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Le tonus de la diplomate américaine Elizabeth Moore Aubin est remarquable.
Si elle semble parfois dérouter par l'absence chez elle de la particulière
réserve des diplomates étrangers c'est parce qu'elle garde le profil d'une
Américaine racée qui assume pleinement sa responsabilité de représentante
officielle de l'Etat fédéral américain. Epouse d'un Canadien francophone, elle
maîtrise parfaitement la langue française mais elle préfère aborder les
relations et la coopération algéro-américaines et les
sujets importants de l'heure en anglais pour donner plus de densité et
d'officialité aux réponses aux questions qu'on lui a posées.
Le Quotidien d'Oran : Vous vous êtes rendue à Aïn Témouchent. Pourriez-vous nous présenter une petite synthèse sur cette visite ? Elizabeth Moore Aubin : Effectivement, j'étais à Aïn Témouchent ce jeudi (27 avril). Je pense que je suis le premier ambassadeur américain à visiter cette ville, à ce que je sache et d'après ce qu'on m'a dit dans cette wilaya. C'était vraiment une grande expérience qui m'a permis de discuter avec les représentants de la Chambre de l'Industrie et du Commerce et ceux de la Chambre de l'Agriculture de cette wilaya sur les potentialités économiques locales et les opportunités d'investissement. J'ai eu également l'honneur de rencontrer le wali d'Aïn Témouchent. Juste après cette visite, je me suis rendue à Oran pour, en premier lieu, prendre part à la conférence (NDLR : La conférence internationale axée sur le thème : «Enseigner l'anglais au 21e siècle», parrainée par l'Ambassade des Etats-Unis en Algérie et organisée par Word Learning, au Centre des conférences d'Oran, du 28 au 30 avril). Le Q.O.: Cela fait 15 mois que vous êtes en poste à Alger, vous êtes la personnalité diplomatique la plus en vue sur la scène algérienne. Y compris les réseaux sociaux. Etes-vous satisfaite du niveau actuel des relations entre les Etats-Unis et l'Algérie ? Ou jugez-vous qu'il y a encore du chemin à parcourir pour atteindre le niveau espéré et les objectifs tracés ? Elizabeth Moore Aubin : Pour dire qu'on est satisfait de la situation, cela implique qu'on est dans une situation de bon statuquo, une situation figée. Je pense qu'il y a un terrain à élargir et à approfondir et j'y travaille justement. J'estime par ailleurs qu'il y a une bonne présence américaine sur les réseaux sociaux en Algérie et j'ai la chance d'avoir la meilleure équipe au monde qui travaille avec moi. Nous œuvrons tous les jours pour renforcer et développer les relations économiques et culturelles entre nos deux pays. Le Q.O.: Vous conditionnez la satisfaction de votre Administration du niveau des relations entre les Etats-Unis et l'Algérie par l'existence d'un «bon statuquo». Qu'entendez-vous par «statuquo» ? Elizabeth Moore Aubin : J'ai fait le lien entre satisfaction et statuquo parce que si je disais que Washington était satisfaite du niveau de ses relations avec Alger, cela veut dire qu'on est arrivé à une situation figée où il n'y a pas de perspectives de développement. Or, moi je dirais plutôt qu'il y a un terrain à élargir et à approfondir. Q.O.: Ne pensez-vous pas que l'absence, jusqu'au jour d'aujourd'hui, d'une desserte aérienne directe reliant les Etats-Unis et l'Algérie est une anomalie, à tout point de vue ? Pourquoi il existe depuis plusieurs années déjà un vol direct Montréal-Alger, par exemple, alors que le vol New York-Alger tarde à voir le jour ? Elizabeth Moore Aubin : Merci, c'est une très bonne question. Je pense, effectivement, qu'un vol direct entre les Etats-Unis et l'Algérie va non seulement faciliter encore davantage les choses mais carrément propulser les relations bilatérales vers un niveau bien supérieur. Pas seulement sur le plan économique, mais également sur les plans culturel et touristique, en particulier. Cela va réduire le temps du trajet de 3 jours à 8 heures pour les biens. Et c'est très important pour renforcer les relations entre les deux pays, lesquelles deviendront à coup sûr plus fructueuses et plus productives. Ce vol direct va permettre aux Américains et aux Algériens d'échanger plus et de mieux se connaître. Or, pour mettre en place ce genre de vol direct entre les Etats-Unis et l'Algérie, il faut la signature au préalable d'une convention sur ce qu'on appelle «Open Skies Agreement» (convention Ciel