Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Les tableaux noirs de l'école

par Moncef Wafi

Et si finalement la meilleure école algérienne est celle de la rue tout simplement avec l'apprentissage de la vie à la dure, sans chichis, ni ronflons ? Surtout sans ministre ni syndicats encore moins de réformes éducatives. L'interrogation est tentante lorsqu'on regarde derrière son dos pour constater le sinistre d'une école qui traîne ses échecs sur le dos courbé d'élèves dociles.

Pourquoi alors parler de l'école en pleine période de vacances scolaires ? Parce qu'aujourd'hui s'ouvrent les assises nationales sur la réforme de l'éducation nationale. Encore une et ce n'est certainement pas la dernière puisque avec l'avènement de tout nouveau ministre, on a droit à une restructuration de son secteur. Un besoin viscéral pour tout Algérien qui s'obstine à effacer d'un trait ce qu'a réalisé le prédécesseur, même si parfois le procédé est salvateur. Le travail dans la continuité n'étant pas inscrit dans les gènes de la gouvernance nationale, l'éducation s'apprête de nouveau à vivre une réforme pour, paraît-il, révolutionner le système scolaire, dixit la nouvelle ministre de l'Education nationale. Une réforme chasse une autre, en convoque une ancienne pour sauver une école en perte de vitesse depuis que des apprentis sorciers l'ont prise en otage.

On a tout dit sur cette école, diagnostiqué, étudié sous différents prismes du politique à l'idéologie, du nationalisme au religieux. Les décideurs ne nous auront rien épargné, nous et nos enfants, à travers un système éducatif tatillon, incapable d'accompagner son temps. Le progrès est passé et avec lui les années, mais l'école algérienne est restée figée dans une indigence fatale qui est responsable, dit-on, des dérives sociétales et coupable, dans un certain pourcentage, de la décennie noire qui a endeuillé le pays. Evoquer une énième réforme, même si elle ne fait que reprendre sa sœur aînée de 15 ans, est presque sacrilège alors que le minimum syndical n'a pas été réalisé. Toutes les promesses ministérielles ont été bottées en touche quand elles ne sont pas simplement jetées à la poubelle.

Des fameux casiers pour alléger les cartables surchargés à l'allègement des programmes scolaires inutiles dans la plupart des cas dans certaines spécialités, en passant par la surcharge des classes, l'école a tout entendu sans que personne daigne l'écouter. La faute à qui ? s'interrogent les spécialistes et les parents d'élèves. Aux hommes du pouvoir, aux différents systèmes éducatifs importés et appliqués sans prendre en considération les spécificités nationales ou encore à l'incompétence des responsables qui se sont relayés à la tête du secteur. Les hypothèses sont nombreuses pour expliquer la déliquescence du système éducatif et toutes les meilleures volontés ne peuvent venir à bout de cet échec sans une réelle base compétente qui va du niveau pédagogique de l'enseignant à une véritable prise en charge socio-éducative de l'élève.

L'école n'étant que le reflet fidèle de la société, il serait vain d'essayer de la soustraire au cours des évolutions et révolutions sociétales, mais il serait impératif de construire une digue protectrice autour de ses fondements mêmes. Outre ces assises, la ministre aura certainement à composer avec les différents partenaires sociaux qui n'hésitent pas une seconde à faire pression sur la tutelle pour une revalorisation salariale ou une revendication professionnelle. Qualifiées de légitimes, ces actions font souvent les mêmes victimes collatérales qui sont et resteront les élèves algériens, otages malgré eux d'un conflit qui ne les regarde ni de près, ni de loin. Un conflit dont ils ont toujours été l'enjeu, partagé, alors, entre un népotisme ministériel omnipotent et une volonté de contre-pouvoir souvent entachée de soupçons partisans ou de mainmise sur le combat originel syndical. Maintenant que Benghebrit est à l'école, les choses évolueront-elles dans le bon sens ? C'est tout le mal qu'on souhaite à nos enfants.