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L'école de toutes les manœuvres

par El-Houari Dilmi

Constat évident, l'immaturité, voire la puérilité de notre système d'éducation et de formation n'est plus à prouver, pas même à ceux qui ne veulent rien voir ni rien entendre. La preuve par neuf - encore une autre - est cette vague de contestation annoncée dans le secteur, mettant l'école au centre d'une équation à plusieurs inconnues. Cette énième guéguerre à fleurets mouchetés entre les syndicats du secteur et le ministère de tutelle risque encore d'ajouter une couche au climat de vive tension qui règne au sein de cette première cellule de la République qu'est l'école.

C'est qu'à la franche disposition de la ministre de l'Education nationale à prendre langue avec les syndicats contestataires, répond, à contre-courant, un élargissement attendu du mouvement de protestation, avec le vent de fronde qui souffle sur certaines fédérations - dont la FNTE - affiliées à l'UGTA, plus que jamais menacée de «partition». Plus qu'un trivial problème de négociations et son corollaire de revendications à satisfaire, le bras de fer opposant le ministère de tutelle et les syndicats du secteur symptomatise, surtout, la déliquescence totale à laquelle est arrivé ce segment stratégique de la vie nationale, mêlé, consciemment ou non, à toutes les manœuvres, de même qu'il se retrouve otage d'intérêts étroits, voire claniques, ou carrément sectaires. Sinon, quelle compassion témoigner à un élève si son professeur est mal ou sous-payé, si l'école algérienne croule sous le poids des maux et des dérives de toutes sortes, ou si Noria Benghebrit, à rebours de sa propre volonté, se retrouve entraînée dans un terrain qui n'est pas le sien, sachant que certaines revendications des syndicats sont du ressort d'autres institutions, y compris la primature du gouvernement ?

Etrange dialectique que celle qui oppose le droit à l'enseignement pour tous au droit de revendiquer sa part de justice pour les enseignants. Personne n'a intérêt à s'engager dans une voie nous menant tout droit vers une sorte de suicide collectif. Dès lors que l'on sait que c'est justement une gestion pour le moins approximative qui a coûté leurs postes aux anciens ministres de l'Education, la nouvelle ministre créditée d'une compétence avérée dans le domaine paraît comme vouloir tenir un défi majeur : celui d'amener tous les acteurs de la grande famille de l'éducation à regarder dans la même direction, quitte à «discipliner» certains syndicalistes, plus enclins à faire couler le bateau qu'à contester le métier du timonier. Aussi vrai que les maîtres d'école sont des jardiniers, en intelligence humaine, personne n'a le droit d'en faire une passerelle vers de sombres desseins.