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Depuis votre discours de Sétif
(mai 2012), mon espoir était de vous voir vous retirer de la vie politique à
l'issue du troisième mandat et d'engager notre pays fermement dans la voie de
la démocratie, de l'Etat de droit et de l'émergence économique. Clairement,
nous en sommes loin. Les derniers développements politiques dans notre pays
sont devenus source d'inquiétude pour notre futur. La mobilisation contre votre
candidature á un cinquième mandat et son retrait dans les conditions les plus
obscures sont révélateurs d'un fonctionnement chaotique de votre présidence et
du gouvernement. Il y a une immense majorité de notre peuple qui veut rentrer
dans ce XXIème siècle dans une Algérie ambitieuse, inclusive, résiliente et démocratique
qui vous a clairement signifié qu'elle ne vous soutient pas ni le régime et le
système politique qui vous a porté.
A l'issue de la manifestation d'aujourd'hui 15 mars 2019, il est clair que la seule option qui vous reste est que votre quatrième mandat à la tête de notre pays doit se terminer pacifiquement, avant le 28 avril 2019. Dans les manifestations d'aujourd'hui, le peuple vous a signifié que vous avez consommé et épuisé toutes les opportunités politiques que l'histoire vous a offertes sans réaliser ce que vous aviez proposé lors de votre troisième et quatrième mandat et notamment, à Sétif en 2012. En ce début de l'année 2019, on peut dire, sans risque d'être contredit, que vous aviez épuisé les quatre mandats sans réussir à doter notre pays d'un système de gouvernance démocratique et transparent ou seul règne le droit, et d'une économie qui résisterait au moindre soubresaut du marché pétrolier. Il serait injuste de ne pas mentionner, des routes, des barrages, des installations de toutes sortes et des logements qui ont certainement changé le paysage physique national et qui en bénéficiant à un grand nombre de citoyens ont aussi et surtout produit l'enrichissement d'une minorité qui a su tirer tous les bénéfices des programmes d'investissements en infrastructures qui portaient votre nom (« les Programmes du Président ») et qui a donné de notre pays une image peu flatteuse. Mais voyez-vous, Monsieur le Président, investir les recettes engrangées grâce à une conjoncture pétrolière favorable et plus de 1000 milliards de dollars américains de recettes, n'est difficile pour aucun dirigeant dans le monde. Lorsque ces recettes n'étaient plus au rendez-vous de vos engagements budgétaires, nous nous sommes trouvés dans une situation de panique avec un Premier ministre annonçant que même les salaires des agents de l'Etat ou les retraites de ceux qui ont servi, sans discontinuer, notre pays étaient en question et risquaient de ne pas être honorés. Votre entourage vous l'a certainement annoncé, en ce début 2019, notre économie nationale est en mauvais état, malgré ce qu'en disent ceux qui continuent d'épuiser les réserves de change accumulées au prix d'un épuisement rapide de nos ressources naturelles. Vos gouvernements ont bien essayé de réagir mais de manière tellement inefficace et sans continuité que notre économie s'affaiblit dangereusement, exposant notre pays à un ajustement auquel notre jeunesse n'a pas été préparée durant ces vingt dernières années. Une gouvernance rigoureuse et démocratique aurait, certainement, permis de prévenir cette crise et mis notre économie sur le chemin d'une croissance vertueuse. Autant dire que le quatrième mandat n'a produit aucun des résultats que légitimement le peuple algérien et sa jeunesse en attendaient, et que l'avenir ne semble pas des plus prometteurs pour notre jeunesse qui n'a pas été préparée à vivre dans une économie sans hydrocarbures. Aujourd'hui la grande majorité de notre peuple et de sa jeunesse vous a clairement signifié son refus de vous voir continuer à diriger notre pays, au-delà du mandat légal le 28 avril 2019 au soir. Votre malheureuse décision de vouloir rester au pouvoir, même provisoirement, pour diriger un mouvement de réforme constitutionnel et politique que vous n'avez pas accomplie durant les deux décennies écoulées, n'a été acceptée par aucune composante de la société, y compris parmi certains de vos soutiens les plus proches. La désignation comme Premier ministre, d'un homme, hier ministre de l'Intérieur qui n'octroyait aucune autorisation de rassemblement ou pour une conférence de presse, quelles que soient ses qualités humaines et ses compétences d'administrateur, n'est pas un geste constructif car il ne peut devenir l'interlocuteur de la société civile et de l'opposition. Il en va de la décision de désigner comme vice-ministre un diplomate qui a passé les derniers semaines á vendre votre cinquième mandat à des Etats étrangers, et d'un vieux diplomate respectable qui s'est transformé en médecin fournissant un diagnostic de votre santé et expliquant votre grande ambition de bâtir une Algérie démocratique. C'est parmi ceux qui se sont élevés contre l'idée d'un cinquième mandat, de femmes et d'hommes qui n'ont jamais fréquenté les couloirs du pouvoir qu'il vous faut trouver les personnes susceptibles de vous aider à préparer votre sortie du pouvoir et l'avènement d'un nouvel ordre constitutionnel pour répondre aux demandes fortes de notre peuple et de sa jeunesse et nous aider, enfin, à entrer dans le XXIème siècle. Ces femmes et hommes sont connus et s'expriment régulièrement en Algérie dans le respect et l'admiration de tous, c'est à eux qu'il faut faire appel Monsieur le Président. Les dernières images que la télévision publique a montrées des audiences que vous avez accordées à certains représentants de l'Etat avaient, visiblement, pour objectif de montrer que vous êtes en mesure de recevoir des personnalités et avoir une discussion avec elles. Alors s'il vous plaît, acceptez de recevoir des personnalités politiques de l'opposition et de la société civile pour discuter de la feuille de route de votre départ de la Présidence, avant le 28 avril 2019. Je suis sûr que ces personnalités, dignes et au-dessus des considérations de politiques politiciennes et de carrière, vous transmettront directement les raisons profondes du rejet de vos dernières propositions sur la base du droit et de la légitimité et vous proposeront une voie digne et sereine pour terminer votre mandat. Cela permettra à ce stade d'arrêter la détérioration du climat déjà délétère qui domine la vie politique et sociale de notre pays et qui porte en lui des dangers pour l'avenir de nos enfants. L'Algérie a besoin, aujourd'hui, d'un leadership national démocratique qui doit pouvoir prendre la juste mesure des demandes sociales et des moyens de faire face rapidement aux risques que charrient la démarche que vous avez initiée et qui a trouvé quelques porte-paroles zélés qui ont cru que l'on peut pouvoir faire dire des choses différentes aux mêmes mots. Les mots, portés par le peuple et sa jeunesse, de changement de système, renouvellement politique et fin de mandat sont des mots clairs et n'ont pas besoin d'interprétation et de diplomatie. Restaurer l'ordre légal et constitutionnel pour que « la foule ne trahisse pas le peuple » signifie que vous devez agir vite et annoncer votre retrait de la vie politique. Je vous prie de croire Monsieur le Président en mon sentiment le plus fraternel pour votre personne en ce qu'elle nous rappelle le moudjahid et le diplomate de la libération que vous avez été dans notre histoire. *Ancien professeur et ancien membre du conseil Constitutionnel |