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Y a-t-il un avenir possible pour nos jeunes ?

par Abdelkader Khelil *

A l'aube d'une nouvelle civilisation qui, plus que jamais, repose sur la culture, la connaissance et le savoir, les gens sensés, qui savent donner un sens à leur existence en contribuant à la construction d'une prospérité, s'accordent à dire, que l'avenir des générations futures tient à la qualité de leur éducation et de leur formation.

Et nous dans tout cela! Qu'avons-nous fait pour nos enfants pour mieux les préparer dans cette perspective d'une compétition sans merci ou ne seront à l'aise, que ceux qui auront fait de l'acquisition du savoir et de la connaissance leur credo ? De quel legs pourront-ils se prévaloir à l'avènement de ce lendemain pas si lointain, de l'après pétrole ? Avons-nous cogité pour eux, un projet d'avenir qui puisse les prémunir de la cruauté d'un monde ou il n'y aura guère de place pour ceux, qui comme nous, «assis tailleur» à contempler le firmament, aurons déjà consommé leurs richesses ? Dans notre inconscient collectif et plus par impuissance, nous nous remettons chaque fois à Dieu, en répétant à l'unisson: «likhlag ma dayaa» à défaut d'assumer correctement notre responsabilité à l'égard de nos progénitures, comme si nous étions absous de nos fautes et dispensés de tout effort, dés lors que nous disposons d'une rente énergétique, et par conséquent, de cette illusion de bien-être qui entretient notre paresse et notre vanité ! Non, cette question déterminante pour l'avenir de notre pays à l'instar de bien d'autres, est trop sérieuse pour qu'il soit possible d'emprunter indéfiniment, ce type de raccourci qui fait référence au spirituel ! C'est trop facile ! Ce n'est là, qu'une fuite en avant et une forme de démission face à la difficulté d'affirmation de notre personnalité par le travail et non, par la distribution d'une rente, au demeurant éphémère !

Dieu donne sa nourriture à chaque oiseau, mais il ne la jette pas dans le nid, comme dit le proverbe chinois. Alors, quelque soit notre façon de voir les choses et d'appréhender les intérêts présents et futurs de nos enfants, l'on doit comprendre définitivement que l'avenir de toute Nation digne de ce nom, se conçoit in-situ, à partir : d'une vision stratégique sur le long terme, d'une dose de génie dans le management des affaires publiques, d'une gouvernance appropriée et d'une somme de labeur collectif. Ceux sont là, les ingrédients qui distinguent ceux qui avancent de ceux qui reculent ! Oui, il faut le dire et le répéter autant de fois que nécessaire, sans craindre l'overdose, il n'y à point de vent favorable pour ceux qui ne savent pas où ils vont ! Même qu'à bien y réfléchir, il est à craindre que nous allons droit au mur, si l'on continue à se satisfaire de notre indigence culturelle, des résultats de ce système éducatif, fait de cartables lourds, d'idées courtes et de chantage pédagogique à répétition tout au long de l'année, alors que maintes fois diagnostiqué comme étant en faillite.

Il en est de même pour cette formation professionnelle obsolète, qui offre des «diplômes tableau noir», sans contrepartie pratique pour la maîtrise d'un véritable métier.

LE RISQUE MAJEUR DE L'ANSEJISATION DES JEUNES SANS METIERS !

Tout se passe comme-ci l'on délivre à nos jeunes exclus de l'école, un simple visa d'éligibilité aux avantages de l'ANSEJ en faisant prévaloir ce droit d'accès à la rente, sans contrepartie autre, que cette menace d'immolation, de routes barrées ou de pneus brûlés en tant que phénomène de mode, pour ceux qui bravent l'interdit. C'est bien triste, que cette Algérie du mérite, studieuse et laborieuse des années 70 en soit arrivée là, alors qu'elle était prédestinée à rejoindre le club des Nations émergentes !

