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«On s'obstine à
relancer sur le marché politique les vieilles élites corrompues, usées et
discréditées» (Mostefa Lacheraf)
Pour rappel, la République algérienne a connu autant de constitutions que de présidents. Tous illégitimes et quasiment tous ayant accouché d'une constitution. Une donnée majeure et permanente : l'emprise du chef de l'Etat sur toutes les institutions, titulaire d'impressionnants pouvoirs, alors qu'il a été promis au pays «un Etat sérieux et régi par une morale ». Les scandales politico-financiers depuis ont achevé ce projet. Ainsi, à travers la Constitution de 1963, le Président Benbella - civil appuyé par le FLN (alors parti unique) - et surtout la direction de l'Armée, ont essayé le monocratisme partisan et l'autogestion pour quelques mois. Sans lendemain. Il fut déposé par un coup d'Etat, à raison du culte de la personnalité. Boumediène, colonel à la tête d'un Conseil de la Révolution, a tenté le « socialisme spécifique » ayant abouti, en fait, à un capitalisme d'Etat périphérique et à un système politique investi par la direction de l'Armée. Une forme de césarisme militaro-bureaucratique qui a verrouillé tout droit à l'expression, à l'opposition et à la Société civile. Au plan politique, des officiers supérieurs occupent (ont occupé) depuis, des postes importants : président de la République, ministres, walis, P-DG de sociétés nationales... La Constitution de 1976 - qui évoque six fonctions (et non pouvoirs) ? fut, sans doute, davantage un moyen de tentative de légitimation du pouvoir, alors en place, qu'une ressource d'organisation des institutions et un renouvellement du personnel politique. Avec la Constitution de 1989, le Président Bendjedid, colonel successeur à la présidence et candidat unique du FLN élu à plus de 99% des voix, a fini par mettre sous la pression de la rue et des ses pairs une forme de multipartisme ayant abouti, in fine, à un système de parti dominant. Ce système est devenu depuis une « alliance présidentielle » s'apparentant à une pensée unique, pratiquant un libéralisme débridé ayant contribué à la constitution de fortunes diverses pour une minorité (financière, immobilière et foncière). Parmi les points nouveaux, dans cette constitution, figurent la consécration du principe de la séparation du pouvoir et l'absence de référence à l'option socialiste. « Le droit de créer des associations à caractère politique est reconnu» et «la durée du mandat présidentiel est de cinq ans». Toutefois, cette constitution fait l'impasse sur le nombre de mandats et du nombre des candidatures à la présidence de la République. Sans rupture déterminante, la Constitution de 1996 a eu tout de même le mérite de consacrer sur le texte l'alternance au pouvoir par la limitation des mandats présidentiels (deux quinquennats suffisent). En ce sens, l'Histoire devra gré au Président Liamine Zeroual d'avoir tenté d'inscrire dans le texte fondamental ce principe essentiel à la démocratie. La Constitution de 2008, tout en confirmant le président de la République dans ses impressionnants pouvoirs, a effacé d'un trait de plume ce principe. Le président continue d'être le centre du pouvoir. Premier magistrat du pays, ministre de la Défense nationale et chef des Armées, il nomme et démet le chef du gouvernement qui est responsable devant lui ; il légifère concurremment au Parlement par voie d'ordonnances pendant les périodes d'intersessions de l'Assemblée? Constitution et système politique La stratocratie semble être la définition qui convient le mieux pour qualifier le système politique algérien (voire une oligarchie dès lors qu'on a affaire à un pouvoir politique fondé sur la prééminence de quelques personnes, « le cercle des décideurs »). Notre système politique a donc plus que jamais besoin d'être réaménagé. Ainsi, après avoir laissé présager une vie politique sous-tendue par le multipartisme - certes insuffisamment structuré -, l'élection présidentielle d'avril 1999 n'a pas permis de consacrer des traditions politiques durables en Algérie inspirées de la démocratie en tant que nouveau concept soumis à l'épreuve des faits. Depuis, le pouvoir demeure plus que jamais jaloux de son autoritarisme constitutionnalisé. Et pour cause, les principaux rouages de l'Etat (gouvernement, assemblée, armée, partis...) sont exclusivement aux mains de la gérontocratie ayant acquis de réels intérêts. Il s'agit là d'un affairisme d'Etat ; les affaires liées à la corruption révélées par la presse nationale le confirment. Feu Lacheraf a pu dire : «On s'obstine à relancer sur le marché politique les vieilles élites corrompues, usées et discréditées.» Pourquoi et comment réformer ? Pour mettre un terme au système politique dominé par l'institution de la présidence de la République et la direction de l'Armée, ainsi que par une pensée unique imposée jusqu'au 5 octobre 1988. Le système actuel s'apparente à un parti dominant (conglomérat à plusieurs actionnaires politiques). Face à la quasi-absence de l'opposition sur la scène, confirmant le déficit démocratique en Algérie, il faut avoir l'audace de s'engager dans la voie de la réforme de ce système pour redessiner le profil des institutions politiques algériennes et redéfinir les prérogatives de celles-ci, en vue d'asseoir un