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Conjonction des périls

par Kharroubi Habib

Jamais l'Algérie indépendante n'aura autant que ces dernières années été confrontée à des périls aussi nombreux que menaçants pour son unité nationale, l'intégrité de son territoire et la stabilité de son Etat.

Des périls qui lui viennent de situations créées à ses frontières par les bouleversements et conflits qui ont miné les pays qui sont ses voisins et dont elle à craindre l'extension à son propre territoire. Mais aussi de l'intérieur et dont les causes s'expliquent par l'immense gâchis résultant de cinquante années de gouvernance ayant provoqué des frustrations qui ont rendu les citoyens perméables aux appels les plus pernicieux qui soient. A ces périls s'ajoute celui de l'ingérence étrangère dont l'évocation ne doit pas être balayée au prétexte qu'elle relèverait de « la théorie du complot ».

Face à cette conjonction des périls, la seule défense pour le pays aurait consisté dans le rassemblement de la nation autour de son Etat et des institutions de la République qui sont censés être les garants de l'indépendance nationale, de l'unité du peuple et de l'intégrité territoriale. Or l'Algérie y est confrontée à un moment où le divorce est pratiquement consommé entre la nation et l'Etat et les institutions de la République.

Ce n'est pas uniquement par des visites de travail et d'inspection aussi percutantes qu'elles soient en terme d'engagements et de promesses à remédier au bilan des cinquante années de gâchis que l'on peut espérer renouer la confiance perdue qui a conduit au fossé qui s'est creusé entre l'Algérie officielle et le peuple.

La vérité est que le système politique algérien instauré au lendemain de l'indépendance est devenu totalement obsolète et incapable de comprendre les aspirations au changement qu'exprime la société algérienne. Ce qu'il démontre par sa persistance à se considérer comme seul à savoir ce qui est bien pour le pays et à faire le « bonheur malgré eux » des citoyens. Il a pris ce faisant le risque qu'à un moment ou à un autre l'Algérie soit happée dans la tourmente qui dans les pays voisins a conduit à l'effondrement de leurs Etats et à la désagrégation de leurs solidarités nationales sur lesquelles reposaient leurs nations respectives. Ce système en fin de parcours est par son entêtement dans l'autisme et le refus de céder la place en train de liquider l'héritage novembriste et de préparer le terrain à ceux qui nationaux ou étrangers nourrissent le dessein de forcer l'Algérie à renoncer aux idéaux et principes pour lesquels se sont sacrifiés tant de fils de son peuple. Il mène le pays droit à cette terrible perspective par le mépris qu'il affiche à l'égard des sonnettes d'alarme qui résonnent de tous les milieux de la société algérienne qui ont pris la mesure des dangers qui guettent la nation.

La façon dont ce système est en train de préparer la succession au sommet de l'Etat, confirme qu'il est déterminé à assurer sa survie et la sienne seulement. Autant dire qu'il va hâter dans ces conditions l'entrée du pays dans la tourmente dont nul ne peut prédire sur quoi elle débouchera sinon que l'Algérie va devenir inévitablement un terrain où se confronteront et s'affronteront toutes les visées et convoitises qui s'expriment déjà ouvertement et n'attendent que le jaillissement de l'étincelle pour prendre corps dans le pays et le transformer en champ de lutte. Même la maladie du chef de l'Etat et l'indisponibilité à assumer ses fonctions à laquelle elle le contraint sont utilisées en tant que mobiles pour précipiter la funeste réalisation de ce scénario.