|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
L'arganier, l'arbre mythique
et légendaire, de son nom scientifique Argania spinosa (L.) Skeels, appartient à
la famille des Sapotacées. Il était appelé autrefois Sideroxylon
spinosum, puis Argania sideroxylon, dit communément arganier ou argane.
Cette appellation désigne soit l'espèce, soit l'huile tirée de son amande. Il s'agit d'une espèce la plus originale de l'Afrique du Nord. Son intérêt biologique et écologique est lié en somme à son adaptation parfaite à des conditions climatiques rudes et très difficiles, c'est ce qui lui confère une place prépondérante dans les essences forestières sahariennes pour la conservation des sols et la lutte contre la désertification. L'arganier qui porte aujourd'hui le nom de Argania spinosa est la seule espèce du genre Argania, apparue il y a 250 millions d'années et qui regroupe environ 800 espèces d'arbres et arbustes tropicaux. De l'histoire de l'arganier L'arganier semble être une espèce-relique. Il se serait répandu au Maroc et à l'ouest de l'Algérie durant l'ère tertiaire, caractérisée alors par un climat chaud et tempéré, s'étalant sur de vastes étendues où existaient des forêts denses mais qui, au fil du temps, ont été dégradées par l'homme et ses élevages, ainsi que les aléas de la nature. Cet arbre mythique fut décrit par de nombreux auteurs musulmans ayant voyagé en Afrique du Nord au temps de l'Andalousie tels que El Bakri (1014-1094) et Al Idrissi (1165-1175) ainsi que l'agronome phytotechnicien et botaniste Ibn Al-Baitar (1190-1248) l'ayant mentionné dans son Traité des simples, ainsi que plusieurs autres auteurs comme Léon l'Africain (1486 ?-1535) dans son œuvre « Description de l'Afrique ». L'histoire retiendra par ailleurs que les Phéniciens faisaient le commerce de son huile dans les comptoirs établis le long de l'océan Atlantique. Ce qui suscita la curiosité plus tard des Occidentaux comme le botaniste danois Schousboe (1766-1832) qui s'y intéressa. L'arganier, par ses vertus multiples revêt aujourd'hui de nombreux usages tant forestier que fourrager ou fruitier. Aujourd'hui, selon certaines estimations, l'arganier occupe une surface de 3 millions d'hectares, mais de manière parfois très disséminée en fonction des conditions pédoclimatiques, généralement difficiles (relief accidenté et sécheresses fréquentes, 150 à 400 mm de précipitations annuelles), mais aussi dépendant de la pression anthropique (urbanisation, surpâturage, déboisement). Sa surface a été réduite de moitié en un siècle, font remarquer certaines sources. D'autres annoncent cependant une surface de 1,5 million d'hectares au début du 10ème siècle, réduite à 800 000 ha d'arbres plantés au 11ème siècle. Ce qui représente une baisse de quelque 600 ha/an. De la botanique de l'arganier Sur le plan botanique, l'arganier est un arbre aux rameaux épineux, d'où son nom spinosa qui signifie « épineux ». Il est de 8 à 10 m de hauteur, aux feuilles atténuées en un court pétiole, très résistant. Il est parfaitement adapté à l'aridité et présente une cime large et ronde, un tronc noueux, tortueux et assez court, souvent formé de plusieurs parties entrelacées. Les feuilles de l'arganier sont de couleur vert sombre, très coriaces. Elles sont consommées en zones sahariennes par les dromadaires et les chèvres qui grimpent sur les arbres, parfois jusqu'à 8 mètres de hauteur. Elles mangent les jeunes pousses et le fruit en laissant le noyau qu'il contient, jouant ainsi un rôle essentiel dans l'écosystème local. Les fleurs blanches à jaune verdâtre sont hermaphrodites, gamopétales à tube très court et sont réunies en glomérules. Elles apparaissent en mai-juin. Le fruit est une fausse drupe ovale, fusiforme de 30 mm de long environ, jaune-brun, contenant à maturité une noix très dure abritant 2 ou 3 « amandons ». Le fruit est une drupe