Que de regrets pour ce pays continent qui malgré tout cela, attise encore, bien des rancunes, des jalousies et des convoitises ! C'est parce que l'éducation et la formation ont été franchement dévalorisées, alors qu'elles sont les premiers besoins après le pain, pour tout individu, et que l'université a perdu son rôle d'avant-garde, qu'il est difficile d'entrevoir un avenir prospère pour notre jeunesse, dans l'état actuel des choses ! Oui, la sagesse nous enseigne, que celui qui n'ajoute pas à ses connaissances les diminue ! Il est vrai qu'avec l'« ANSEJISATION» de nos jeunes, l'on a obtenu quelque peu, une accalmie sociale, mais sans pour autant régler définitivement la question de l'emploi et son corollaire, la cohésion sociale. Dans sa version initiale, c'est-à-dire, tout au début de sa mise en place, le dispositif de cette Agence a connu un certain succès auprès d'une catégorie de bénéficiaires disposant d'authentiques Brevets de Techniciens Supérieurs, ou d'une formation dans les entreprises nationales et étrangères et de diplômes universitaires, même s'ils ne sont pas toujours reconnus. C'est ainsi qu'ont pu être ouverts : des cabinets d'opticiens, de dentistes, de vétérinaires, des pharmacies, des bureaux d'études dans différents domaines, des ateliers de maintenance en électromécanique et des ateliers d'agents agréés auprès de l'entreprise NAFTAL dans le créneau des équipements SIRGAZ, des imprimeries, des agences immobilières, des micro-entreprises dans le BTPH, dans les services et bien d'autres activités aussi utiles que nécessaires. Il faut faire remarquer pour la petite histoire, que le vent du «printemps arabe» n'avait pas encore soufflé!     

C'est à la suite de l'immolation de ce jeune Tunisien de Sidi Bouzid, marchand de fruits et légumes, que nos ados, pour la plupart sans qualification professionnelle se mirent à rouler de la mécanique, à jouer aux pyromanes et à exiger eux aussi, leurs parts sur les dividendes de la rente. C'est ainsi que dans une ambiance sociale des plus délétère, des soutiens financiers sans limites ni garanties leur furent octroyés, alors qu'ils ne disposent d'aucune qualification. De la sorte, l'on peut dire que la recherche de la quiétude sociale au-delà du prix payé par le trésor public, a quelque part favorisé la paresse, la recherche du gain facile et créer la mentalité d'assistés et de rentiers chez ces jeunes qui auraient du être tout au contraire, la force vive et la sève nourricière de la Nation, s'ils avaient pu acquérir de véritables métiers ! Ces «ansejistes» de seconde génération, ont fini par quitter les lieux de travail où ils étaient censés apprendre un métier auprès d'authentiques artisans. Ils ont aussi déserté les exploitations agricoles qui ne trouvent plus de main d'œuvre, à l'exception de ces vieilles femmes qui ont troqué leurs travaux ménagers contre ceux de la terre, à défaut de bras vigoureux et vaillants ! Cette force de travail devenue rare ! L'image de désolation qu'offrent nos campagnes, à ceux qui savent encore observer et lire dans le desséchement de la terre envahie par les mauvaises herbes, est le signe avant coureur d'un pays en perte de vitesse, qui aura sans aucun doute, des difficultés à nourrir sa population et à préserver sa souveraineté ! Ils ont aussi quitté les chantiers du bâtiment pour s'installer à leur propre compte, dans la location de voitures, d'engins de travaux publics, le transport et autres activités spéculatives qui les dispensent du travail du lève-tôt, jusqu'à l'épuisement du capital, que ces petites têtes gominés, ne sauront fructifier, parce que trop préoccupés par l'acquisition de biens de consommation et autres gadgets. On dit d'eux, qu'ils sont paresseux et pas du tout disposés à apprendre un métier ! Mais sont-ils pour autant les seuls responsables ! Ces ados, livrés à eux-mêmes, ont pour eux l'insouciance de leurs âges et ne sont en définitif, que les effets collatéraux de l'absence d'un projet de société, de la faillite du système éducatif et de la démission des parents qui ont depuis longtemps, délégué à la rue, l'éducation de leur enfants.

