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Attribuer un sens approfondi
et critique aux soins de proximité sociale
Dans la collection scientifique Santé & Société, vient de paraître, en coédition de l'Harmattan-Algérie et du Groupe de recherche en anthropologie de la santé (GRAS) et sous la direction du professeur Mebtoul Mohamed, un ouvrage collectif, intitulé Les soins de proximité en Algérie, à l'écoute des patients et des professionnels de santé. Dans cet ouvrage, les auteurs présentent avec beaucoup de rigueur sur le plan méthodologique les résultats d'une grande étude qualitative qui a pour objectif général d'évaluer «les perceptions et les perspectives communautaires sur les prestations essentielles des services de santé et d'autre part de décrire les réalités des soins de santé dans certaines régions du pays afin d'élaborer des mécanismes de prestations de services de santé à travers la participation communautaire». L'étude a été réalisée dans deux wilayas distinctes: Oran et Tissemsilt; ces régions présentent un écart important sur le plan de l'accès aux soins et par rapport à leurs indicateurs sanitaires, dont le plus expressif est le taux de mortalité maternelle, qui est estimé à 78,5 décès pour 100.000 naissances vivantes à Oran, et à 145,40 pour 100.000 concernant les femmes à Tissemsilt. Sur le terrain, l'enquête qualitative a été réalisée au sein de quelques établissements publics de santé de proximité (06) dans ces deux wilayas, ainsi, 45 entretiens approfondis ont été menés auprès des médecins-chefs, des associations de malades, des volontaires et des responsables communautaires. Dans ces établissements de soins, des focus group ont été réalisés aussi avec des populations socialement diversifiées. Pour diversifier la population d'enquête dans cette recherche qualitative, l'étude a été centrée également sur un échantillon représentatif d'usagers dans deux régions sanitaires tirées en milieu urbain, semi urbain et rural au sort dans les wilayas concernées. A ce niveau, 840 chefs de ménage ont été interviewés par des enquêteurs qui ont été préalablement formés. Au terme de cette recherche sur les soins de proximité en Algérie, et en partant des restitutions des perceptions de la population enquêtée, les auteurs ont relevé dans les résultats plusieurs aspects essentiels. On peut distinguer au moins quatre niveaux de préoccupation: un mode de fonctionnement au quotidien des services de soins de proximité souvent sélectif et qui classe les patients «qu'on connaît» et les «autres» anonymes, des interactions de «défiance» et de «silence» des acteurs locaux du système de santé de santé vis-à-vis des «consommateurs de soins», l'absence d'un «arbitrage juste» des responsables de la santé qui se limitent à un «rôle abstrait et éloigné des préoccupations essentiels des patients». Enfin, dans cette analyse, il a été remarqué que les acteurs locaux de la santé ne «s'identifient pas aux différents processus décisionnels» toujours verticaux qui gèrent par injonctions toutes les activités sanitaires dans les établissements sanitaires. Les résultats des entretiens montrent aussi que les acteurs du fonctionnement du système de santé, tout comme les usagers aussi, se «sentent frustrés de se retrouver à la marge des décisions prises en dehors d'eux». Ainsi, par exemple, le faible enracinement des Programmes de santé dans le tissu social est attribué, d'une part, à la non-prise en compte des particularités régionales et, d'autre part, au rôle «d'exécutants» octroyé aux différents acteurs de soins dans les établissements sanitaires. Ainsi, il ressort de cette analyse qualitative globale relative à l'opinion des patients et des professionnels de santé dans les EPSP d'Oran et de Tissemsilt, que l'on dénote plusieurs points émergents: les soins de santé de proximité restent mal appliqués, suscitant une perception souvent négative des populations enquêtées vis-à-vis des services de santé, les moyens à disposition dans les structures de santé restent peu performants et limitent leur accès, une faible attention est accordée dans ces structures aux groupes cibles (enfants et femmes), les prestataires de soins dans ces établissements sanitaires périphériques restent insuffisamment formés et rarement recyclés par rapport aux besoins spécifiques des populations à prendre en charge, et enfin, la non-implication des usagers dans la gestion des services de santé de proximité. A travers cette synthèse que nous avons bien voulu réaliser pour mettre en valeur les résultats de cette étude qualitative approfondie qui a mis en exergue les préoccupations des patients et des professionnels de la santé dans notre pays, il nous a paru hautement significatif de faire connaître ce nouvel ouvrage d'excellente qualité coordonné par Mohamed Mebtoul. Il est important de souligner aussi que les résultats des entretiens rapportés par les auteurs dans cet ouvrage constituent à notre avis des indicateurs majeurs d'appréciation sur la qualité des soins, notamment les relations soignants-patients, et c'est aussi un instrument d'évaluation pertinent des activités quotidiennes et des niveaux de performance, dans les établissements publics de santé de proximité (EPSP). Enfin, cet ouvrage, qui constitue une référence nationale sur le plan méthodologique en anthropologie de la santé, devrait, de notre point de vue, constituer une base de réflexion tant pour une meilleure réorientation de la gestion participative des établissements des soins, que pour la promotion d'un processus de compréhension et d'amélioration des liens entre soignants et patients. * Professeur Mustapha Bouziani Faculté de médecine d'Oran |
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