jaune parfois rougeâtre, de forme ovale, ronde ou en fuseau de 30 mm. Il est formé d'un péricarpe charnu ou pulpe riche en glucides et protéines et qui couvre un noyau très dur. La noix d'argan renferme de 2 à 3 amandes, appelées amandon qui produiront l'huile. Elles représentent environ 3% du fruit frais mais ce poids peut doubler lors des années pluvieuses. Le stade de maturation des fruits a lieu pendant presque toute l'année et dépendant de l'importance des pluies. Les fruits apparaissent souvent après les pluies d'automne, mûrissent au printemps et tombent au sol au début de l'été. A maturité, les fruits tombent naturellement et se dessèchent en sol. C'est alors que de l'amande qu'on extrait la précieuse huile. Quant au tourteau, il sert de nourriture pour les animaux. Le système racinaire de l'arganier est profond mais dépourvu de poils absorbants (racines « magniloïdes »). Il profite d'une symbiose avec différents types de champignons pour pallier cette déficience, seuls ces derniers peuvent apporter les différents nutriments à l'arbre. La reproduction artificielle et la mise en culture de celui-ci nécessite ainsi l'inoculation de plusieurs espèces de champignons au niveau de ses racines. L'arganier fournit un bois très dur, appelé bois de fer, utilisé essentiellement comme bois de chauffage. L'arganier possède des mécanismes qui limitent ou ralentissent la chute du potentiel foliaire et relèvent de la stratégie d'évitement. L'arbre ne perd ainsi ses feuilles que transitoirement, en cas de grande sécheresse. Aires géographiques et étages bioclimatiques L'arganier est un arbre d'origine tropicale qui, au fil du temps, s'est étendu hors de sa région géographique d'origine pour s'implanter en Afrique subtropicale et principalement dans le Sud-Ouest marocain et à l'Ouest algérien. Parfaitement adapté aux climats et aux sols de la région, ses caractéristiques physiologiques et écologiques font de lui l'arbre idoine pour lutter contre l'érosion et la désertification, principalement dans les zones sahariennes. L'arganier a résisté aux changements climatiques depuis l'ère tertiaire jusqu'à nos jours. Il supporte tout type de sols : argileux, calcaires ou siliceux, meubles ou compacts. C'est un arbre thermophile, adapté aux fortes températures et xérophile, supportant la sécheresse et des températures allant jusqu'à 50°C grâce à son système racinaire souterrain pivotant qui peut atteindre une profondeur de 30 mètres pour absorber de l'eau. Mais il tolère toutefois de légères températures négatives, ce qui limite son implantation à une altitude de l'ordre de 1300 m. Les arganeraies sont des forêts à physionomie très ouverte. Les arbres sont distants les uns des autres dont la croissance est lente, tributaire de l'eau et non pas du temps. L'arbre peut vivre 250 ans, mais certains écrits prétendent que sa durée de vie peut dépasser cinq siècles. L'arganier présente un port droit ou étalé selon son environnement. En sol fertile, il offre une couronne dressée et largement déployée, alors que dans les zones sèches et désertiques, il a une forme rabougrie, repliée sur elle-même. Le tronc étant court et tortueux à écorce rugueuse et crevassée, portant des rameaux épineux. Ses petites feuilles alternes sont vertes et coriaces qu'il peut perdre en cas de fortes chaleurs pour économiser l'eau. Les fleurs discrètes et regroupées en grappes apparaissent généralement en février, couvrant entièrement l'arbre d'un voile jaune verdâtre. La multiplication est liée à la symbiose mycorhizienne qui favorise la croissance de l'arganier juvénile qui porte des endomycorhizes à arbuscules, au moment de la transplantation. Ces champignons peuvent éviter le stress hydrique et accroitre la chance de survie des plantules. Le fruit de cet arbre contient une noix dure dans laquelle se trouvent 2 à 3 graines qu'on appelle les