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Autour
de quelques classiques du cinéma hollywoodien, discussions entre le célèbre
cinéaste américain par ailleurs grand cinéphile, et quelques cinémaniaques algériens. Aujourd'hui Quentin Tarantino (*) et l'envoyé spécial du Quotidien d'Oran à
Cannes (**) à propos de Taxi Driver de Martin Scorsese (1976)
QUENTIN TARANTINO : «Taxi Driver raconte l'histoire de Travis Bickle, un solitaire interprété par Robert De Niro. Il fait partie de ces nombreux anonymes isolés dont regorgent les grandes villes américaines. Des hommes solitaires, vivant des vies solitaires, sans famille ni amis ni pertes chères. Sa seule forme d'expression est un journal qui l'occupe beaucoup et que personne ne lira jamais. Au début du film, on pourrait presque cataloguer Travis comme un innocent désœuvré. Mais l'attrait du film tient en partie au fait qu'on le voit lentement perdre cette innocence. Et ce qui devient à la fois effrayant et excitant, c'est de regarder ce qui remplace cette innocence perdue. Le portrait compatissant brossé par Paul Schrader (scénariste NDLR) et Martin Scorsese raconté la vie pour après jour, semaine après semaine, mois après mois de cet insatisfait. Et tandis que le film nous fait entrer Dana la routine de Travis, nous voyons combien il est naturel pour lui de dériver vers de violents fantasmes, pour lutter contre ce qu'il perçoit comme des injustices, avec une soif d'action qu'il ne pourra étancher qu'en faisant couler le sang?». L'ENVOYÉ SPÉCIAL DU QDO : «Je te coupe khouya Quentin, benâma, je valide bien sûr ta lecture du film cultissisme, et affirmer ici même à quel point l'amitié et la complicité entre le réalisateur et son acteur fétiche resteront dans l'histoire du cinéma. De «Taxi Driver» jusqu'à leur tout dernier film montré cette année à Cannes, l'épique «Killers of the Flower Moon». Scorsese a donné les meilleurs rôles à De Niro, à chaque fois des rôles de sales personnages: Robert De Niro a été incroyablement crédible en loup solitaire, en boxeur bouffi, en psychopathe fragile, en maffieux vieillissant, ou carrément, comme c'est le cas dans le dernier film, en odieux capitaliste raciste qui n'hésite pas à décimer une tribu indienne pour récupérer leur or noir tout en se faisant passer par un bienfaiteur. Mais ce n'est pas de cela que je voulais discuter avec toi kho, car pour Scorsese/ De Niro, on est d'accord sur à peu près tout. Je voulais te parler plutôt de Hassan Taxi et de Rouiched. Est-ce que la comédie de Mohamed Slim Riad, sortie en 1982, a un rapport avec Taxi Driver ? Oui et non. Oui sans doute, et non probablement, tu me comprends. De toute évidence quand Rouiched écrit le film il a déjà vu Taxi Driver, il est marqué par Taxi Driver j'en suis persuadé, sans doute s'était-il posé la question de comment transposer Taxi Driver dans son monde à lui. C'est-à-dire dans cet Alger du début de la cata urbanistique et dans le registre comique qui était le sien. Comme De Niro Travis vis-à-vis de New York des 70's, Hassan Rouiched Taxi est dégouté par l'Algérie +20 ans après les belles promesses de l'indépendance. Comme Travis Bickle, Hassan est lessivé par les monstruosités de la modernité, et s'il obtient en tant qu'ancien combattant une licence de taxi, il va souffrir le martyr en sillonnant les rues d'Alger. Il aurait lui aussi voulu tous les flinguer, les ploucs envahissants, les déviants sans vergogne, les malotrus d'Alger mais Rouiched n'avait que l'humour comme arme pur se protéger. Hassan Taxi, c'est le film qui marque la fin de la niya, pour reprendre un autre titre des aventures de Hassan Terro au cinéma. Dans le rôle de son épouse, la chanteuse Seloua, maquillée par Pablo Picasso lui-même sinon le plus fidèle de ses assistants, tente de le réconforter. De mémoire de cinéphile d'Alger c'était la dernière fois qu'on pouvait voir sur grand écran un couple s'aimer, avec des caresses, des bisous et des mots tendres. Jeunes on était un peu cons, on taxait à l'époque «Hassan Taxi» de réactionnaire, de film passéiste parce que Hassan Taxi se plaignait des temps nouveaux en général et de l'exode rural en particulier. Robert Castel et Ouardia Hamtouche, Sid-Ali Kouiret et Lucette Sahuquet (l'actrice pied noire qui a joué dans Les Saintes Chéries) entouraient et réconfortaient le pauvre Rouiched dans cette comédie destinée au cinéma (car il y avait encore des salles, même en très mauvais état à cette époque-là). Tu as mille fois raison Quentin quand tu dis que les films commerciaux ou de série B enregistrent mieux l'époque où ils ont été réalisés que les films auteuristes. Et ainsi, de comédie dénigrée à sa sortie, Hassan Taxi est devenu un film important pour nous aujourd'hui. Pardon Quentin, tu disais quoi ? Ah tu as envie de le voir absolument. Hélas je n'ai pas de copie, mais je peux voir avec Nabil Djedouani, s'il a le temps, il te trouvera un lien fissa. Tu veux son numéro de téléphone ? Ah? Attends, si tu permets je vais l'appeler d'abord pour lui demander si je peux te le filer, il est très occupé en ce moment tu sais, avec le Festival de Béjaïa? (*)Les propos de Quentin Tarantino sont extraits de son livre «Cinéma spéculations» (Flammarion) publié cette année, un très beau recueil de textes sur les films qui ont marqué le réalisateur américain, ouvrage que tous les cinéphiles de plus de 40 ans devraient impérativement lire. (**) L'envoyé spécial du Quotidien d'Oran à Cannes depuis le siècle dernier est une énigme, est-il le fils caché de Mouny Berrah et Abdou B. comme certains le suggèrent, ou est-ce le fils déçu de Azzedine et Roselyn Mabrouki comme il a été dit autrefois ? Auteur d'un livre fantôme sur Merzak Allouache et d'un livre d'entretiens invendu avec Youssef Chahine, il écrit en ce moment une thèse sur les fêtes dans les festivals de cinéma. Prochain et dernier épisode de la série Taxi Driver de Martin Scorsese (1976) |