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La
grève des médecins résidents pose, aux yeux du Professeur Guidoum
«un sérieux problème de déontologie» et met à nu «l'insouciance de la tutelle»
face à «une totale désorganisation des Centres hospitalo-universitaires (CHU).
Il pense cependant, que «le problème de la formation est bien plus important à
régler.»
Le Quotidien d'Oran : Pensez-vous que les médecins résidents ont raison de se mettre en grève durant une période aussi longue pour qu'il leur soit assuré une prise en charge confortable dés leur affectation au titre du Service civil ? Professeur Yahia Guidoum : Non, ils n'ont pas le droit ! La grève est une rupture de contrat entre l'employeur et l'employé. La grève des médecins résidents, en particulier, pose un sérieux problème de déontologie. On ne peut laisser un malade attendre? Il est clair que les médecins résidents, tout au long de leur formation, soulèvent des problèmes particuliers. Ce sont, cependant, des problèmes qui sont connus de leurs aînés formateurs. Ces derniers auraient pu, de manière préventive, éviter en leur temps, leur accumulation. En fait, c'est l'absence de coordination entre le ministère de l'Enseignement supérieur et celui de la Santé qui fait que les choses se compliquent. Une telle situation prouve qu'il y a absence de dialogue entre le déontologue, le formateur et les pouvoirs publics. Q.O.: Les médecins résidents ont-ils raison ou tort de réclamer l'abrogation du caractère obligatoire du Service civil ? Pr. Y. G.: L'esprit du service civil ne saurait être abrogé, par contre il doit être actualisé. Le service civil est, à plus d'un titre, nécessaire si ce n'est obligatoire. La première raison qui oblige à son maintien, c'est qu'il permet d'assurer la couverture légitime médicale du pays et le droit à la santé à tous les Algériens. Ce droit n'est pas à discuter. L'autre raison est liée à la qualité, même, de la formation des résidents. En surnombre d'affectation dans des services où ils sont en sous-encadrement évident, leur formation pose, indubitablement, des problèmes par exemple du point de vue de l'évaluation de la formation qui doit être mieux définie et le système d'examination finale qui laisse à désirer et qui doit être revu. Ce jeune formé, sans service civil, pense-t-il pouvoir directement être confronté de manière autonome aux malades dans le secteur privé, quand on sait que son objectif final est la profession libérale? Le service civil lui permet de mieux se former. Ce service doit, donc, être organisé de sorte à ce que tous les problèmes inhérents au social soient pris, correctement, en charge et les centres d'affectation dûment étudiés par les collectivités locales et le ministère de la Santé et pourvus en matériels adéquats. Il faut rappeler que le Service civil était en vigueur dès le début des années 80 pour toutes les spécialités, non seulement pour les médecins mais aussi pour les architectes, ingénieurs etc. Cependant, à partir de 1984, pour des raisons économiques, il n'a plus concerné que le corps médical, spécialistes et généralistes. En 1989, la disposition instaurant le Service civil a été abrogée mais a été ré-instaurée par la Loi de finances de 1999 et appliquée en 2000. Avant cette date, il était, pratiquement, impossible de parler de Service civil parce que la formation de spécialistes ne concernait que 300 médecins, en moyenne par an et 250 d'entre eux démissionnaient du secteur public pour s'installer dans le privé ou pour aller à l'étranger. Ne pouvaient alors être affectés qu'une cinquantaine de médecins pour couvrir les besoins de l'arrière-pays, grand Sud et régions enclavées. L'on note que la féminisation en spécialistes concernait déjà 70% de la formation. Dès 1999, obligation a été faite aux walis d'assurer les logements aux praticiens affectés, avec en prime une mobilisation de mesures incitatives allant jusqu'à 70% du salaire. Actuellement, plus de 2.000 spécialistes sont formés par an alors que les démissions ne sont que de l'ordre de 20% parce que les procédures pour aller à l'étranger se sont compliquées et celles pour s'y installer pratiquement verrouillées. Naturellement, d'importants problèmes sont posés, lors de leur affectation, celui du logement en premier lieu, les mesures incitatives ont, aussi, disparues. Au point de vue professionnel, les services d'accueil ne répondent pas aux normes minimales exigées par les spécialités concernées. Ce sont là des problèmes majeurs que les résidents soulèvent durant leur mouvement de grève. Q.O.: Comment réorganiser le Service civil et le rendre moins contraignant ? Pr. Y. G.: Il faut, impérativement, que les trois départements ministériels : Santé, Intérieur et