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Circonvolutions: Il ne suffit plus de pleurer

par Salim Metref

ETE 2003. REGION PARISIENNE. FRANCE

Les deux premières semaines d'août ont connu une canicule exceptionnelle. La chaleur a été suffocante et des milliers de victimes ont été enregistrées. Aujourd'hui, la température est plutôt de saison.       Dans l'immeuble rénové de cet hôpital en cours d'extension, nous rendons visite à un ami malade, nouvellement greffé. L'édifice se compose de 3 étages entièrement dédiés à l'oncologie.

L'accès aux chambres stériles est strictement réglementé et pour y accéder il faut enfiler une tenue appropriée et se couvrir les chaussures. Nous retrouvons notre ami souriant et détendu. Le plus dur semble être déjà passé. Nous échangeons avec lui quelques propos fraternels et lui souhaitons un rapide rétablissement. Avant de le quitter, nous déposons sur la petite table jouxtant la chambre, l'exemplaire du Coran que nous avons, à sa demande, apporté. Il faut partir vite. C'est l'heure des prélèvements sanguins que doit effectuer l'infirmière.

A la sortie, dans la petite salle attenante à l'étage du service de greffe de moelle osseuse, quatre religieuses chrétiennes prient en silence pour la guérison des malades. Nous demandons à voir le Professeur G.C, hématologue de renom, qui accepte de nous recevoir dans son bureau. Cette spécialiste de la greffe de moelle osseuse, juive originaire d'Europe Centrale, nous parle d'histocompatibilité, de recherche de donneurs, de cellules souches, des progrès de la recherche, des nouvelles thérapies, du séjour des malades en chambre stérile, etc. Elle nous parle aussi des nombreux malades, de toutes origines et de toutes confessions, que reçoivent les structures qu'elle dirige et des soins qui y sont prodigués.

ETE 2009. GAZA. PALESTINE

La colère de l'opinion internationale n'aura pas suffi et les séquelles de l'agression de l'hiver 2009 sont terribles. L'hôpital de Gaza manque de tout. Bien que les dons en médicaments, couvertures et petits instruments de chirurgie continuent de parvenir, tant bien que mal, ils ne suffisent plus à satisfaire les besoins qui, eux, ne cessent de croître. Les enfants palestiniens gravement malades partagent leurs chambres avec ceux gravement brulés ou grièvement blessés par les bombes. Certains enfants sont devenus fous et ne comprennent plus ce qui leur arrive. Faute de places à l'hôpital et donc de soins, d'autres restent cloitrés chez eux. Ils errent dans leurs douloureux souvenirs, ne s'amusent plus et dans leurs yeux, l'innocence a cédé la place à la terreur. D'autres enfants sont déjà devenus adultes. Ceux-là n'oublieront pas. Ils ne pardonneront sans doute jamais.

Eté 2011 Oran. Constantine. ALGERIE

De nombreux médicaments manquent dans les officines. Les pharmacies des hôpitaux sont également prises au dépourvu. Les anticancéreux nécessaires à la chimiothérapie commencent à se faire rares dans les structures spécialisées. L'inquiétude s'installe car cette situation fait peur. Les malades se demandent comment faire pour trouver ces produits en dehors des établissements publics et surtout comment les payer.

Les rendez-vous s'obtiennent au forceps et l'attente des malades devient longue. Cependant, la maladie, elle, parfois n'attend pas.

Les médecins spécialistes et les infirmiers se dévouent et se démènent comme ils peuvent. Il faut parfois faire face au désarroi de certains malades abandonnés par leurs familles. La détresse est à son comble. A la souffrance de la maladie vient se greffer celle de la solitude.

Au chevet d'un malade nous retrouvons le Docteur M. B, cancérologue. Ce dernier s'étonne de ces pénuries récurrentes et se demande comment la responsabilité des pouvoirs publics, pleinement engagée par cette dramatique situation, peut-elle être ainsi battue en brèche par la désinvolture bureaucratique ? Il espère cependant qu'en 2012, cette situation ne sera plus qu'un mauvais souvenir.

Dans ces voyages, ici ou ailleurs, en ces lieux où les destins se croisent, naissent de nouvelles solidarités. Lorsque l'évolution des choses est défavorable, on devient pudique et il ya des mots que l'on ne prononce plus. Ici on ne parle que de guérison car l'espoir doit toujours éclairer l'avenir. Quant à nous, incorrigibles mortels, qui portons notre foi et notre générosité en bandoulière, n'infligeons pas de nouvelles peines à nos malades. Demain, Dieu seul sait qui sera aussi du voyage?.. Les pathologies lourdes ont besoin de traitements lourds. Elles ont certes besoin de médicaments, d'infrastructures et de matériel adéquats, d'imagerie numérique, de chirurgie robotique?. Elles ont aussi et surtout besoin de solidarité, de dons de sang, de dons de plaquettes, de don de soi.