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Déprime politique

par Mahdi Boukhalfa

Tirs croisés et à blanc dans le paysage politique national. Des tirs sans direction précise, ni ciblés sur une démarche claire consolidant l'édifice de la démocratie en évitant les guerres inutiles, personnelles, sans impact sur la vie publique. Non, le fait est que depuis quelque temps, depuis au moins l'été dernier, la scène politique nationale est l'otage d'une guerre de tranchées qui a pratiquement scindé les forces en présence en deux entités ambivalentes et qui se vouent une haine viscérale.

Il n'y a pas à proprement parler d'opposition politique dans le sens plein du terme, mais de deux clans avec des sigles et ayant des députés à l'Assemblée nationale qui s'affrontent sur un seul terrain, hélas! Celui de la santé du président et sa capacité à gouverner. Comme si les Algériens en font une question de vie et de mort, à un moment économique et social angoissant. La guerre qui s'est déclarée entre, schématiquement, le clan emmené par la chef du PT et des personnalités historiques qui veulent rencontrer le président pour se persuader qu'il est capable de gérer le pays, et que les grandes décisions passent par lui, et celui des partis de la coalition, le FLN et le RND, en particulier, est désastreuse. Car si la politique économique du gouvernement est antipopulaire, mène le pays vers la ruine et, surtout, le donne sur un plateau aux ?'oligarques'', selon la chef de file du PT, il est pour le moins étonnant que les discordances politiques ne se cristallisent pas là-dessus, mais sur la personne du président.

A croire que l'essentiel aujourd'hui se limite à une bataille rangée sur des aspects accessoires de la vie du gouvernement, de la vie de tous les jours du président. Au moment où l'agenda des partis politiques, opposition et partis au pouvoir réunis, aurait dû être orienté vers la menace qui guette, les sombres perspectives pour l'économie algérienne, la stabilité même des institutions du pays avec cette menace angoissante d'une baisse continue des cours du brut, la menace du terrorisme encore présent, le chantier de la Constitution, les prochaines législatives. Au lieu de se focaliser sur l'essentiel, de créer le débat sur les grandes solutions devant épargner au pays des sacrifices et des déchirements sociaux inutiles, fédérer les efforts de tous pour faire front uni contre le maelström économique qui s'annonce, les acteurs politiques se perdent dans des combats sans intérêt et stériles. Et, surtout, sans aucun impact sur la vie des Algériens qui, eux, ont les yeux braqués sur des lendemains absolument terrifiants, qui ne font pas réagir les grosses cylindrées politiques, car occupées à jouer leur rôle d'opposition, et, surtout, qui n'ont pas, apparemment, pris la mesure des défis qui guettent le pays. Sinon, pourquoi, aujourd'hui et pas hier, des partis politiques, sous le prétexte de défendre des officiers de l'ANP, en ont-ils d'ailleurs le droit ?, jouent au lego et ramassent de gros cailloux pour les jeter dans cette mare politique où ils pataugent ?

A la vérité, les deux parties, celle qui se réclame proche du président comme celle qui lui mène la vie difficile, polluent la vie des Algériens. Qui se préoccupent moins de qui a tort, qui a raison, dans le dossier du général Hassen, ou l'intervention inouïe du général Toufik, encore moins des sorties colériques de Hanoune ou bizarroïdes de Saadani. Mais seulement d'être considérés comme des citoyens dans un pays où le débat politique est moins centré sur les personnes et leur ego que sur la vie de la Nation. Aucun projet de société, de sortie de crise, rien. Autrement dit, après la dépression économique, l'Algérie est également entrée de plain- pied dans une longue période de déprime politique.