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Nouvel ordre économique, vieux réflexes

par Moncef Wafi

Le gouvernement vient de dévoiler le nouveau modèle de croissance économique censé sortir le pays de la crise mondiale et l'émanciper des recettes des hydrocarbures. Depuis deux ans qu'on en parle, qu'on le présente comme la solution miracle au grave déficit budgétaire qui mine le pays et qui risque de le précipiter davantage vers les abîmes, Sellal et ses ministres avaient déjà donné quelques aperçus de cette nouvelle feuille de route de l'économie nationale.

En substance, l'Algérie doit diversifier son économie en insistant sur le secteur industriel, l'agriculture et le tourisme, vecteurs à fort taux d'investissement domestique et étranger, mais incapable de décoller en présence d'une bureaucratie pesante et contre-productive. En parallèle, l'Etat compte sur un meilleur recouvrement des impôts. Le reste, technique, se base sur des objectifs chiffrés à atteindre entre diversification économique et réajustement budgétaire. Pourtant, le ministère des Finances est avare en ce qui concerne le modus operandi du gouvernement pour mettre en place ce nouveau modèle et surtout réaliser les objectifs tracés.

Il est de notoriété publique, et tous les analystes le diront, que les premières opérations lancées dans ce cadre par le ministère de l'Industrie et des Mines sont en total décalage avec les réalités économiques mondiales, menées en l'absence de vision stratégique qui doit s'inscrire «dans le cadre des avantages comparatifs mondiaux», comme prônée par des économistes. Les exemples les plus édifiants de ces nouvelles orientations économiques prises par le ministère en charge de l'investissement sont les unités de montage des véhicules et les projets de cimenteries. Pour le premier cas, on prédit un risque de faillite pour la majorité de ces micro-unités de voitures «après avoir bénéficié des avantages fiscaux et puisé dans les réserves de change pour leurs composants». Pour le second exemple, on estime qu'il «sera difficile d'exporter le ciment dont de grands investissements sont réalisés en Afrique et où l'on assiste à des surcapacités dans le monde surtout avec les nouveaux modes de construction fondés sur l'efficacité énergétique».

A ce propos, la mise en place du comité de veille chargé du suivi et du développement des investissements vient rappeler les ratés d'une politique de relance économique centralisée entre les mains d'un seul département. Partagé entre plusieurs ministères, ce comité, chapeauté directement par le Premier ministre, joue le rôle du gendarme dans tout acte d'investir et, pour certains, limite l'omnipotence du ministre de tutelle. L'affaire Tahkout, ou ce qu'il est convenu d'appeler comme tel, aura été le dossier de trop pour décrédibiliser la politique d'investissement pilotée par le ministre de l'Industrie et des Mines avec un cahier des charges qu'on dit fait sur mesure, un acte d'investir orienté et des ratés en série. L'annonce de Sellal de revoir le dossier de ces unités de montage en dit long sur le sujet.