Collectivités locales et Finances s'impliquent pour améliorer les conditions d'accueil. Un comité d'experts professeurs, véritablement formateurs, doit expertiser, au préalable, les sites d'accueil répertoriés par les collectivités locales. Ce comité veillera à leur conformité pour ce qui est des équipements et surtout du personnel paramédical et ce, en fonction des spécialités concernées. En outre, l'affectation ne doit concerner que des équipes pluridisciplinaires dont la composante devra intéresser par spécialité plusieurs écoles de formation. Ce brassage sera bénéfique, pour les jeunes spécialistes. Ainsi, si les conditions socioprofessionnelles, salariales modulées en fonction des zones sont réunies et surtout satisfaites, véritablement, le Service civil sera attractif et son caractère obligatoire ressenti aujourd'hui, comme une sanction par les médecins résidents, disparaîtra de lui-même. Le jeune spécialiste affecté mais non abandonné comme aujourd'hui, sécurisé pour ce qui est du confort de sa famille, n'attendra plus un ordre anonyme de rejoindre telle ou telle région mais de lui-même et en toute confiance, il choisira son lieu d'affectation. Obligation doit aussi être faite aux professeurs encadreurs de suivre les jeunes spécialistes, au-delà des services formateurs. Plus que le Service civil ou le Service national, le problème de la formation est bien plus important à régler. Si dans un passé récent, les services formateurs accueillaient un nombre relativement, acceptable de résidents, actuellement, du fait du boum démographique, ce nombre a quintuplé comme souligné plus haut. Et le rapport entre nombre d'encadreurs performants et résidents en formation est, totalement, déséquilibré aux dépens de la qualité de la performance en formation. Cette dernière pose, actuellement, un problème des plus préoccupants. A ceci, s'ajoute le choix des spécialités en vogue, ophtalmologie, cardiologie, ORL etc. Des spécialités à plus-value privée ! Toutes les autres spécialités, toutes aussi importantes soient-elles, n'intéressent pas grand monde, ce qui affecte tout le système national de Santé. Tout le monde sait que l'enseignement de spécialités vitales pour l'avenir de notre médecine n'est pas assuré. Des spécialités comme l'immunologie, la biophysique, la médecine nucléaire et bien d'autres, sont délaissées ou négligées, depuis des lustres. Il est urgent de redonner aux Sciences fondamentales leur véritable place dans le cursus des études médicales pour se hisser au niveau de la médecine universelle et préparer la médecine algérienne de demain. Autre lacune, il est connu que depuis plus de 20 ans, il n'y a plus ou très peu de travaux pratiques organisés dans les laboratoires de la faculté de médecine, y compris dans les locaux flambant neufs de la nouvelle faculté de médecine d'Alger. Sans travaux pratiques, il n'y a pas de véritable enseignement universitaire. C'est une véritable aberration. Cette situation insoutenable est, aussi, le fait des centres hospitalo-universitaires qui n'ont d'universitaires que le nom tant ils sont devenus pour leur grande majorité des structures de santé publique. La recherche scientifique est absolument inexistante. L'on sait que l'élément indispensable à toute idée de recherche se trouve dans les archives, hélas, service inexistant dans tous les grands CHU. C'est encore une fois le fait d'une incoordination totale entre les deux départements Santé et Enseignement supérieur, au niveau des structures formatrices. L'exemple le plus basique réside dans le fait que le résident, en formation, et l'interne sont payés par la Santé. A ceci, s'ajoute au niveau du CHU une rivalité de rapport entre le pouvoir administratif et le pouvoir médical qui, le plus souvent sont loin d'être complémentaires. Il est tout à fait naturel que ces dysfonctionnements retentissent sur la santé du malade, en termes de qualité des soins et sur l'encadrement des personnels en formation, résidents et internes. A titre anecdotique, les résidents en grève s'offusquent de l'absence d'un environnement social adéquat lors de leur installation en service civil. En retour, la question se pose : quelle est la qualité de leur confort dans les structures de formation ? Absence totale d'internat, de restaurant acceptable, des chambres de garde de niveau pénitentiaire? Q.O.: Au-delà de leur rejet du Service civil, les médecins résidents se sentent lésés sur tous les plans. Travaillent-ils plus que tous les autres personnels du secteur ou ont-ils besoin de conditions spécifiques, autres que leurs collègues de la profession ? Pr. Y. G.: Une telle situation impose des rappels importants. L'année 1971 fut l'année de la réforme initiée par