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La chenille et le papillon

par K. Selim

La cérémonie d'ouverture de la Coupe du monde a été à la hauteur humaine et festive de l'Afrique. Les organisateurs sud-africains de cette Coupe du monde africaine ont incontestablement célébré leur pays mais aussi tout le continent martyr.

 Au stade de Soccer City de Johannesburg, les spectateurs étaient conviés à une fête chaleureuse et populaire, bien loin de la perfection glacée et des surenchères technologiques des manifestations du même genre auxquelles nous ont habitués les télévisions du monde développé. Dans son discours de la veille, Desmond Tutu, héros de la lutte anti-apartheid et prix Nobel de la paix, avait évoqué avec émotion et pertinence la métamorphose de son pays. C'est vrai, tous ont pu observer dans le bonheur unanime du peuple sud-africain que « l'affreuse chenille de l'apartheid s'est transformée en magnifique papillon multicolore ».

 Au-dessus de la ferveur du peuple austral et de ses invités, planait l'ombre magnétique de Madiba, le père de la nation. Le vieux leader, qui souhaitait, malgré l'âge et la fatigue, assister à une partie de la cérémonie d'ouverture, a dû renoncer en raison de la mort tragique de Zenani Mandela, son arrière-petite-fille, avant-hier dans un accident de la route.

 Mais l'absence physique du héros de la liberté et de la démocratie africaine met paradoxalement en exergue la dimension exceptionnelle d'un homme qui a su incarner avec grandeur la libération. Mandela est partout présent dans le cœur des hommes libres. Cette première africaine, reconnaissance de la capacité à organiser une manifestation majeure, les hommes et femmes du continent la doivent à ce grand homme.

 Cette fête sud-africaine, fête de tous les habitants de la planète football, est aussi celle des Algériens. Les relations spéciales entre l'extrême nord de l'Afrique et son pendant austral se sont forgées dans la lutte commune contre la domination et le racisme. L'émotion qui a étreint tous les spectateurs algériens est la traduction de la solidarité de cœur entre des peuples plus proches que ce que la géographie suggère. L'Algérie est de cette compétition historique, et la vaillance des joueurs a fait que notre onze national sera de la première fête africaine du football mondial.

 Le réalisme incite à la prudence, mais c'est avec l'espoir au cœur et la certitude que notre jeune équipe nationale trouvera les ressources pour dépasser les pronostics des éternels pessimistes. L'équipe nationale ne jouera pas donc en terre étrangère : à maints égards, le pays des Bafana Bafana est aujourd'hui celui des Fennecs. La Coupe du monde de Madiba est comme une parenthèse bienvenue, une fête arc-en-ciel dans un sombre horizon international.

 Le match d'ouverture a été une introduction spectaculaire, même si beaucoup sur tout le continent avaient souhaité naturellement une victoire des Bafana Bafana sur les Aztèques. Le match équilibré, malgré les avis des experts qui ne donnaient pas cher de la peau des Sud-Africains, a montré le potentiel d'une équipe que l'on n'attendait pas à ce niveau. Souhaitons que notre équipe nationale nous réserve une surprise encore plus belle ! Tous les amateurs de beau jeu et de confrontations purement sportives attendaient ces instants de bonheur, comme une oasis au milieu du sinistre quotidien des guerres et des blocus.