amandons. Elles contiennent une huile comestible très appréciée, ressemblant à l'huile d'olive. Dans son milieu naturel, les chèvres et les chameaux mangent les fruits et dispersent les noix dures avec leurs excréments. Ses noix sont alors récoltées et pressées pour obtenir une huile qui peut coûter jusqu'à 10 fois plus chère que l'huile d'olive. Très riche en acides gras essentiels et en vitamine E, l'huile d'argan est réputée pour ses propriétés hydratantes, revitalisantes et antirides. Elle est aussi idéale pour lutter contre le dessèchement de la peau. Elle adoucit l'épiderme et prévient le vieillissement cutané dû aux conditions climatiques extrêmes (soleil, vent, froid). Elle est également parfaite pour régénérer et nourrir les cheveux secs et fortifier les ongles. Par ailleurs, la population berbère offrait l'huile d'argan, accompagné de miel en signe d'hospitalité aux invités. Son bois produit un charbon de bois d'excellente qualité car il est dense, très résistant et brûle lentement. Il était utilisé autrefois, pour l'élaboration d'outils agricoles et pour la construction des charpentes et des réseaux d'irrigation. Ses feuilles et la pulpe de son fruit sont utilisées comme fourrages. De l'agrotechnie de l'arganier L'arganier se multiplie par semence ou par bouturage. Le semis est souvent effectué après un trempage des graines dans l'eau tiède pendant 48 heures pour ramollir les téguments dures des graines (noyaux). Il s'effectue en période estivale (Juin-Juillet) car, la graine d'Arganier a besoin de températures élevées de 30 à 35°c. En hiver lorsque les températures sont aux dessous de 20°C, la germination est faible et les graines pourrissent généralement dans le sol. La germination des graines lors de la période estivale est plus importante et plus rapide que celle de la période hivernale. La température est un facteur limitant de la germination des graines de l'arganier. En culture, le semis a aussi besoin d'un substrat léger (sable, argile et terreau), qui favorise la croissance rapide des racines, outre l'arrosage régulier mais sans excès d'eau. Pour la pratique du bouturage, l'aptitude à l'enracinement est variable. Certaines boutures s'enracinent facilement, d'autres difficilement. Cette aptitude dépend en grande partie du potentiel génétique du pied mère. Alors que le greffage s'adapte mieux que le bouturage. Outre, son aptitude à conserver les performances des greffons (clones sélectionnés), le greffage permet de garder les avantages du semis (racines longues permettant à l'Arganier d'épuiser l'eau en profondeur). Les porte-greffes peuvent être soit un sujet adulte, soit un sujet issu de semis, de 6 à 8 mois d'âge qui seront taillés à 10 ou 15 cm de hauteur (à partir du substrat) avant de recevoir le greffon. Pour les arbres, ce sont les branches de 2 ans qui se trouvent sur la souche à la base qui se prêtent le mieux au greffage. Quant aux greffons, ils sont des pousses de l'année qui sont utilisées de préférence et choisies selon les critères de performances telles que la résistance, le rendement, la forme, l'absence d'épines, etc. Pour êtres facilement insérés, les greffons doivent être de taille inferieure à celle des portes greffes (3 à 4 mm de diamètre). Plusieurs types de greffes ont été essayées : la greffe en fente apicale simple et la greffe par perforation apicale ou perforation latérale qui sont les plus faciles et donnent les meilleures résultats. Quant à la production, celle-ci n'est pas toujours régulière. Elle est obtenue au bout de 5 à 6 ans, avec un maximum de rendement atteint à l'âge de 60 ans. Un hectare d'arganiers produit environ 800 kg de noix, qui fournit quelque 40 kg d'amandes destinées à l'obtention de l'huile d'argan (ou huile d'argane). Un arbre porte de 10 à 30 kg de fruits par an, sachant que 100 kg de fruits mûrs sont requis pour obtenir 1 