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Repérée dans «Les Bienheureux»
de Sofia Djama on ne voit qu'elle dans «Papicha» de Mounia Meddour projeté à Cannes dans Un Certain
Regard. Et on la verra bientôt dans le prochain film de Wes
Anderson. Une star algérienne est née dans la galaxie du cinéma mondial.
Lyna Khoudri est née il y a 26 ans en Algérie, pays que ses parents ont dû quitter précipitamment quand elle avait à peine 2 ans pour s'exiler en France. A celles et ceux qui n'ont pas connu la parenthèse plus ou moins enchantée qui va de 1988 à 1991, précisons que Lyna Koudri est la fille d'un journaliste vedette de la télévision algérienne post-octobre 1988 : Rabah Khoudri. LE QUOTIDIEN D'ORAN : Qui ou qu'est-ce qui vous a donné l'envie de devenir comédienne ? LYNA KHOUDRI : Je pense que ça a beaucoup à voir avec mon père. En famille on ne regardait jamais la télévision comme tout le monde. Papa faisait toujours attention aux petits détails et donc forcément moi dans les pattes de mon père je voulais faire absolument tout comme lui. La culture de l'image a été toujours présente à la maison. Et puis les sorties cinéma, c'est encore mon père qui m'imposait d'aller avec lui voir des films. Q.O.: Quelle est votre formation ? L.K.: Quand j'étais au lycée, à Saint-Ouen, j'ai opté pour Histoire des Arts. Un jour on nous a proposé des cours de théâtre et avec des potes, juste pour s'amuser entre nous, on s'est dit allez, on s'inscrit ! C'est comme ça que j'ai joué ma première pièce La cantatrice chauve d'Eugène Ionesco. Comme j'ai eu de bonnes notes au Bac j'aurai pu faire Histoire de l'Art et m'inscrire à l'école du Louvre mais je n'ai pas accroché, et après deux années durant lesquelles j'ai tenté plusieurs études je suis revenue au théâtre. J'ai donc fait une licence de théâtre à la fac, puis j'ai passé et obtenu le concours pour intégrer le théâtre de Strasbourg. Q.O.: Comment a débuté votre carrière ? L.K.: Au collège je faisais de la danse, une équipe m'a repérée et m'a proposé de faire faire un casting pour un film autour de la danse contemporaine. Je devais avoir 12 ans et à cette époque avec mes amis du collège on détestait la danse contemporaine, on était plutôt danse moderne-jazz, j'avais besoin de rythme et de chorégraphie. Mon père m'avait accompagné à ce casting, mais je n'avais pas encore conscience de ce que je voulais faire. Mon premier vrai casting pour le cinéma ? Je devais avoir 18 ans... J'en ai fait des castings et je ne comprenais pas que je ne puisse pas être retenue à la fin, j'avais trop la culture de la gagne, c'est n'est que plus tard que j'ai saisi qu'une carrière se construisait sur des bases solides : le théâtre. Et j'ai aussi appris à ne pas stresser en allant aux castings, que ça ne servait à rien, même si ça m'arrive encore aujourd'hui (rires). Q.O.: Première pièce ou premier film ? L.K.: Un court-métrage d'une étudiante du cinéma de la Femis, Kahina Asnoun, qui m'a demandé de jouer dans « Rageuses», l'histoire d'une ado en pleine crise d'adolescence qui décide de se venger après une agression. Q.O.: Ça vous a fait quoi de vous voir sur grand écran ? L.K.: Je vois ce que vous voulez dire, mais non je n'ai pas eu de gros choc... Vous savez j'ai grandi dans une époque où on se filme beaucoup et où on se partage nos vidéos via les réseaux sociaux (sourire). Q.O.: C'est avec Sofia Djama que vous obtenez votre premier grand rôle au cinéma ? L.K.: En fait les projets de Sofia Djama «Les Bienheureux» et Mounia Meddour «Papicha» sont arrivés en même temps, sauf que le film de Sofia a pu se faire plus vite que celui de Mounia... Q.O.: En tournant ces deux films vous retournez en Algérie... Du coup comment vous vous sentez quand vous êtes à Alger ? L.K.: Chez moi bien sûr. Je vais tous les ans en Algérie où j'ai toute ma famille. Pour moi tourner en Algérie, ou au Maroc ou à Paris, c'est vraiment la même chose, un plateau ciné reste le même quel que soit le lieu du tournage. Q.O.: Comment avez-vous préparé votre rôle dans «Les Bienheureux» ? L.K.: Mon personnage s'appelait Fériel, or il se trouve que j'ai une cousine qui s'appelle Fériel et qui a l'âge de Sofia, elle m'a donné quelques idées... Sinon j'ai beaucoup répété avec Sofia, je suis toujours en demande de répétitions ou même d'échanges avec les réalisateurs et les