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LA CULTURE DU RECUL

par M. Abdou BENABBOU

Le ministre des Transports vient de promettre des crédits bancaires pour les propriétaires d'autocars pour,  a-t-il affirmé, permettre le renouvèlement du parc roulant. Il explique que les bus en circulation sont dans un état pitoyable et que leurs propriétaires n'ont pas les moyens financiers pour les troquer. Il ajoute que cette mesure a été prise pour sécuriser davantage la circulation routière et présente l'opération comme un grand acte de salubrité publique. Dans son altruisme, le ministre oublie cependant que la politique et la gestion d'un secteur aussi névralgique que celui des transports publics est un domaine trop sérieux pour s'accommoder d'un rafistolage financier aussi généreux soit-il.

Si des transporteurs sont dans l'incapacité de renouveler leurs engins, c'est que pour diverses raisons ils ne sont pas faits pour un métier hautement stratégique qui nécessite une vraie stature d'entreprise, un savoir-faire autrement plus large et des capacités managériales d'un niveau conséquent. Le ministre feint surtout d'ignorer qu'une société de transports qui bat de l'aille ne sera jamais en mesure de mettre en place une gestion conforme à sa lourde responsabilité et sera encline à se conformer à des économies de bouts de chandelle contrainte de faire table rase des essentiels sujets de la maintenance et en recrutant des chauffeurs de dernier rang. Alors que quand il s'agit de gérer des vies humaines, nul n'a le droit de cultiver l'amateurisme de mauvais aloi en croyant se rendre utile avec des actions à l'emporte-pièce. Plus pour calmer des intempérances sociales plutôt que de faire preuve de sérieux et de prospective pour s'intégrer dans une large politique nationale de rationalité dont l'organisation de la circulation routière est un élément de base.

Le transport de la population n'est pas une affaire de bus seulement et l'on constate aujourd'hui que le gros des deuils déversés sur les routes est d'abord le dramatique produit des transports en commun avec son lot de décès par dizaines tous les mois.

Ce véritable cataclysme s'inscrit malheureusement dans une politique généralisée de fuite en avant.Tous les secteurs d'activité ou presque sont caractérisés par des inconséquences effroyables. Faute de savoir-faire et de circonspection, le pays est noyé dans une phénoménale culture du recul dont les colossaux dégâts humains et financiers sont irréparables.