Dans cette situation de véritable crise de la main d'œuvre pour les métiers manuels, comment peut-on continuer à discourir sur nos capacités à relever les défis ! Comment parler de performances, quand les maigres résultats de notre agriculture, au demeurant fortement soutenue même après l'effacement de la dette des agriculteurs, sont le fait d'une main d'œuvre vieillissante ! Honte à nous «exploiteurs» par nécessité, de ces vieilles dames et de ces cheveux blancs du troisième âge, pour lesquels nous n'avons que peu de respect ! Maudit soient ces champs pétroliers et gaziers qui ont fait perdre à notre société, toute sa dignité et ont fait de nous des «énergitivores» ! Nous assistons impuissants au déclin des métiers et particulièrement ceux du bâtiment, bien qu'ils correspondent à un savoir-faire indéniable. Cette déconsidération nous dit-on, a pour explication, le fait que ce secteur soit devenu le refuge des jeunes en échec scolaire et de tous ceux, non disposés à se lancer dans de longues études.           C'est à peine si l'on ne dit pas, qu'il est le réceptacle des cancres et des gros bras sans cervelle. L'autre raison avancée a trait aux salaires qui n'étaient pas très attractifs. Mais aujourd'hui, tout est différent. La construction de logements par centaines de milliers et d'infrastructures est en pleine croissance, et ce, depuis plus d'une décennie. De même, les techniques ont évolué, les outillages se sont modernisés, la pénibilité n'est plus la même, comme en témoigne l'organisation des chantiers des entreprises chinoises, turques, italiennes et autres adeptes du fil à plan et de la taylorisation, dans le respect des normes et standards internationaux. Oui, quelque soient les arguments avancés pour expliquer cette dérive, ce n'est là, que des faux-fuyants! Le problème est ailleurs! Il est dans cette société d'aujourd'hui qui met en vedettes les trabendistes et autres pontes de l'informel, qui sont devenus des références de réussite sociale et des idoles pour notre jeunesse, qui en grosse partie, a déjà pris option pour la mollesse et la voie du gain facile !

PROMOTION DE L'EDUCATION DES SAVOIR-FAIRE ET DES METIERS

Qui de nos journaux ou de nos télés, tous secteurs confondus, glorifient le travail de ces pétroliers du Grand Sud, de ces chirurgiens qui font des miracles au quotidien avec peu de moyens, de ces hommes de sciences et de culture, de ces managers d'entreprises publiques et privées, de ces créateurs de richesses, de cette diaspora algérienne, qui fait le bonheur de ces pays qui l'emploient, à l'image de notre compatriote Abdelhamid Guedroudj, patron d'une société spécialisée dans la mise au point de logiciels pour l'industrie pétrolière et gazière, qui a été primé par la reine Elizabeth II pour le succès de son entreprise en termes d'innovation en matière de développement durable, comme rapporté par le quotidien liberté ! Comment une telle nouvelle, en cette période de vaches maigres a échappé au service de communication de SONATRACH, qui aurait pu la saisir pour soigner son image ! A croire que les valeurs sûres n'intéressent personne, dans ce pays de l'hara-kiri collectif ! Si d'aventure, l'on venait à manquer de pain un jour, parce qu'il n'y aura plus de boulangers pour le faire, après le départ des plus vieux, il faudrait que l'on sache que nous sommes tous responsables de cet état de fait ! Oui, aucun effort n'a été fait dans le sens de la mise en exergue du risque majeur qui se rattache à la déperdition, voire l'extinction des savoirs-faires et des métiers ! Ils disparaissent un à un, dans l'indifférence totale, à l'image de tout le reste de notre patrimoine. Dans notre langage au quotidien, tout gravite autour du football et depuis quelque temps, de ce non événement du Real Madrid que d'aucuns souhaitent faire venir et de cette Algérie inutile des hallabas, des trafiquants, des corrompus, des tires-au-flanc, des délinquants, des tricheurs de tous bords et tous les rebus de cette société, qui donne l'impression de patauger dans sa vase !

