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Tunis, six années
après la chute du régime de Benali. La citadelle garde sa splendeur. En dépit
des stigmates, les Tunisiens sont tournés vers l'avenir. Les chiffres des
vacanciers sont en baisse mais le pays
n'est pas au bord du gouffre. Grâce à sa ressource humaine, la Tunisie relève peu à peu sa tête de l'eau. Aéroport Tunis Carthage, 17 heures passées en cette fin du mois d'avril. Le Boeing 737-800 d'Air Algérie vient d'atterrir sur le tarmac, après une heure de vol, depuis Alger. Il fait très beau, même si la température ne dépasse pas les 17 degrés. Les passagers du vol d'Air Algérie, composés de plusieurs nationalités, grouillent pour atteindre les postes de la police aux frontières (PAF) afin d'accomplir les formalités de passage vers la Tunisie. A l'intérieur, il n'y a pas grande foule. Douaniers et policiers croisent les doigts alors que cet aéroport est l'une des destinations les plus favorites des touristes Européens avant la chute de l'ancien régime. Situé à huit kilomètres au nord-est de Tunis, l'aéroport Carthage est mis en exploitation en 1940. Selon une brochure retrouvée à l'aérogare, cet aéroport, qui avait servi en 2011 à la fuite du président Benali, est exploité depuis 1972 et étendu en 1987 pour couvrir une surface totale de 57 448 m2. L'aérogare actuelle, composée de deux étages (départ et arrivée), est dotée d'une capacité d'accueil de 4,4 millions de voyageurs par an (soit 35,98 % du trafic total des aéroports du pays). Elle sera portée à six millions de voyageurs en 2007 car le trafic enregistre déjà une évolution de 10,6 % durant la période 2000-2005. La superficie totale de l'aéroport s'élève à 820 hectares. Un nouveau terminal pour les vols charters, inauguré le 23 septembre 2006, permet, selon cette brochure, de décongestionner le trafic en portant le nombre de terminaux à deux. Aménagé à la place de l'ancienne aérogare des pèlerins, sur une superficie de 5 500 m², le nouveau terminal II a une capacité d'accueil de 500 000 voyageurs par an. Il est composé de trois bâtiments (départ, arrivée et transit). D'autres projets sont encore prévus tels que l'extension de la zone de contrôle et des douanes et la rénovation des espaces de services à l'intérieur de l'aérogare. S'agissant des actions entreprises en 2005, elles ont porté, selon la même source, sur l'acquisition des chariots et la réhabilitation des salons d'honneur et de la façade de l'aérogare. Au niveau des aires de stationnements des aéronefs, il n'y a pas également grand-chose. Seules trois compagnies étrangères (Algérie, Italie, Espagne) sont visibles sur les «taxiway». Les Algériens, reconnaissables de loin, pour un tas de raisons, jouissent d'une sorte «d'immunité» à l'intérieur de cet aéroport. Un douanier, à titre d'exemple, n'a même pas regardé l'intérieur du passeport d'un Algérien quand celui-ci a décliné sa nationalité. L'Algérien ce «sauveur»? Les Algériens ont une place particulière dans le cœur des Tunisiens et cela commence dès l'arrivée en Tunisie. L'Algérien est perçu comme une sorte de «sauveur» dans un pays ébranlé par une grave crise économique du fait de la révolte de 2011. Mais contrairement à d'autres pays qui ont vécu des événements similaires, la Tunisie et les Tunisiens ont gardé leur dignité. Vous ne trouverez pas, par exemple, un Tunisien vous supplier pour vous vendre une «babiole» ou un service dans un marché ou un magasin. Le tourisme reste encore la principale source de revenus de ce pays voisin. Il existe, rien que dans la capitale tunisienne, des dizaines d'hôtels et de complexes touristiques. En empruntant la voie express Gammarth (régionale N23) qui nous mène vers l'un des plus prestigieux complexe en Tunisie, le Carthage Thalasso Ressort, la capitale tunisienne offre un visage accueillant. Les bâtiments et autres habitations construites en R plus 2 ou 4, sont peints en blanc. En dépit des événements qui ont secoué le pays, il existe un sentiment de quiétude à Tunis même si en matière de civisme, il y a un net recul. En effet, les automobilistes ne s'embarrassent pas des règles du code de la route. En ce sens, les Tunisiens font mieux désormais que les Algériens. Rouler sur les trottoirs à vive allure est devenu un sport national à Tunis. Des automobilistes n'hésitent pas à prendre des risques inconsidérés pour éviter des bouchons. Des piétons sont contraints de sursauter à chaque fois pour éviter d'être écrasés par des automobilistes. Les services de sécurité sont par ailleurs moins visibles. Mis à part quelques barrages de police implantés à l'entrée des sites et complexes touristiques, les services de sécurité tunisiens se font discrets. Les Tunisiens qui avaient vécu sous un véritable Etat policier sous l'ère du président déchu, sont devenus allergiques à tout ce qui représente l'uniforme. Sur la route qui nous mène justement vers notre hôtel, des écriteaux sont encore visibles sur certaines villas ou bâtiments implantés sur le littoral Tunisien. C'est le cas au niveau de la station balnéaire de Carthage où on pouvait lire clairement sur les murs extérieurs de certaines bâtisses que cette habitation appartient aux Trabelsi, la famille de la femme de Zine Al Abidine Ben Ali. Les Trabelsi toujours honnis Depuis la chute et la fuite de l'ex-président Zine el-Abidine Ben Ali, il y a six ans maintenant, la nouvelle vie de sa famille, ainsi que de sa belle-famille, les