litre d'huile par le procédé artisanal qui exige au moins 15 heures de concassage, torréfaction, passage à la meule, malaxage et pressage. Un procédé d'extraction industriel permettrait d'augmenter de 45 % la quantité d'huile produite qui se trouve encore dans les tourteaux (38 kg de fruits/litre). Ces derniers servent toutefois à nourrir le bétail pendant l'hiver. La culture de l'arganier en Algérie En Algérie, le peuplement naturel d'arganier est essentiellement localisé dans le sud ouest algérien dans la région de Tindouf (Touref Bouaam) , un milieu dans lequel, il pourrait représenter une source de revenus pour les habitants de ces régions et pour lesquelles, il joue un rôle irremplaçable dans l'équilibre écologique, voire économique. Il est cependant menacé d'extinction par les aléas naturels et les actes de prédation. On dénombre aujourd'hui 70. 000 hectares d'arganeraie. Le programme initié par les services des forêts de la wilaya de Tindouf consiste en la mise en terre de plants de cette espèce forestière sur une superficie de 20 ha, à travers la réalisation d'un forage hydraulique et de nombreux retenues d'eau dans la région de oued El Ma, qui compte une superficie arganière de quelque 300 ha, avec une densité de 10 à 20 arbres/ha. Même si ce secteur accorde une grande importance à la préservation de cette espèce végétale rare, endémique, au sud-ouest du pays, cela demeure très insuffisant et mérite des programmes d'extension. L'arganier est localisé à 110 km, au nord-ouest du chef-lieu de la wilaya de Tindouf dont la superficie occupée est de 672,41 hectares. Le nombre de sujets recensés est de 5.257 arbres alors que l'aire naturelle de l'arganeraie est de 70 000 hectares (selon l'étude réalisée par le Bureau d'Etudes GEOSYSTEM-Consult, 2009). Cette étude a d'ailleurs proposé la création d'une réserve naturelle à Touiref Bou Aam, sur une superficie de 250 000 hectares ayant pour objectif de préserver l'espèce et son habitat, d'assurer sa régénération et repeupler l'arganeraie dans les lits d'oueds et autres bas fonds et dépressions. En effet, la culture de l'arganier a connu un net recul, ces dernières années, en raison des conditions climatiques et de l'arrachage illicite. La présence de l'arganier à Tindouf et à Mostaganem et d'autres régions qui s'y prêtent pourrait néanmoins inciter les habitants de ces localités à étendre ses superficies et en faire une source de revenus car son huile, à elle seule, est l'une des plus onéreuses au monde, outre ses avantages sur la préservation de l'environnement. En Algérie, on tend aujourd'hui à s'intéresser davantage à l'arganier de la sorte que de nombreuses recherches ont été effectuées et d'autres sont en cours de réalisation tant au niveau de l'Institut National de la Recherche Forestière qu'en milieu universitaire. Ces recherches portent notamment sur la préservation de l'espèce, ses modes de multiplication, son adaptation au milieu et les possibilités de son extension, les aspects liés à sa productivité et son comportement variétal. Présent dans son aire géographique de prédilection, l'arganier, hormis les considérations économiques et sociales qu'il fait valoir, joue un rôle indéniable dans les équilibres écologiques. C'est une plante résistante aux conditions de sécheresse et d'aridité. Grâce à son système racinaire puissant, il contribue au maintien du sol et permet de lutter contre l'érosion hydrique et éolienne qui menace de désertification, une bonne partie de la région. Enfin, de nombreux organismes vivants (faune, flore et micro-organismes) sont directement liés à sa présence. Il fournit de ce fait, un écosystème idoine pour la biodiversité. Ainsi, sauvegarder, l'arbre mythique et l'étendre dans d'autres zones revêt aujourd'hui, une importance capitale. Alors, y penser sérieusement, c'est déjà agir. *Agronome post-universitaire |