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La «pax» selon Alger

par Moncef Wafi

La découverte par l'armée algérienne d'un arsenal de guerre près de Djanet, après celle d'octobre 2013 à Il lizi, interpelle derechef, au-delà de la lutte antiterroriste, sur l'impérieuse nécessité de sécuriser les milliers de kilomètres frontaliers sous pression. Aucune équivoque n'est permise quant à l'origine de ces armes de guerre sorties tout droit des arsenaux de Kadhafi après la chute de son régime et qui se sont dispersées à travers les différentes factions armées qui se disputent le territoire libyen.

Ce n'est pas la première fois, et certainement pas la dernière, que des armes sont interceptées par les militaires algériens le long des frontières sud avec le Mali, la Libye et maintenant le Niger. L'Algérie est consciente que le plus grand danger vient de derrière les frontières et plus particulièrement de leur porosité de l'autre côté de la barrière. En mars 2012, le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales de l'époque, Daho Ould Kablia, s'inquiétait déjà des frontières libyennes. Forts de cet arsenal militaire et livrés à eux-mêmes, les rebelles libyens se sont reconvertis en marchands d'armes, ne faisant aucun distinguo entre leurs clients. Touaregs maliens, groupes terroristes d'Aqmi activant aussi bien en Algérie, au Mali voire dans d'autres pays africains, la vente d'armes est devenue la première activité du désert.

Ces armes perdues de la Libye ont déjà été au cœur des discussions sécuritaires au plus haut niveau et Mourad Medelci, alors ministre des Affaires étrangères, en visite à Moscou en décembre 2012, avait soulevé ce problème avec son homologue russe. L'Algérie sait pertinemment que le problème ne peut être résolu sous sa forme militaire et que la paix, la sienne, se gagne avec la paix de ses voisins directs. Sa démarche malienne en est un exemple édifiant et son appel à un dialogue inclusif interlibyen fait partie de cette logique d'apaisement des conflits sans forcément passer par la case de l'intervention militaire étrangère. Pourtant, le dossier libyen risque de peser lourd dans l'équilibre régional du fait même de l'ingérence de plusieurs pays arabes, l'Egypte en tête.

Si la Mission d'appui des Nations unies en Libye (Unismil) a fini par épouser l'avis algérien concernant l'implication des milices armées dans le dialogue pour dégager une plateforme politique, Le Caire, sous-traitant pour Ryadh, privilégie une solution radicale en soutenant le général Hafter dans sa guerre contre les islamistes proches de la mouvance des Frères musulmans. A intérêts divergents, solutions diamétralement opposées, l'Algérie devra donc composer, dans ce dossier, avec l'axe Ryadh-Le Caire sur fond de tensions nées de la guerre au Yémen ainsi qu'avec les parties libyennes pas forcément d'accord avec sa vision. Si les premiers jalons sont en place, le chemin vers une sortie de crise politique est encore ardu de l'aveu même de la diplomatie algérienne.