Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

CHOC ET EFFROI

par K. Selim

Les deux principales institutions financières internationales, le FMI et la Banque mondiale, viennent d'apporter leur contribution aux projections pessimistes sur l'économie mondiale. La crise de la zone euro va déteindre sur les pays émergents, la Chine et, bien entendu, les pays en développement.

La Banque mondiale, allant à l'encontre des experts qui en rajoutent en ésotérisme, souligne que le présumé «découplage» entre le Nord et le Sud ne résiste pas aux faits et que la crise se propage comme une pandémie. «Les pays émergents doivent se préparer au pire», insiste la Banque mondiale, en conseillant que les dépenses soient affectées en priorité à la protection sociale et aux infrastructures et en demandant à ces pays de soumettre leurs banques à des tests de résistance. De son côté, le FMI annonce qu'il aurait besoin de mobiliser d'importantes ressources ? entre 600 et 1000 milliards de dollars ? sur les marchés des capitaux pour éviter les banqueroutes des pays confrontés à la crise de la dette.

Le message de ces deux institutions, temples de la doxa libérale, est sans équivoque : la crise enfle, la récession est à la porte et, critique implicite, les réponses «économiques» des pouvoirs politiques sont inefficaces. Un contexte approprié pour que les bellicistes tentent d'imposer l'option de la guerre comme panacée pour relancer une machine grippée. Quand on observe le formidable déploiement de forces navales à proximité du détroit d'Ormuz, on mesure à quel point la tentation est forte de recourir, à nouveau, «au choc et l'effroi». C'est-à-dire à des vastes opérations de destruction des infrastructures dans le but d'obtenir un «choc comparable à celui obtenu par les bombardements nucléaires d'Hiroshima et de Nagasaki sur les Japonais».

Mais cette tentation du recours à la guerre comme moyen de «relance» de la machine économique, et dont la cible évidente est l'Iran, rencontre des obstacles. La Russie et la Chine continuent à s'opposer aux sanctions économiques contre l'Iran et c'est en pensant à ce dossier ? et au précédent libyen ? qu'ils bloquent toute résolution ouvrant la voie à une intervention militaire en Syrie. Autre obstacle : l'Inde entend continuer à s'approvisionner en pétrole iranien, que les Occidentaux décident l'embargo ou non. La guerre est une option contrariée mais elle continue d'être une perspective pour les Occidentaux. A tort ou à raison, les Russes et les Chinois ne séparent pas le désir des Occidentaux d'en découdre avec l'Iran d'une volonté de confirmer leur domination sur la planète. C'est ce qui explique la résistance au Conseil de sécurité de Moscou et de Pékin qui refusent de céder aux pressions sous habillage moralisant et humanitariste.

Maintiendront-ils ce cap ? C'est l'une des inconnues, les deux pays ayant, dans le passé, montré qu'ils ne sont pas insensibles aux pressions de leurs principaux partenaires commerciaux. Mais une guerre contre l'Iran est clairement perçue comme une volonté de rétablir, par les moyens militaires, une suprématie occidentale en net recul au plan économique. C'est ce qui pourrait conduire Russes et Chinois à empêcher l'onction du Conseil de sécurité à une nouvelle aventure guerrière. Pékin et Moscou ne donneront pas le label «onusien», et donc celui de la légalité, à une éventuelle guerre contre l'Iran. Si les Occidentaux veulent «à tout prix recourir à la force, il est peu probable que nous puissions nous y opposer. Mais que cela reste à leur propre initiative et relève de leur conscience. Ils n'auront aucun mandat du Conseil de sécurité de l'ONU», a indiqué - on ne peut guère être plus clair - Serguei Lavrov, le ministre russe des AE.

Si les Occidentaux, sous influence du complexe militaro-financier, des multinationales et d'Israël, choisissent d'aller à la guerre sans le quitus de l'ONU, il s'agira bel et bien d'un coup de force. Quant aux hypothétiques avantages économiques d'un conflit, ils sont plus que discutables. La guerre, illégale et illégitime, ne permettra pas la relance générale de l'activité et ne devrait qu'aggraver des déficits.