le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. Les deux décisions les plus importantes qui en découlèrent furent : la réduction du nombre d'années d'études à six ans et la suppression de l'internat remplacé par un résidanat de trois ans. La faculté de médecine disparaît et remplacée par un Institut des Sciences médicales (ISM) sous tutelle de l'Institut national d'études supérieures en Sciences médicales (INESSM) regroupant les trois instituts de médecine, pharmacie et chirurgie dentaire. Le système français est remplacé par un système américain. L'année 1972 verra se dérouler les derniers concours d'agrégation selon l'ancienne formule. C'est ainsi que le vocable de résident s'est substitué à celui d'interne. Le concours d'internat consacrait les meilleurs étudiants (es) qui se destinaient à la carrière universitaire, et la médecine, la pharmacie et la chirurgie dentaire étaient sanctionnées par des certificats de spécialités donnant le droit d'exercer dans le privé ou le public. Mais le résidanat a été instauré pour concerner tout le monde. C'est ainsi que tout spécialiste dans les différentes disciplines doit passer par le résidanat, les certificats ayant été supprimés. Cette « réforme » répond à une politique de fonctionnarisation des professions médicales, le privé devait, par cette approche, disparaître. Or, avec l'avènement de l'économie libérale (ouverture des cabinets de spécialistes, cliniques et même hôpitaux), le résidanat est devenu caduc puisqu'il élimine de fait tout autre type de formation médicale, en termes de spécialité et est de type sélectif et non de formation complémentaire ouvert à tous les praticiens généralistes privés ou publics qui désirent se spécialiser dans une discipline choisie. Ce qui a eu des répercussions sur la couverture médicale nationale étant donné que toute formation doit, désormais, passer obligatoirement, par un résidanat. Formation qui, en devenant sélective, a sanctionné tout accès à la formation complémentaire et diplômante. Ce qui s'est traduit par la non-existence de passerelles entre les différents corps de métier des professions médicales. L'ensemble des praticiens ne peut, ainsi, ni se perfectionner, ni changer ni se spécialiser. Seul le résidanat peut offrir ces possibilités d'où la situation qui prévaut actuellement. Pourtant, le résidanat doit se consacrer à la carrière universitaire et non former des spécialistes désireux de choisir le secteur libéral. Il devient urgent de repenser la formation post-graduation médicale parce qu'elle n'est plus appropriée aux réalités du pays et notamment son contexte socio-économique. Q.O.: Les médecins internes protestent, eux aussi, notamment contre ce qu'ils appellent le manque de considération par leurs aînés, dans la profession. Comment un interne peut-il alors être bien formé si ses aînés en font un coursier ? Pr. Y. G.: Les internes en médecine sont actuellement répartis, sans coordination, entre la faculté de médecine et les services hospitaliers. Pour que les stages soient bénéfiques, il faut une expertise des services hospitaliers hôtes par les services de la faculté de médecine, prendre en compte le nombre d'internes concernés, leur fixer, avec précision, les objectifs pédagogiques et évaluer les stages effectués par l'administration hospitalière et de la faculté de médecine concernée. Ce qui est loin d'être le cas, actuellement. Q.O.: Avec ou sans les médecins résidents, les hôpitaux sont minés par des dysfonctionnements multiples et complexes. A qui la faute ? Au politique ? Au personnel médical? Aux deux à la fois ? Pr. Y. G.: Du fait de l'absence de sectorisation pour ce qui est de l'organisation de la chaîne des soins, l'absence de fonctionnalité des structures périphériques, le CHU devient, par la force des choses, une structure de santé publique ouverte au tout venant. Par exemple, les services de gynéco-obstétrique des grands CHU algériens sont devenus des maternités rurales où il est même difficile d'organiser la prise en charge des grossesses à risques. Pour ce qui concerne le dysfonctionnement des CHU, les responsabilités incombent aux structures de santé périphériques qui, dans ce cadre, fuient leurs responsabilités en recourant à des transferts de malades de manière anarchique. De ce fait, le CHU connaît un engorgement rendant la prise en charge des malades aléatoire. Il apparaît que les responsabilités des directeurs des hôpitaux périphériques et des directeurs de santé de wilayas se trouvent pleinement engagées. Q.O.: L'Etat a dégagé des budgets considérables pour équiper les établissements de santé mais la maintenance n'a jamais été le fort des gestionnaires. Ce sont aussi ces mêmes responsables qui doivent en rendre compte ? Les