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INUTILES GUERRES DE TRANCHEES

par Yazid Alilat

La question est devenue récurrente: Bouteflika dirige-t-il le pays ? Sachant que la santé du président n'est pas au plus haut, beaucoup au sein de l'opposition avaient vite tiré des conclusions sur ses capacités à gouverner le pays. D'autant que le projet de révision de la Constitution, un lourd chantier qu'il avait lancé dans la foulée de l'annonce de sa candidature à un quatrième mandat en 2013, n'est toujours pas officiellement achevé et donc au cœur de toutes les polémiques.

Comme c'est pratiquement le dernier projet des réformes promises par le président Bouteflika, la mouture finale de la nouvelle loi fondamentale est donc importante et il serait logique de penser qu'elle divise. Sinon que le texte final peut surprendre à un moment où l'opposition n'a d'yeux que pour la santé du président, prête s'il le faut à invoquer la vacance du pouvoir pour revendiquer des élections présidentielles anticipées. Tout le «bataclan» fait autour de la santé du président, et tout le silence qui est renvoyé en retour de la présidence, est en réalité à la base d'une guerre de tranchées terrible qui fait rage entre clans du pouvoir par opposition interposée. Que signifient dès lors les déclarations de Louiza Hanoune, une des signataires de la demande d'audience au président, lorsqu'elle dit dans une déclaration de presse que «des personnes proches de la présidence de la République ou des institutions de manière générale nous disent aussi qu'il ne faut pas arrêter et qu'il n'y a aucune raison pour qu'il ne vous reçoive pas, car la démarche est légaliste» ?

Les auteurs de cette initiative sont-ils eux-mêmes otages d'une guerre «underground» pour préparer les prochaines élections, et donc le futur personnel politique, ou s'agit-il d'une offensive de l'opposition pour clarifier les choses et savoir si vraiment le président gère le pays, en acculant ses premières lignes de défense ? Ces mêmes lignes de défense qui n'ont pas tardé à réagir. D'abord par le Premier ministre Abdelmalek Sellal qui assure et affirme que Bouteflika va bien et qu'il est au courant de tout et dirige le pays. Ahmed Ouyahia, l'homme à la double casquette, assure tout aussi farouchement que le président va bien et mène normalement ses occupations à la tête de l'Etat, en dépit de son état de santé. Et après ?

L'opinion publique est en fait elle-même l'otage de ces escarmouches politiques d'arrière-garde qui font que personne aujourd'hui ne peut miser un «dinar» sur cette question brûlante, celle de savoir de quoi demain sera fait pour l'opposition. Car l'intervention agressive d'Ouyahia donne un avant-goût des prochaines batailles politiques entre les partis de l'opposition et ceux de l'alliance présidentielle, autant sur le terrain de la santé du président que sur la conduite des affaires du pays à un moment où la crise des prix pétroliers a fait perdre au pays au moins 34 milliards de dollars de recettes d'hydrocarbures. Et, au moment où l'opinion publique s'attendait à une sorte de «paix des braves» conclue entre les différents protagonistes de cette guerre pour le pouvoir pour passer sans encombre cette difficile phase économique et sociale, c'est au contraire le pire qui se produit: un blocage politique contre-productif.

Pourquoi l'opposition s'entête-t-elle à vouloir voir à tout prix le président, qui n'apparaît qu'à travers la TV, et également pourquoi le président lui-même ne reçoit-il pas ces personnalités pour couper une fois pour toutes à toutes les rumeurs et toutes les convoitises ? Car tout le monde, et en premier lieu l'électorat, tirera ses propres conclusions sur cette déprimante situation qui voudrait que la personnalité du président devienne un terreau fertile pour des batailles politiques inutiles, à un moment où l'Algérie fait face à des menaces multiples, dont la baisse des recettes pétrolières n'est pas la plus dangereuse pour sa sécurité et celle des Algériens. De l'avenir du pays.