Cela a fait taire les consciences et chagriné les élites, mais sans faire bouger les lignes de démarcation du laisser-faire ! Oui, cette médiatisation éhontée de la culture de la fraude, ternit forcément l'image de notre pays, qui dans ce cas, ne peut faire que profil bas !

Non, cela est incorrect et forcément injuste pour cette Algérie qui mérite mieux ! Il faudra bien se ressaisir, car nous sommes tous comptables et responsables de cette situation ! Oui, Il n'est jamais trop tard pour bien faire, pour peu que l'Algérie du labeur soit cette fois-ci mise en valeur, comme pour faire la pédagogie de la vrai réussite et du vrai mérite ! Nos jeunes sauront cette fois-ci apprécier et situer correctement leurs intérêts!

Il faudra bien songer un jour à honorer les plus méritants parmi nous, comme on le fait déjà pour les disciplines sportives ! C'est par ce premier geste que doit venir le changement tant attendu à l'échelle de notre société. Entrevoir la possibilité d'un avenir prospère pour nos jeunes, équivaut à donner sa chance à l'éducation et à la formation. Cela veut dire, qu'il faille mener une lutte sans merci au trabendisme, à la culture de l'informel et du gain facile !

Dans le monde d'aujourd'hui et plus de demain en perpétuel évolution, il faut que les parents comprennent, qu'éduquer et former ces enfants, est la voie la plus sûre pour leur garantir un avenir prospère. Alors, c'est au niveau de l'école que doivent être apportés au plus vite, les correctifs nécessaires. Nous disposons en ces centaines de milliers de licenciés en situation de précarité (filet social ou au chômage), et ce à venir, d'un formidable vivier de ressource humaine.

Ce potentiel appréciable est l'atout maître de l'école de demain, qui pourra se doter de véritables instituteurs, de professeurs, d'inspecteurs et de gestionnaires en tout genre, pour peu que l'on puisse assurer sa mise à niveau. Cela pourrait se concevoir à partir d'une formation complémentaire de courte durée pour ces jeunes licenciés, dans les domaines de la pédagogie, de la sociologie des enfants et des adolescents, de l'anthropologie et de l'histoire, des langues, des mathématiques, des sciences de la communication et du management. Cela pose bien évidemment, la question fondamentale de la revalorisation pédagogique des écoles normales supérieures et leur redéploiement aux échelons régionaux (Sud, Centre, Est et l'Ouest).

L'on doit aussi songer à mettre en place un système rigoureux d'orientation dès le C.E.M., afin de déceler ceux parmi les élèves qui ne disposent pas de grandes aptitudes et de motivation pour la poursuite de longues études, tout en ayant des prédispositions à apprendre un métier, non pas uniquement en face d'un tableau noir, mais surtout en ateliers avec de vrais enseignants, comme il en existe en Allemagne, en France, en Espagne, en Turquie, en Syrie, en Egypte, au Maroc, en Iran et partout ailleurs.  C'est à des coopérants originaires de ces pays dont on devrait faire appel, pour non seulement recycler le corps enseignant de nos centres de formation professionnelle, mais aussi, pour encadrer convenablement les jeunes en apprentissage, qui doivent aussi bénéficier d'un présalaire afin qu'ils puissent songer qu'à leurs études. Oui, à qui sait attendre pour mieux apprendre, le temps finira par ouvrira ses portes!  C'est vrai que comme dit le proverbe, avec le temps et la patience, la feuille de mûrier devient de la soie. C'est de cette manière, que les jeunes convenablement formés finiront par se rendre compte, qu'être maçon, carreleur, peintre, charpentier, plombier, menuisier, ébéniste, électricien, frigoriste, bourreler, ferronnier ou tout autre artisan, n'est pas si mal que cela.

Il n'y a pas de sous métier, lorsque le cœur est mis à la besogne ! Ce n'est que dans le contexte de cette démarche saine qui donne un sens à l'effort, que l'ANSEJ et les banques pourront apporter efficacement leur contribution à la construction d'un avenir possible pour nos jeunes, on les aidant à acquérir les équipements selon la formule du lising, et les locaux nécessaires à leurs activités.

* Professeur