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LE BEURRE ET L'ARGENT DU BEURRE

par Abdou BENABBOU

Au moment où les regards sont braqués sur Le Caire pour suivre le déroulement de la compétition footballistique continentale, l'interpellation de la majorité des clubs nationaux s'installe de plus en plus insistante dans une forme paradoxale alliant la réclamation à la mendicité.

On ne comprend pas très bien l'intitulé pompeux d'un professionnalisme qui ne revêt qu'un qualificatif aléatoire et on reste toujours pantois au vu de la majorité des clubs censés être gérés comme de vraies entreprises mais contraintes en même temps de tendre la main pour exiger des subventions financières des pouvoirs publics. Le plus étonnant est que les autorités publiques prennent sur elles-mêmes des intrusions injustifiées en accordant des dons sonnants et trébuchants en puisant dans l'argent du contribuable. Toutes les associations dites d'élite sont bardées de conseils d'administration et devraient être régies par le code du commerce. On constate ici et là des énoncés en dizaines de milliards, de prêts colossaux avancés en toute discrétion par des dirigeants, de dettes faramineuses et foraminées et de réclamations de salaires mirobolants faites par des joueurs. Même les semonces de grèves ne sont pas en reste comme si pour tout le monde sportif la priorité était accordée au beurre et à l'argent du beurre.

Dirigeants et joueurs, à défaut de crampons, de brassards et de casquettes, ne devraient pas seuls porter le chapeau et le vrai sujet incriminé serait l'amateurisme flagrant d'une gestion politique sportive qui a privilégié la prise en charge d'un secteur déraisonnablement voulu comme une arme de mobilisation des masses en droite ligne de la stratégie chère à l'ancien parti unique.

A l'heure des rendus des comptes, à la vérité ce sont tous les tenants des aides et des subventions accordées avec légèreté à de fantomatiques groupuscules qui n'apparaissaient que pour chauffer les tambourins et faire sonner les zornas qui doivent être décortiquées pour que le Trésor public redevienne un véritable pourvoyeur d'oxygène au bénéfice de l'économie du pays. Facile à dire qu'à faire quand on ne sait pas si un chef d'Etat, hier encore première sentinelle de la tirelire nationale, a puisé dans sa poche pour soudoyer des milliers d'âmes en les envoyant à La Mecque alors qu'elles n'avaient rien demandé.

Taire le reste, aussi colossal que débridé qu'il soit, serait faire preuve de pudeur même si la gouvernance mérite absolument d'être circonstanciée.