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Presse, une question de territoires

par Yazid Alilat

Des regrets et des satisfactions ! La Journée nationale de la presse, érigée en événement national par le président Bouteflika, a ceci de positif et de particulier qu'elle interpelle professionnels des médias et pouvoirs publics pour délimiter les territoires d'intervention et de vie de chaque camp. Sans que cela soit un antagonisme ou une opposition primaire, sans grande envergure politique.

Aujourd'hui, un peu plus de 52 ans après l'indépendance nationale, il ne s'agit plus de donner des directives ni de vouloir, dans une tentation atavique et maladive, contrôler ou bâillonner la presse nationale, qu'elle soit publique ou privée, mais de l'aider, sinon la laisser délimiter elle-même, professionnellement, ses territoires. Car la presse algérienne, majeure d'ailleurs, a depuis longtemps montré autant son professionnalisme que son souci de lutter contre tout travers paternaliste politiquement suicidaire. L'Algérie étant devant des enjeux géopolitiques, économiques et sécuritaires extrêmement sensibles, avec des menaces directes sur la sécurité du pays, il est dès lors patent que la presse nationale sait quel rôle elle doit jouer et quelle sera sa réaction face à tous les scénarios politiques et économiques possibles qui viendraient à perturber la quiétude nationale.

C'est dire que les médias algériens, avec à leur tête leurs responsables et staffs, ont dépassé l'âge de l'adolescence et que la marche vers le confort social, la quiétude économique et politique est un de leurs mots d'ordre. Il ne faut pas mettre de côté le rôle de la presse nationale dans la défense des institutions de la République, son apport dans le développement économique et son influence dans les choix politiques. Cette Journée nationale de la presse, célébrée en Algérie chaque 22 octobre, ne doit pas cependant occulter les difficultés quotidiennes rencontrées par les médias algériens. Des tentatives de bâillonnement aux pressions multiformes, y compris l'arme publicitaire, les territoires de la presse nationale ne sont pas dénués d'embûches, ni de «nids-de-poule».

Il serait aisé ici de rabâcher les innombrables entraves au métier de journaliste, mais il est inutile de parler des difficultés d'accès à l'information ; par contre, il s'agit pour la corporation de ne pas tenir cas de ces situations de blocage voulu ou momentané quand les enjeux auxquels sont confrontés les professionnels des médias ont trait à la bataille de la liberté de la presse, de vaincre les réticences politiques, d'institutionnaliser l'accès aux sources de l'information et, particulièrement, d'instaurer un climat de confiance et de respect entre les médias quels qu'ils soient (TV, journaux, agences de presse, portails électroniques) et les pouvoirs publics. Sans mettre hors course dans cette même perspective les milieux économiques, les gestionnaires d'EPE et groupes industriels privés, dont le soutien à cette démarche de mise en confiance entre les médias et les «institutionnels» est important.

L'essentiel dans cette dynamique de rapprochement, il s'agit de bannir cette méfiance contreproductive, est que chaque partie ne perçoive plus l'autre, entre presse et «institutionnels», comme un ennemi, mais plutôt comme un partenaire. Une presse libre, responsable, saine financièrement et, surtout, qui travaille dans la plus complète transparence, est vitale pour la marche du pays vers la bonne gouvernance, pour la consolidation de la démocratie et, plus que tout, pour arriver vers les territoires d'une presse écoutée, respectée. L'enjeu, pour le moment, est là. D'autant qu'il faut aujourd'hui plus que jamais s'affirmer définitivement et s'affranchir de certains réflexes rétrogrades des années de «béniouiouisme», qui ont longtemps mis sous l'éteignoir les compétences nationales et les grandes plumes algériennes, obligées à l'époque de s'exiler pour qu'on s'aperçoive dans le tard (hélas!) que «nous avons de grands journalistes» partis chercher la reconnaissance ailleurs.

Arrêtons donc de continuer dans la politique du paternalisme, du «harakiri» et de la culpabilisation pour gagner les territoires du professionnalisme, d'une presse capable de se gérer elle-même et d'offrir le meilleur à ses lecteurs, ses «complices» et soutiens de toujours.