiennes. Près de 60.000 migrants et réfugiés ont débarqué dans le sud de l'Italie durant le premier semestre de l'année en cours. On estime à ce propos que le record atteint en 2011 (63.000 réfugiés), en plein boom des printemps arabes, devrait être dépassé cette année. Il s'agit là d'une lecture des événements faite par les pays d'accueil des réfugiés. On sait pertinemment que les printemps arabes se sont transformés en cauchemar pour les peuples qui aspiraient à une vie meilleure et qui se retrouvent contraints d'aller la chercher ailleurs cette douceur du printemps. L'espoir et le désespoir se mesurent-ils chez les populations du Sud au prorata du nombre des embarcations et des réfugiés «secourus» au large de la Sardaigne.