Ouvert). Et c'est là où des négociations sont en cours. Une fois cette phase terminée, on pourra éventuellement entamer le vol direct. Pour l'heure, nous sommes en pleine négociation avec le Gouvernement algérien concernant la convention Open Skies Agreement. Le Q.O.: La phase des négociations techniques était déjà close et que l'opération en était à sa deuxième phase. A défaut d'une échéance déjà fixée puisqu'il s'agit là, comme vous venez de le préciser, d'un processus tributaire de résultats de négociations, y aurait-t-il néanmoins une perspective prévisionnelle pour l'ouverture de ce vol direct tant attendu des deux côtés de l'Atlantique ? Elizabeth Moore Aubin : C'est plutôt l'inverse. La première étape des négociations, déjà bouclée, était d'ordre stratégique. A présent, nous sommes dans la deuxième étape, qui est d'ordre technique. Elle inclut, comme je viens de le mentionner, la question liée à l'Open Skies. Quant à la date prévisionnelle d'aboutissement, je ne peux que souhaiter de tout cœur que ce vol direct soit réellement possible avant la fin de mon mandat à Alger. Pour le reste, on ne peut pas faire des similitudes entre les Etats-Unis et le Canada dans ce domaine-là. Ce n'est pas la même chose parce que les lois sont différentes. Q.O.: Dans le registre Coopération économique Algérie-USA, et en particulier le chapitre Investissement. En 2020, selon le FMI, les Etats-Unis étaient classés en première place en termes d'Investissement direct étranger (IDE) en Algérie, avec une part de 28% soit l'équivalent de 6,2 milliards de dollars. Vous avez affirmé à maintes reprises que vous comptiez doubler ce flux d'investissements durant votre mandat. Quel est votre plan ? Elizabeth Moore Aubin : Justement, je travaille durement là-dessus. L'une de mes premières priorités, en effet, c'est le renforcement des relations économiques bilatérales et, en premier lieu, l'investissement américain en Algérie. En fait, tout est relié, interconnecté. Le vol direct, dont nous parlions, est intimement lié à l'économie, en général, et à l'investissement, en particulier. La ligne directe Etats-Unis/Algérie va sans nul doute faciliter et fluidifier encore davantage le partenariat économique entre les deux parties. Cela va donner encore plus de confiance aux Américains pour venir investir en Algérie. Surtout, ça va leur raccourcir le temps du trajet afin de venir négocier sur place avec leurs partenaires algériens et, en cas d'aboutissement, de faire régulièrement le suivi de leurs projets conjoints. Et vice versa dans l'autre sens. Nous essayons aussi, pour notre part, de ramener des délégations d'hommes d'affaires américains ici en Algérie. Tout notre travail à l'Ambassade, dans ce registre-là, se focalise sur comment trouver des espaces de rencontre, des canaux d'échange et des opportunités communes entre les compagnies américaines et algériennes. Et là, si vous me permettiez de faire un petit point sur ce qui a été déjà fait jusqu'à maintenant, je dirais qu'une centaine de compagnies américaines sont déjà installées en Algérie. Vous savez, la meilleure chose dans l'investissement américain c'est le transfert de technologie. C'est un atout. Il y en a bien d'autres, dont celui lié au fait qu'il faille un Algérien à la tête du staff dirigeant de la joint-venture algéro-américaine. Notre politique consiste à promouvoir le recrutement de compétences algériennes au sommet de la hiérarchie de l'équipe managériale de l'entreprise mixte. Pas seulement au sommet, mais à tous les niveaux. Et je pense, toute modestie mise à part, que notre modèle est le meilleur au monde. Le Q.O.: Le conflit russo-ukrainien se dégrade de plus en plus. Pensez-vous qu'il y a des perspectives de paix ? Elizabeth Moore Aubin : Nous continuons de cultiver un grand espoir de voir la Russie cesser son agression sur l'Ukraine pour que ce pays puisse jouir à nouveau de sa souveraineté et l'intégrité de son territoire. Bref, nous espérons qu'il y aura une solution rapide à ce conflit. Q.O.: Le terrorisme et le banditisme sont en train de s'étendre au Sahel à un rythme effréné et de manière assez alarmante. Le phénomène a déjà contaminé une dizaine de pays africains de la région. Quelle est la position des Etats-Unis par rapport à cette dangereuse situation ? Elizabeth Moore Aubin : C'est une question importante pas seulement pour les pays africains