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L'arbre et le tamis du football algérien

par Yazid Alilat

L'Entente de Sétif est champion d'Afrique. Elle a remporté le sacre africain qui lui ouvre les portes du championnat du monde des clubs, une compétition de prestige marquée par la participation des grands clubs européens et latino-américains. Cette année, le plateau ne sera pas tellement relevé, mais il y aura un certain Real Madrid avec sa galaxie où brillent les meilleures étoiles mondiales et surtout CR7.

Donc, l'ESS, l'équipe des Hauts Plateaux de l'Est algérien, a réussi à se hisser au plus haut sommet du football africain. Mais, pour de nombreux observateurs du football algérien, cette consécration serait peut-être, nous dirons peut-être, un fait de hasard et de circonstances. Sans minimiser du mérite des joueurs, cette équipe s'est présentée au guichet africain, en début de saison, amoindrie de sept de ses meilleurs éléments, partis ailleurs monnayer leurs talents, sinon pour un meilleur salaire.

En fait, l'Entente de Sétif a joué cette compétition à un moment même où les plus hauts dirigeants de la FAF n'ont pas misé un ?'douro'' sur cette équipe, lorsque le président de la FAF avait même donné injonction à l'ESS et un autre club de ne pas s'engager dans cette compétition, jugeant le niveau des clubs algériens trop faible. Les Sétifiens se sont quand même engagés et qualifiés pour la finale, obligeant la FAF à faire machine arrière et récupérer le succès de l'Entente en organisant une finale fastueuse. Quel retournement de situation ont vécu joueurs et dirigeants de cette équipe, qui a été même un moment sommée de jouer ses matchs de championnat le jour même d'une rencontre de poule de la Ligue des champions d'Afrique.

Tout ceci en fait pour dire que le football algérien est malade, bien malade, autant de ses dirigeants, de son environnement que de politiques sportives ruineuses qui n'ont jamais donné un plus au mouvement sportif national. Certes, les équipes de football algériennes sont régies par un système de fonctionnement et de gestion qui se veut professionnel et orienté vers les performances, la prise en charge sociale et même éducative des joueurs. Dans la réalité, rien de tout cela, et les clubs de football fonctionnent toujours selon la logique mercantile, le ?'bizness'' des joueurs qui se vendent comme une vulgaire marchandise lors des mercatos.

La FAF comme la Ligue nationale de football gèrent un marché des transferts qui ne travaille nullement à faire rehausser le niveau du sport-roi en Algérie mais à entretenir un juteux marché des joueurs locaux. Pour le reste, la FAF, qui a depuis un moment tourné le dos aux entraîneurs algériens, recrute des coachs étrangers pour une équipe nationale constituée à 99,99 % d'Algériens nés ailleurs et dont beaucoup ne parlent que difficilement notre arabe dialectal. La sélection nationale, qui va se qualifier au petit trot à la prochaine CAN 2015, qui a envoyé un ?'SOS'' aux pays africains qui voudraient bien l'accueillir après la volte-face du Maroc, est constituée de joueurs algériens nés en France pour la majorité et qui évoluent dans les championnats étrangers.

Que vaut dès lors cette victoire de l'Entente de Sétif quand le championnat national n'arrive pas à alimenter la sélection algérienne en joueurs de valeur ? A contrario, privilégier la piste de joueurs et entraîneurs étrangers pour l'équipe nationale, c'est reconnaître le degré de décrépitude du championnat national. La victoire de l'ESS est de celles qui ont le goût amer, car réalisées dans un désert, sans lendemain ni promesses.