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Agitation dans l'impasse

par M. Saadoune

L'impasse du système en Algérie s'accompagne aussi d'une incapacité des acteurs présumés de la société à créer l'alternative. Ce n'est pas une affaire d'idées, le constat d'obsolescence du système de pouvoir actuel est très largement partagé et pas seulement au sein des opposants. La peur du changement existe chez les tenants du pouvoir et elle les rend inaptes à se projeter au-delà de la gestion-contrôle de l'immédiat.

Face à la chute des prix pétroliers, on a des officiels qui s'étendent en propos rassurants qui ne seront pas démentis sur le court terme grâce à l'addition des réserves de change et du Fonds de régulation. Ce que les tendances mondiales dans le secteur des hydrocarbures énoncent cependant, quand on ne se limite pas à surveiller les prix du baril, est bien un impérieux changement à faire. Or, comme le note un économiste, la gouvernance algérienne semble croire que le monde va « s'adapter aux exigences de notre bien-être » alors que les grandes puissances économiques œuvrent constamment, souvent dans la douleur, à s'adapter.

La question du changement est d'abord politique. Face à un pouvoir qui dispose encore suffisamment de moyens pour gérer l'immédiat, la seule manière de pousser à la réforme serait d'amener les classes populaires à s'intéresser, à nouveau, aux questions politiques. A mettre la pression sur le régime. Cela n'a rien d'une promenade car le passif de la décennie 90 et de l'échec du processus démocratique a créé une forte méfiance à l'égard de la politique. En janvier 2011, les appels lancés pour faire « dégager » le pouvoir ont été sans écho. Sans surprise. Avant d'appeler les Algériens à la politique, il faut commencer par se rendre visible, présent et actif.

Contrairement aux journalistes - qui de facto font de la politique -, l'écrasante majorité des Algériens ne lisent pas les communiqués et les résolutions des partis. Et il serait malvenu de le leur reprocher comme le fait un certain discours méprisant à leur égard qui les réduit à des ventres que l'on gave. Les Algériens sont «normaux», ils ne suivent pas les appels de ceux qu'ils ne connaissent pas. Par contre, ils se mobilisent, quand ils le peuvent, pour des raisons concrètes. Les Algériens «bougent» en vérité, ils n'arrêtent pas de le faire. Leur mouvement est porté sur des demandes concrètes, ils sont, eux aussi, dans l'immédiat. Mais qui peut le leur reprocher quand ceux qui sont censés penser à «loin» ne le font pas ?

Les Algériens sont-ils mobilisables par la mise en avant des risques et des menaces, bien réelles, qui font peser l'immobilisme du système ? La réponse est difficile car les tenants du pouvoir, eux-mêmes, excellent dans l'art de jouer sur les menaces pour diaboliser les opposants et justifier l'immobilisme. Actuellement, ceux qui font de la politique partagent globalement le même diagnostic mais se perdent dans des méandres. Pourquoi ceux qui sont dans la CNLTD éprouvent-ils le besoin de s'attaquer à la démarche du FFS alors qu'ils ne sont pas dans l'action ? Ils auraient pu choisir de l'ignorer ou de dire regardons où cela mène ? Ils en font une fixation. Une agitation de plus dans l'impasse.