réalisatrices. Des fois un mot de leur part peut débloquer des situations complexes. Q.O.: Vous avez décroché au festival de Venise le prix de la meilleure interprétation féminine pour «Les Bienheureux» et votre discours lors de la remise du trophée a été partagé par un grand nombre d'internautes, comment et avec qui l'avez-vous écrit, ce beau et émouvant discours ? L.K.: J'étais à l'aéroport de Venise prête à rentrer chez moi quand j'ai reçu un appel pour me dire de ne surtout pas embarquer. Au début j'étais paniquée, je pensais qu'il y avait eu encore un attentat à Paris. Quand on m'a dit que le film allait peut-être obtenir un prix j'étais dans un nuage. Comme par hasard en venant à Venise j'avais acheté un carnet, alors que je n'en avais pas besoin à priori. Un signe du mektoub ? En tout cas, 2 heures à peine avant la cérémonie de la remise des prix, entre les séances de maquillage et d'essayages de robes, j'écrivais le discours, c'est venu comme un souffle, je noircissais les pages du carnet ... Q.O.: Sofia Djama t'a aidée ? L.K.: Non, mais deux de mes amis qui avaient fait le voyage m'ont donné quelques conseils pour arranger le texte. Q.O.: Comment vos parents ont réagi en vous voyant dans ce premier long-métrage ? L.K.: Je pense qu'ils étaient contents, de toute manière ils m'ont toujours soutenue, même si mon père n'a pas du tout aimé le film. A la première du film, la pauvre Sofia était terrorisée par sa réaction, il lui a dit que son film ne reflète en aucun cas la situation algérienne. J'ai pris la défense de Sofia et j'ai dit à papa, «écoute, chacun a sa propre histoire, Sofia n'est pas née à El-Eulma comme toi, elle a vécu dans un univers francophone, bourgeois même, où est le problème, et elle a le droit de raconter ce qu'elle veut de son point de vue et à partir de son vécu à elle. Q.O.: Pour votre premier Festival de Cannes, vous êtes présente dans deux films : « Papicha» de Mounia Meddour et le film de clôture, «Hors normes» d'Eric Toledano et Olivier Nakache, avec Réda Kateb et Vincent Cassel. Quel rôle dans ce film ? L.K.: Le rôle de Ludivine, une orthophoniste, le film se passe dans le milieu des enfants autistes. Q.O.: Durant le photocall de «Papicha», toute l'équipe du film a arboré un badge «Yetnahaw Ga3» et «Deuxième république», ce n'est pas un peu déplacé de le faire avec des robes de soirées qui coûtent une fortune et dans un lieu comme Cannes ? L.K.: Je ne le crois pas, c'est une manière d'exprimer notre solidarité avec ce mouvement populaire qu'on attendait tous. En fait c'est une idée de Lyes Salem, il nous a appelés en nous disant que pour la présentation du film de Amin Sidi Boumediène «Abou Leila» il a eu l'idée de confectionner des badges en soutien au Hirak, on a dit oui toute de suite à sa proposition. Q.O.: Je pense qu'on vous verra de plus en plus souvent à l'écran... L.K.: Au théâtre aussi, et à la télé ! Je joue dans la série Les Sauvages d'après la trilogie à succès de Sabri Louatah qui sera diffusée sur Canal Plus à la rentrée prochaine. Série réalisée par Rebecca Zlotowski que j'embrasse car je l'adore. Je joue le rôle de Luna la soeur de Fouad, pour ceux qui ont lu les romans de Louatah. Q.O.: Et pour le cinéma ? L.K.: J'ai un beau rôle dans le prochain Wes Anderson «The French Dispatch» que j'ai tourné en français et en anglais. Je suis une étudiante militante, et l'action se passe on ne sait pas trop quand, comme toujours avec Wes Anderson, mais après une grande guerre... Q.O.: Wes Anderson !!! Un de mes réalisateurs américains préféré, l'auteur des inoubliables « Rushmore», «La Vie Aquatique», «Moonrise Kingdom», «Le Grand Budapest Hotel», «L'île aux chiens» et vous m'annoncez cela comme ça, en fin d'interview, comme si ce n'était qu'un détail ! L.K.: C'est génial et en même temps c'est un film comme un autre. Je ne suis pas du tout du genre à avoir des idoles. Bien sûr si Alejandro González Iñárritu, qui est le président du jury cette année à Cannes me propose un rôle je serai flattée, car j'ai vu des dizaines de fois chacun de ses films que j'adore. Mais sinon pour moi ce sont les personnages qu'on me propose qui m'importent le plus et surtout les personnes avec qui je vais travailler. J'aime les gens et les bonnes rencontres. J'adore par exemple mon boulanger avec qui je peux passer des heures à discuter... |