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Conséquence politique de la crise de la dette

par Kharroubi Habib

La crise de la dette en Europe a pour conséquence politique que les majorités et les gouvernements en place qui en sont issus risquent de perdre le pouvoir à plus ou moins brève échéance en fonction des échéances électorales programmées dans leurs pays respectifs. C'est déjà chose faite en Irlande, le premier pays européen dont l'économie et les finances ont été ruinées par une crise de ce type, suivie par le Portugal, atteint à son tour par le même mal. En Grèce, l'autre pays en train de couler sous le poids de sa dette, la majorité au pouvoir se voit contrainte de le partager provisoirement avec l'opposition dans le cadre d'un gouvernement d'union nationale censé être plus à même de remettre le pays en marche. Dans l'Espagne et l'Italie, où les situations économiques et financières ne sont guère plus reluisantes que celles des Etats cités plus haut, leurs majorités aux commandes ne sont guère assurées de le rester.

Le Premier ministre espagnol Zapatero a d'ailleurs anticipé la débâcle électorale de son camp et annoncé son retrait de la scène politique. Son homologue italien Berlusconi fait, lui, l'objet de pressions de la part du sien le poussant à la démission, dans l'espoir que son départ préserve les chances de la majorité actuelle à conserver le pouvoir. La France et l'Allemagne, qui sont pour l'heure moins exposées au risque de faillite pour cause de crise de l'endettement, n'en voient pas moins leurs majorités gouvernementales sérieusement ébranlées par des impacts de la crise. Dans les deux pays, ces majorités ont essuyé de prémonitoires revers électoraux à l'occasion de scrutins régionaux ou locaux.

Mais la conséquence politique de la crise de la dette en Europe risque de se révéler autrement que par l'alternance au pouvoir qui est en train de s'opérer. Les prémices d'une recomposition encore plus radicale du paysage politique en Europe se décèlent en effet dans ces mouvements citoyens qui fleurissent à travers le continent, avec pour motivation la remise en cause pure et simple des élites dirigeantes traditionnelles de leurs Etats. Qu'elles soient de droite ou de gauche, ces élites dirigeantes traditionnelles sont accusées de collusion avec le système économico-financier ultralibéral, cause de cette crise qui malmène le monde et l'Europe. Une collusion qui, aux yeux de ces mouvements citoyens, impose la nécessité de disqualifier pacifiquement ces élites de la gestion des affaires de leurs nations respectives et celle de l'émergence de nouvelles, déterminées à ne pas abdiquer face à la prédation à laquelle se livre le système économico-financier ultralibéral.

A son apparition en Espagne, le premier mouvement de ce genre a fait ricaner le monde politique traditionnel, qui y a vu un «chahut de gamins et d'utopistes déconnectés des réalités du monde». Son foudroyant succès populaire et son irrésistible contagion à l'Europe et aux Etats-Unis fait obligation à ce monde politique d'en tenir compte. L'alternance dénuée de tout changement réel dans la gouvernance qui fait la pérennité de ce monde politique traditionnel est réellement menacée de prendre fin au profit de ceux que ces mouvements citoyens catapulteront dans le jeu politique.