En
Libye, il ne faut jurer de rien. La situation dans le pays demeure chaotique,
floue et aucune sortie de crise concrète ne pointe à l'horizon. Deux
gouvernements, l'un installé à Tobrouk, qui revendique la légitimité de diriger
le pays après les élections de juin dernier, l'autre à Tripoli, qui ne veut pas
quitter le pouvoir, soutenu par une coalition de milices armées, les milices de
Fadjr Libya. L'armée, du moins ce qu'il en reste, est dirigée par un ex-général
et s'est rangée du côté du gouvernement de Tobrouk, et combat férocement les
milices de Fadjr Libya. Entre ces deux grandes entités politico-militaires, la
Libye est également otage d'autres groupes armés, proches de l'Etat islamique,
et notamment dirigés par Ansar Charia, un conglomérat de groupes rebelles
touaregs alliés à des milices armées du Sud. C'est là, en quelque sorte,
l'architecture politique actuelle de la Libye où les milices, lourdement
armées, comme celles de Fadjr Libya ou celles de Zenten et de la Tripolitaine,
qui ont le contrôle des terminaux pétroliers, ont pris un poids décisif sur les
deux gouvernements. Pour autant, une lueur d'espoir, mince mais réelle, pointe
à l'horizon après le premier round des négociations, sous l'égide de l'ONU, qui
se tiennent à Genève. Les initiateurs de cette démarche, qui rassemble pour le
moment les «politiques» des deux gouvernements, mais pas les chefs des milices
armées, non conviées par l'ONU à ces discussions, sont arrivés à un premier résultat
positif. Un accord de cessez-le-feu pour le moment respecté par les groupes
armés. Un agenda politique de sortie de crise a été dégagé, vendredi à Genève,
entre les différentes parties et la reprise de ces pourparlers est prévue la
semaine prochaine. Les chefs des milices armées, seuls en fait détenteurs de la
décision de maintenir un cessez-le-feu et le retour graduel à la paix civile,
détiennent en fait la clé de la sortie de crise du pays. Pour autant, toute la
question actuellement est de savoir jusqu'où iront les groupes armés dans leurs
concessions aux politiques. Une grande rivalité, pis, une animosité sans
pareille, déchire les groupes armés, en particulier ceux de Fadjr Libya avec
ceux des autres grandes villes du pays. Certes, vendredi dernier, les
participants à la réunion de Genève ont annoncé leur volonté de mettre en place
rapidement un gouvernement d'unité nationale, qui rassemblerait toutes les
tendances politiques. Les discussions du second round, prévu mardi à Genève,
devraient se tenir avec la majorité des forces en présence dont des
représentants des milices. Pour les pays de la région dont l'Algérie et les
puissances occidentales, qui ont précipité la chute de Kadhafi et provoqué
cette situation de chaos, la sortie de crise en Libye, et donc une entente «des
braves» entre milices armées, ne peut être envisagée en dehors de la solution
politique, un dialogue national sans exclusive. Mais les groupes armés proches
de Daech peuvent mettre en danger le semblant de calme dans le pays.