Trabelsi, intrigue et captive toujours autant les Tunisiens. Le clan est soupçonné de diriger ou de posséder des participations dans des grandes sociétés du pays actives dans différents secteurs : banques, téléphonie, médias, transports, immobilier, grande distribution, industries. La fortune de ses membres se chiffrerait en centaines de millions d'euros selon des observateurs mais il est difficile d'établir avec exactitude la liste des avoirs de la famille installée aujourd'hui en Arabie Saoudite. L'histoire de Leila Trabelsi, la femme de l'ancien président tunisien, a même inspiré des écrivains. Nicolas Beau et Catherine Graciet, ont en effet publié un livre exaltant sur la vie du couple présidentiel. Intitulé la «régente de Carthage», le bouquin vous plonge dans les arcanes, les alliances et les trahisons d'un pouvoir familial décrit comme étant mesquin et perverti, qui tient lieu d'État dans une société à la dérive. Et où tous les signaux politiques, économiques et sociaux passent progressivement au rouge, tandis que le président et son entourage se préoccupent surtout de s'enrichir et de réprimer toute contestation. En 2011, à la suite de la révolte ou de la révolution, sont saisis au total en Tunisie 233 titres fonciers, 117 participations ou parts dans des sociétés, 34 voitures de luxe, 48 yachts et bateaux de pêche, ainsi que des biens immobiliers. Par ailleurs, environ 42 millions de dinars en liquide sont découverts au palais de Sidi Dhriff, construit sur un terrain acheté à l'armée à un «prix très sous-estimé et dont la construction a été financé à la fois par l'armée et l'État. Le terrain du palais de la Marina, à Hammamet, a coûté cent dinars, et le palais en lui-même a été construit en grande partie sur le budget de la présidence. Par ailleurs, l'International School of Carthage, fondée en 2007, par Leïla Ben Ali, a été bâtie sur un terrain public, obtenu pour un dinar symbolique et a bénéficié d'une subvention de trois millions de dinars, selon des révélations de la presse tunisienne. Bref, les Tunisiens, six années après, gardent encore une sorte d'animosité à l'égard de cette famille qui a fait main basse sur les richesses du pays durant de nombreuses décennies. Certains Tunisiens, en 2017, n'ont pas encore fermé définitivement ce chapitre et réclament encore justice. D'autres par contre sont résolument tournés vers l'avenir mais en vivotant du fait de la crise qui frappe leur pays, dont la seule source de revenu reste le tourisme. La notion de service n'est pas un vain mot La sympathie des Tunisiens à l'égard des Algériens n'est pas une vue de l'esprit. Partout où vous passez (sites touristiques, marchés..), les commerçants ou de simples citoyens vous saluent. C'est le cas notamment au village de Sidi Boussaid, l'un des sites touristiques les plus célèbres de Tunisie. Perché sur une falaise dominant Carthage et le golfe de Tunis, l'endroit est fréquenté jour et nuit. Certains commerçants d'objets de souvenirs jurent que tous les commerces de ce village ont planté un petit drapeau algérien dans leurs magasins en signe de reconnaissance aux Algériens qui viennent en masse à longueur de l'année en Tunisie. «Vous êtes réellement nos véritables frères», criait l'un des commerçants à la vue d'un groupe de touristes algériens qui prenait un bol d'air à l'entrée du village Sidi Boussaid qui regorgent par ailleurs de restaurants, de boutiques et d'hôtels à la portée de toutes les bourses. Les maisons de Sidi Boussaïd qui combinent l'architecture arabe et andalouse et qui sont d'une blancheur éclatante et aux portes bleues, sont dispersées au hasard de ruelles tortueuses. Haut-lieu touristique aux couleurs de la mer méditerranée, le site est surnommé le «petit paradis blanc et bleu». Il faut savoir que la notion de service n'est pas un vain mot en Tunisie. Etant connu que le tourisme a un effet d'entraînement sur d'autres secteurs économiques, tels que le transport, les communications, l'artisanat, le commerce et le bâtiment, les Tunisiens qui exercent sur les sites touristiques, les hôtels, les restaurants, les stations de thalassothérapie, sont bien formés en termes d'activités de service. Le client est réellement le véritable roi du moment qu'il paie sa prestation. En dépit de cela, le tourisme en Tunisie ne se porte pas bien. Depuis les attentats terroristes de 2015, le flop du secteur se poursuit mettant en péril les avoirs nets en devises du pays. Moins de 4 millions de touristes, dont la moitié sont des Algériens, ont visité la Tunisie en 2016. Le marché algérien a affiché, l'année dernière, une progression de plus de 15%, selon des statistiques du ministère tunisien du Tourisme et de l'Artisanat. Le marché européen affiche une baisse de 11,6%. Le marché anglais a enregistré une chute de 92,7%. Une baisse respective de 24,1% et de 53,9% a été enregistrée par les marchés français et allemand. Les seuls marchés qui ont contribué à sauver la saison sont respectivement les marchés russe et ukrainien. 404.134 touristes russes ont visité la Tunisie du 1er janvier au 20 août 2016, soit une hausse de 797,6% par rapport à 2015. Les Tunisiens se sont rebellés contre le régime de Benali. Ils ont gagné la sympathie du monde entier en se débarrassant de la tyrannie et de l'injustice. Mais les Tunisiens se cherchent. La crise économique que traverse ce pays est telle que toute la Tunisie croise les doigts à l'approche de la saison estivale 2017. |