professeurs chefs de services ou alors les manipulateurs ? Qui doit en être responsable devant la loi ? Pr. Y. G.: L'actuelle organisation des hôpitaux est désuète et complètement dépassée. A titre d'exemple, actuellement, les services hospitalo-universitaires sont organisés de manière totalement autonome. Chaque service dispose de son plateau technique et d'exploration, ce qui, sous-entendu, que chaque service est équipé de manière absolument désorganisée. On devine très bien que devant un pareil saupoudrage technique, il est impossible d'organiser le plateau de maintenance. C'est pour cette raison qu'il faut, là aussi, de manière urgente, réformer le CHU en y distinguant l'hôpital industriel regroupant le plateau technique et la stérilisation qui doit être mise sous la responsabilité du département de Pharmacie et d'hygiène hospitalière. Ce n'est qu'ainsi qu'on pourra organiser une politique de maintenance aussi bien préventive que d'actualité. Un hôpital dit hôtelier doit être réduit à sa portion congrue grâce au développement de la prise en charge ambulatoire. Les deux grandes formations doivent être coordonnées par une informatisation soutenue. S'il en devient ainsi, on devine très bien de combien seront réduits les budgets des hôpitaux en termes d'économie d'échelle et notamment les affections nosocomiales. Pour ce qui est du reste, parc ambulant, intendance hôtelière, ils doivent être le fait de conventionnement avec le privé. Une autre mesure pour ce qui est de la normalisation budgétaire, en corrélation avec la Sécurité sociale, l'urgence de regrouper, dans les grandes villes, les grands CHU sous la forme d'assistance publique des hôpitaux. Ainsi, devra être procédée l'émergence d'assistance publique d'Oran, d'Alger, de Constantine et de Annaba. Ce qui permettra de normaliser, par exemple, la maîtrise des coûts. Parce qu'actuellement, schématiquement, une vésicule opérée à l'hôpital Beni Messous, revenant à un dinar pourrait être de 10 DA à l'hôpital Mustapha et de 20 DA, à l'hôpital de Bab El Oued? En clair, il faut une actualisation des prix pratiqués. Q.O.: Les professeurs chefs de services ne peuvent-ils pas remettre de l'ordre dans les CHU ? N'en ont-ils pas la compétence requise ? Pr. Y. G.: Ils ne peuvent, en aucun cas, remettre de l'ordre à cause, encore une fois, d'un bicéphalisme anachronique entre l'Enseignement supérieur et la Santé. Il faut savoir que l'enseignant hospitalo-universitaire est fonctionnaire de l'Enseignement supérieur et contractuel à la Santé. Autrement dit, le professeur chef de service est contractuel dans un CHU. Sa mission initiale qui est en principe triple, -soins-formation-recherche, est totalement dévoyée au dépens d'une seule mission, celle des soins. L'exemple le plus édifiant de désorganisation complète des CHU, l'absence totale d'informatique, d'archives centralisées. Il n'y a aucun travail de recherche dans les hôpitaux universitaires. L'élément vital pour ce qui est de la sécurité du CHU doit être représenté par le département de la Pharmacie qui est, aujourd'hui, réduit à une épicerie. Il n'y a pas un hôpital, en Algérie, qui formule certaines préparations particulières à certaines pathologies (notamment la pédiatrie et l'oncologie). Alors quid de la formation des jeunes pharmaciens ?!? Q.O.: Les malades hospitalisés sont très souvent orientés vers les laboratoires et imageries privés pour des examens et analyses pourtant prescrits par leurs médecins traitants de l'intérieur même de l'hôpital. Dans ce cas, l'Etat s'est-il totalement désengagé de la prise en charge des citoyens démunis ? Pr. Y. G.: Comme je l'ai dit plus haut, les CHU sont actuellement le fait d'une organisation désuète et complètement dépassée. Les services hospitaliers se voulant autonomes se dotent de plateaux techniques et d'exploration équipés de manière disparate rendant extrêmement difficile pour, l'administration hospitalière, d'organiser efficacement un service de maintenance. Ainsi la fréquence des pannes entraîne le recours fréquent aux plateaux techniques privés. La réforme hospitalière est une exigence. La réorganisation des CHU, comme expliqué plus haut, permettra de réduire la fréquence des pannes des équipements médicaux et de normaliser les séjours hospitaliers, en développant l'hôpital de jour. Ces impératifs de réforme influeront sur le risque des maladies nosocomiales. De la sorte, à travers la gestion des CHU, se développera un véritable partenariat entre le pouvoir médical et le pouvoir administratif, au bénéfice du malade, de l'étudiant et de la recherche scientifique. Q.O.: Est-il normal que les malades soient rabroués par le personnel médical sans qu'ils puissent se plaindre à qui que ce soit ? Ont-ils