équilibre des pouvoirs. Et non pas obéir à un quelconque réflexe de fait du prince, miné par le culte de la personnalité. Et comme je n'ai de cesse de le dire, depuis de nombreuses années, à travers les colonnes de la presse nationale, il y a lieu de mettre un terme à un exécutif inutilement bicéphale. En effet, il est manifeste que de la Constitution de 1963 à celle de 2008, les prérogatives dévolues à la fonction présidentielle sont exorbitantes. Les pouvoirs législatif et judiciaire étant inféodés au pouvoir exécutif, il est nécessaire que le constituant procède à une répartition du pouvoir d'Etat entre les principaux acteurs politiques. Voilà pourquoi l'équilibre des pouvoirs est une nécessité vitale pour éviter de s'enfermer dans un schéma d'autoritarisme caractérisé et de mépris affiché à l'endroit des autres institutions et du personnel politique, judiciaire et administratif. Il y a là les ingrédients pour une dictature présidentielle, d'autant plus qu'il y a irresponsabilité politique du chef de l'Etat. Ainsi, il y aura lieu de réfléchir à l'institutionnalisation d'un réel contre-pouvoir, au sein de l'Etat, pour permettre une émulation institutionnelle, synonyme d'une bonne santé de la gestion du pouvoir et de saines décisions démocratiques, pour éviter au pays de sombrer dans l'immobilisme. Pour le contre-pouvoir, le meilleur antidote ne peut être constitué que par des organisations non gouvernementales gérées par des personnalités issues de la société civile, en ce qui concerne la veille quant aux droits de l'Homme, la construction de l'Etat de droit, l'alternance au pouvoir, la liberté d'expression (presse et culture)... En ce sens, le Premier ministre (souvent désigné selon des critères de connivence politique, voire par compromis) n'est, somme toute, qu'un grand commis de l'Etat chargé d'une mission par le président de la République, sans aucune volonté politique et prérogatives autonomes. Peut-il en être autrement, dès lors que les titulaires des principaux départements ministériels (Défense, Intérieur, Affaires étrangères, Economie, Justice) sont souvent des hommes liges du président de la République qu'il nomme pour leur allégeance à sa personne davantage qu'à une doctrine politique ? En la matière, la réforme serait, purement et simplement, de gommer l'institution du Premier ministère. Il me semble en effet, qu'il y a une dyarchie inutile. La présence soutenue du président de la République, lors des Conseils des ministres, en vue d'asseoir des décisions d'obédience nationale, démontre l'inutilité de cette institution que l'on peut juger inefficace. Il est vrai que la maladie du président actuel ne plaide pas pour cette solution, au jour d'aujourd'hui. En contrepartie, en qualité d'expression de la légitimité démocratique, le Parlement doit pouvoir bénéficier de prérogatives à même de lui permettre de contrôler, de façon efficiente, la politique du gouvernement franchement dirigé par le président de la République. Il s'agit-là d'un élément structurant de la vie politique et constitutionnelle du pays. Quant aux ministres, il y a lieu de les faire bénéficier d'une autonomie indépendante de la volonté présidentielle à même de leur permettre d'apprécier les solutions à apporter aux secteurs dont ils ont la charge ; ce, sous la vigilance du président en sa qualité de véritable chef de l'Exécutif. Par ailleurs, on peut légitimement s'interroger sur l'existence d'une seconde chambre. Pourquoi un bicaméralisme là où une seule chambre n'arrive pas à exercer le peu de ses prérogatives constitutionnelles (la mise en place de commissions d'enquêtes, par exemple, alors que, selon la presse nationale, existent tant de scandales financiers). Le constitutionnalisme algérien n'explique pas les tenants et aboutissants de l'institution du Sénat (Conseil de la nation) dont le tiers dit «présidentiel» est désigné par le président de la République. En effet, dès lors que les différentes tendances politiques, couches sociales ou catégories socio-économiques, régions du pays, âges et sexes, sont sérieusement représentées au sein de l'Assemblé nationale, il me semble légitime de s'interroger sur l'efficacité de l'institution d'une seconde chambre. Dans ces conditions, le monocamérisme devrait pouvoir suffire aux besoins du parlementarisme algérien qu'il serait inutile de doper par l'élection d'une chambre qui alourdit de toutes façons le fonctionnement normal du système politique pour une meilleure lisibilité et transparence de la vie politique du pays. A cet égard, des Parlements régionaux seraient à même de palier l'absence d'une seconde chambre. Ainsi, l'Algérie n'a pas cru devoir explorer la donne de la régionalisation en tant que forme organisationnelle intermédiaire entre l'Etat et les Collectivités locales. Ces Parlements devraient permettre une décentralisation et une déconcentration de certaines prérogatives, dites de puissance publique, entre les mains des représentants régionaux, afin d'alléger l'Etat, en sa qualité de maître d'œuvre de la politique de la nation, de certaines tâches davantage techniques que politiques. Il y a donc lieu de réfléchir à la mise en place, dans un premier temps, à titre expérimental, de régions avec assemblée régionale élue en tant que nouvelle entité politico-administrative. A suivre |