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L'orgueil de façade

par Abdou BENABBOU

Le phénomène de la fine bouche politique a un aspect incommodant et dérangeant car il repose toujours sur du vent. Cette forme d'opposition est une posture et une manifestation d'humeurs gratuites. Ses résultats sont négatifs et aboutissent à la création d'un malaise dont la population aurait tout à gagner à s'en passer.

On convient que pour les Algériens tout ne fonctionne pas dans le meilleur des mondes et qu'ils méritent certainement mieux. Mais une partie d'associations politiques et d'organisations syndicales se limitent à cultiver en permanence l'exposé des constats désagréables en galvaudant la dictature du verbe. Des « il faut que » sont à ramasser à la pelle pour déduire que la remontrance verbale est une seconde nature chez la majorité des Algériens. On y décèle toujours une bravade locutrice sans profondeur pour s'apercevoir avec regrets que la place est outrageusement occupée par des lions en carton. On y voit une interprétation de fierté et d'orgueil de façade, alors qu'elle ne signifie réellement que fanfaronnade.

Ressasser que l'on est les plus forts et les plus grands n'est pas apporter une confirmation à la dignité. C'est plutôt agrandir l'écart entre le dit et le fait. Se contenter de la bravade des mots n'est pas une preuve de compétence. Se suffire de recommandations en l'air n'est pas un signe de hardiesse conséquente ni celui d'un engagement concret pour le progrès. C'est devant le four que l'on reconnaît le vrai boulanger. Nourrir l'humilité et la sagesse n'est pas donner un chèque en blanc aux gouvernants. Très loin de la rente pétrolière providentielle, elles devraient être la première ressource essentielle pour s'armer. Ressasser que l'on est les plus forts et les plus grands n'est qu'un leurre certifié. Mais à comparer cependant l'Algérie avec d'autres nations, les unes faussement nanties, les autres concrètement dépourvues, elle se porte plutôt bien malgré les terribles drames qu'elle a vécus.

Certains ont peut-être tendance à oublier qu'hier encore des Algériens pris de folie meurtrière en sont venus à égorger leurs frères et que le râle des femmes éventrées et des enfants brûlés vifs ne se dissipera jamais.