Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Voter, pourquoi pas ?

par Moncef Wafi

Et si l'Etat faisait tout pour pousser le citoyen à boycotter les élections ? L'interrogation pourrait passer pour incongrue, voire farfelue du reste, tant les indicateurs tendent à prouver le contraire. Les discours, les injonctions, même maladroites, les intrusions et les prévisions chiffrées sur une participation honorable, sinon acceptée et tolérée, disent tout le contraire de cette assertion et indiquent que l'Etat veut éviter, coûte que coûte, une élection au rabais. D'où cette campagne pour une participation massive aux législatives du 4 mai prochain.

Une vérité qui reste au stade du constat tant la manière déployée trahit une autre volonté, si cela se trouve. On évoque pêle-mêle cette même campagne incitative qui a eu l'effet inverse ou ces appels suspects insistants à ne pas voter, lancés en sous-main par des officines politiques. L'abstention, plus que le boycott, est le meilleur allié du système actuel en place soutenu politiquement par les deux partis de la majorité sortante et de ses sigles satellitaires. De l'avis de l'opposition ou de ce qu'il en reste, cette hypothèse tient la corde, expliquée en cela par la nature qui a horreur du vide et qui l'a rempli, en Algérie, par le FLN et le RND. Les chiffres avancés pour les élections des années 90 et ceux après 2000 donnent un aperçu de cette équation électorale qui veut que l'abstention joue le jeu des partis de l'Administration, ou ce qui est convenu d'appeler comme telle. Dans cette campagne, on a souvent entendu les chefs de parti soit invectiver les partisans du boycott, soit les prendre de haut avec condescendance, expliquant les comprendre sans les cautionner. Pourtant, le débat n'est pas là, puisque le boycott est déjà une option partisane en soi. L'abstention est cette réalité algérienne, de tout temps, qui s'est imposée aux électeurs à force de scrutins biaisés et de détournements de leurs voix. Un choix individuel qui a muté en épidémie, encouragé par des intentions inavouables pour faire l'impasse sur le rendez-vous électoral.

Ces élections qu'on présente comme un modèle du genre, les premières à être organisées loin de l'influence du DRS et du système des quotas, devront avoir le bénéfice du doute. Celui qu'elles ne seront pas totalement soldées par l'Administration mais pour cela, il faut un minimum de garanties et un engagement citoyen qui devront faire obstacle, au moins, à la fraude au niveau des taux de participation.