des instances de recours au cas où ils subissent la mauvaise humeur de leur médecin traitant notamment quand ils sont hospitalisés ? Pr. Y. G.: Il est clair que quand un médecin consulte 100 malades par jour alors qu'il ne doit en consulter que 50, il est attendu qu'il ait des réactions épidermiques. Mais encore une fois, dans une telle désorganisation des services hospitaliers, les séjours sont, totalement, inversés du fait de la fréquence des pannes des plateaux techniques. En gros, le séjour préopératoire est quelques fois le triple du post-opératoire. A cela s'ajoute l'organisation administrative de l'hôpital durant le week-end où il n'y a que les urgences. Le rapport est d'autant vicié que le premier accueil du malade et la découverture de l'hôpital se fait, au niveau des urgences qui connaissent de fait, un engorgement extraordinaire. La prise en charge, à ce niveau, est assurée par un personnel médical réduit, livré à lui-même, sans sécurité et celui paramédical y est affecté, le plus souvent par mesure de sanction. Si on doit parler de réforme du secteur de la Santé, on doit mettre en place une politique nationale de santé basée sur les urgences médico-chirurgicales, la prévention et une politique du médicament conforme aux réalités socio-économiques du pays. Q.O.: La politique de l'Etat en matière de médicaments n'a pas réussi à faire éviter au secteur des pénuries très préjudiciables aux malades et au fonctionnement des établissements de santé. Où se situe la faille ? Pr. Y. G.: Savez-vous qu'en pharmacie, un grand nombre de disciplines ne sont pas enseignées telles que notamment la pharmacie industrielle qui, elle-même se décline en plusieurs segments ? Ce qui est, aussi, un non-sens, c'est quand on parle de créer et développer une industrie pharmaceutique nationale. Cela n'a rien d'étonnant quand on sait qu'il n'y a chez nous, depuis l'indépendance, de manière claire et identifiée, ni faculté ni institut pharmaceutique alors que seule une véritable faculté ou un institut de pharmacie doté d'organes de réflexion et d'orientation adéquats est en mesure de structurer et organiser l'enseignement et les études en pharmacie. Ce qui doit être le socle pour le développement d'une véritable recherche, en sciences pharmaceutique, indispensable au développement d'une industrie véritablement nationale du médicament. Q.O.: Est-il normal que les équipes médicales quittent en général leur travail, au sein des hôpitaux publics, à 12h ? Est-ce une règle universelle ? Sinon, comment les obliger à faire les heures qu'il faut pour un secteur aussi sensible ? Pr. Y. G.: L'absence de disponibilité des structures de santé H24 est le fait d'une mauvaise coordination entre l'administration et les services médicaux. Le corps administratif hospitalier obéit aux impératifs de la fonction publique. Il est géré comme n'importe quelle autre administration. On sait que durant le week-end, l'hôpital universitaire n'est géré que par un fonctionnaire faisant office de directeur de garde. Pendant ce temps, le médecin de garde et le malade sont abandonnés à leur sort... Q.O.: Tout le monde sait qu'un grand nombre de médecins spécialistes, d'hospitalo-universitaires et de paramédicaux pratiquent des activités complémentaires dans le privé. Les lois en vigueur ne sont-elles pas claires à ce sujet ou faut-il des mesures répressives pour que les responsabilités de tout un chacun soient bien précisées ? Pr. Y. G.: C'est la fuite en avant de l'administration hospitalière et du ministère de la Santé ! Les textes sont clairs à ce sujet. Il faut appliquer la loi dans toute sa rigueur! L'hôpital est une activité économique, il faut qu'il soit rentable, ce qui est loin d'être le cas. Q.O.: La loi relative à la santé fait agiter beaucoup de monde. Avez-vous pris connaissance de son contenu ? Quelles sont les réformes qui sont impératives à engager pour que les hôpitaux ne soient plus des mouroirs ? Pr. Y. G.: Le nouveau projet de loi a été, apparemment, rejeté par les syndicats des professionnels de la Santé. J'espère que les amendements de ce projet consacrent la gratuité des soins, assure l'engagement de l'Etat vis-à-vis de la politique de la prévention et réglemente, au mieux, la coordination entre le secteur public et le secteur privé en priorisant un public fort et un privé complémentaire, sans omettre l'implication des caisses de Sécurité sociale dans le conventionnement avec le secteur privé et la contractualisation avec le secteur public. Aussi nombreuses que peuvent être les insuffisances connues de tout un chacun, nul bras de fer ne saurait les régler si ce n'est un dialogue serein et responsable, car nul n'a le droit d'attenter au cadeau le plus sacré qu'est la vie. |