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Agé de 90 ans, le célèbre
photographe-réalisateur new-yorkais de Paris, William Klein, nous parle (un
peu) de son expérience algérienne en 1969 quand il réalisait pour l'ONCI le
film du Festival panafricain d'Alger.
L'idée était venue avec la disparition du très regretté Farouk Belloufa, l'auteur d'un seul long-métrage, un film sublime, absolument culte, unique en son genre à plus d'un titre, Nahla. A l'annonce de la mort de Farouk Belloufa le 16 avril dernier, tout le monde lui a rendu les vibrants hommages qu'il mérite amplement, de Wassyla Tamzali (Les Ateliers Sauvages) à Nabil Djedouani (Archives numériques du Cinéma algérien) en passant par Samir Ardjoum, c'est-à-dire toutes générations confondues. N'étant pas fan des nécrologies, l'envoyé spécial du Quotidien d'Oran a d'abord pensé écrire un article sur les one shots cultes algériens. Tahia Ya Didou de Mohamed Zinet, déjà très mort, Nahla de Belloufa qui vient de le rejoindre, Noua de Tolbi dont on n'a plus de nouvelles depuis des lustres et? et quoi d'autre ? Ah, le fameux film de William Klein «Festival panafricain d'Alger» (ONCIC 1969), restauré récemment et dont une très mauvaise copie est disponible sur Youtube. A l'occasion d'une exposition-rétrospective en France du célèbre photographe américain William Klein, nous sommes allés chez lui, dans son bel appartement parisien avec vue sur le Jardin du Luxembourg, pour l'interroger sur son expérience algérienne de 1969. Ce fut une rencontre agréable où l'on a pu recueillir quelques belles anecdotes sur le tournage du film Festival panafricain d'Alger 69. Nous tenions notre scoop pour alimenter nos pages Cannes 2018 et nous nous réjouissions d'avance. Un peu trop vite d'ailleurs. A peine arrivés à Cannes, l'assistant du célèbre photographe nous fait savoir par mail que William Klein ne veut plus que son témoignage soit diffusé et «précisément le passage où il parle du racisme des Algériens envers les noirs». Il reste ceci : - Comment êtes-vous arrivé à ce projet de filmer le festival panafricain d'Alger pour le compte de l'Algérie en 1969 ? - William Klein : Oui c'est étrange quand on y pense, pourquoi ont-ils fait appel à un juif new-yorkais pour ce projet ? Il y avait à l'époque dans le gouvernement algérien des responsables qui avaient vu et aimé mon film sur Mohamed Ali Cassius le Grand (1965). En tant qu'enfant de juifs émigrés d'Europe de l'Est j'étais solidaire des combats des afro-américains. A l'époque, un des plus grands leaders des Black Panthers, Eldrige Cleaver, était exilé à Alger et je pouvais par ce biais le rencontrer. L'Algérie a d'ailleurs coproduit le court film que j'ai consacré à ce leader des Black Panthers peu de temps après le Festival panafricain. Comment s'est déroulé le tournage du film sur le Panaf' ? - William Klein : Bien. Plutôt bien dans le sens où l'on se réunissait tous les matins et qu'on arrivait à tourner ce que l'on voulait avec tous les moyens de l'Etat algérien mis à notre disposition. Mais à l'origine je ne devais pas me retrouver seul à la réalisation. L'idée était de faire un grand film collectif, un peu à la manière de Loin du Vietnam ce film documentaire sorti en 1967, initié par Chris Marker et dont les séquences ont été tournées par plusieurs réalisateurs comme Joris Ivens, Alain Resnais, Agnès Varda, Claude Lelouch, Jean-Luc Godard, Chris Marker bien sûr, et moi-même. Mais au final cela ne s'et pas déroulé de cette façon. Les jeunes réalisateurs algériens ne voulaient pas travailler avec Ahmed Rachedi qui était le patron du cinéma algérien à l'époque. Je me souviens que les Cubains étaient furieux dès leur arrivée à Alger et solidaires avec les jeunes cinéastes algériens en colère. - Pourquoi les Cubains étaient furieux ? - William Klein : Ils croyaient que le Festival panafricain allait être l'occasion de doter le cinéma révolutionnaire algérien de laboratoires de développement de films. Quand ils ont fini par se rendre compte avec leurs collègues algériens que ce n'était plus à l'ordre du jour et qu'on les a ramenés juste pour participer à un évènement culturel ponctuel, ils étaient furieux. - Dans une de vos photos prises à Alger on voit Nina Simone très triste, pourquoi ? - William Klein : C'était une méprise totale ! En arrivant à Alger Nina Simone pensait qu'elle allait être la star du Festival, or pour les Algériens et la plupart de leurs invités elle n'était qu'une artiste parmi tant d'autres? Elle était je crois profondément vexée. - Comment s'est déroulé le fameux concert d'Archie Sheep et les musiciens touaregs du Mali ? - William Klein : Pittoresque, génial. Archie exigeait d'avoir sa dose de drogue avant de jouer. - Quelle drogue ? - William Klein : Toutes les drogues qu'on pouvait trouver à l'époque ! |