de la région mais pour le monde tout entier. Je pense que l'Afrique a des capacités pour développer sa situation économique et sécuriser son développement et sa prospérité. C'est la raison pour laquelle les Etats-Unis créent des partenaires pour stabiliser la paix et la sécurité dans les différentes régions du globe. Et en parlant de partenaires des Etats-Unis en matière de coopération sécuritaire, force est de noter que l'Algérie en est un bel exemple. L'Algérie a d'ailleurs fait ses preuves en matière de sécurité durant la décennie noire et a démontré sa grande capacité à gérer les situations de conflit. Le Q.O.: Qu'en-t-il du dossier du Sahara Occidental ? Elizabeth Moore Aubin : La situation au Sahara Occidental est un dossier qui remonte à une longue date déjà. Les Etats-Unis soutiennent les efforts des Nations Unies à travers son envoyé spécial, Steffan De Mistura, afin de trouver une solution digne et constructive. Pas plus tard que la semaine dernière, d'ailleurs, l'envoyé spécial de l'ONU au Sahara Occidental se trouvait aux Etats-Unis pour discuter de la question avec de hauts responsables américains. Nous encourageons ce genre de discussions pour trouver une solution adéquate à ce conflit et du coup pour aller de l'avant. Le Q.O. : Les drames de la population palestinienne ne cessent pas de s'élargir et de se multiplier. Les efforts des autorités américaines ne sont pas ce qu'ils devraient être, ce qui autorise les Israéliens à fouler le droit international. Qu'avez-vous à dire à ce sujet ? Elizabeth Moore Aubin: Notre secrétaire d'Etat a affirmé que les Etats-Unis continueraient de consulter étroitement leurs partenaires sur la manière de faire progresser la sécurité, la stabilité et la prospérité régionales, et a réaffirmé que les Etats-Unis étaient attachés à une solution négociée à deux Etats. Nous comprenons que l'Algérie plaide également pour une solution à deux Etats. Je salue les efforts du président Tebboune pour réconcilier les factions palestiniennes, car c'est un préalable nécessaire pour que les deux parties s'asseyent pour négocier. Le Q.O.: Que pensez-vous du rétablissement des relations diplomatiques entre l'Arabie Saoudite et l'Iran et du retour de la Syrie dans le cercle arabe ? Elizabeth Moore Aubin : De manière générale, en ce qui concerne les relations entre l'Arabie Saoudite et l'Iran, les Etats-Unis saluent tous les efforts visant à mettre fin à la guerre au Yémen et à désamorcer les tensions dans la région du Moyen-Orient. Nous ne recherchons pas le conflit avec l'Iran et nous accueillons favorablement l'approche diplomatique partout où elle peut aider à réduire les tensions dans la région. En ce qui concerne la Syrie, nous ne pensons pas que la Syrie mérite d'être réadmise dans la Ligue arabe tant qu'il n'y aura pas de progrès crédibles pour améliorer la situation humanitaire et sécuritaire en Syrie, qui devrait être au centre de tout engagement. Le Q.O.: Pensez-vous, Madame l'Ambassadeur, que l'actuelle crise économique mondiale est passagère ? Elizabeth Moore Aubin : Nous sommes dans un monde très dynamique dans son mouvement et son évolution. Si je prends les évènements rapides qui se produisent actuellement, tels que le changement climatique, le déplacement des populations d'une région à l'autre, le développement fulgurant des technologies? Et bien tout cela est de nature à rendre le monde très dynamique dans ses changements. Et je crois fermement que travailler ensemble, la main dans la main, pour donner des solutions à travers notre diversité, notre façon de réfléchir en commun, va ouvrir une porte vers un meilleur futur. Enfin, je reste résolument optimiste et confiante quant à l'avenir de notre monde. Et par rapport à ce que je fais en Algérie, moi personnellement, pour renforcer et développer les relations bilatérales, je tiens à souligner le concours et le soutien du Gouvernement algérien à cet effet. Tant par rapport au partenariat économique et culturel entre les deux pays que par rapport à leur coopération visant à stabiliser la paix et la sécurité dans tout le voisinage. Aussi, œuvrons-nous très sérieusement et inlassablement pour aider le Gouvernement algérien à promouvoir la langue anglaise dans son pays ainsi que pour créer des liens entre nos deux peuples. Je suis très honorée d'être ici aujourd'hui pour renforcer encore davantage les liens |