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Des maladresses en chaine

par Moncef Wafi

Charte, injonction ou simplement une com maladroite, les dix commandements du ministère de la Communication adressés aux médias pour la couverture des législatives du 4 mai prochain ont du mal à passer. Et c'est un euphémisme. Cette intrusion de la tutelle dans la ligne éditoriale de la presse nationale a ce quelque chose entre effraction et arrogance qui exaspère les professionnels de l'information interpellés vertement par le ministre sur les valeurs intrinsèques de la presse.

La dernière sortie du département de Grine a même fait réagir l'Autorité de régulation de l'audiovisuel (Arav) qui a seulement pris acte des circulaires ministérielles concernant cette couverture médiatique. La police médiatique, qui n'a pas été sollicitée sur cette question, a indiqué que le ministère est appelé à assumer ses responsabilités. La sortie de Grine, distribuant la bonne parole et surtout exigeant presque des supports informatifs d'interdire de visibilité les boycotteurs est suffisamment liberticide pour être soulignée. Au lieu d'inciter les Algériens à aller voter, elle contribue plutôt, à l'instar d'autres démarches hasardeuses et peu réfléchies, à l'effet répulsif. Alors qu'on annonçait ces élections comme un nouveau départ dans le paysage politique algérien, ce qui n'en est rien, les rappels à l'ordre des uns et les sommations des autres et cette insistance à vendre un produit sous emballage importé participent à éloigner, un peu plus, l'Algérien de l'objectif escompté.

Cette action gouvernementale et cette tentative pathétique de culpabiliser les abstentionnistes donnent l'impression d'un Etat aux abois et de partis politiques absents, incapables de mobiliser les électeurs. Et on n'est pas loin de la réalité parce que la désaffection des urnes est devenue une constante nationale renforcée par le peu de crédit qui leur est accordé et par l'absence de transparence qui les entoure. Interdire de parole les partis et personnalités appelant au boycott n'est sûrement pas la meilleure trouvaille du siècle, bien au contraire, elle offre l'image d'un pays policier à souhait, censeur de l'avis différent.

Abrutir les Algériens avec des messages sentant bon l'ère du parti unique et ses scores brejnéviens est ce qu'il ne faut surtout pas faire au risque de les détourner une bonne fois pour toutes des élections à venir. Le travail de sensibilisation ne doit pas venir des médias dont ce n'est certainement pas la mission mais d'une bonne gouvernance responsable et équitable et d'une confiance retrouvée entre les Algériens et leur administration. Mais ceci est une autre question !