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Présent à Cannes
avec son deuxième long-métrage «Tour de France», le réalisateur français
d'origine pas française s'exprime à propos de la culture en général et de son
identité en particulier.
Le Quotidien d'Oran : Bonjour Rachid Djaïdani Rachid Djaïdani : Comment ça va grand frère Tewfik ? Q. O. : C'est plutôt à moi de te poser cette question. R. D. : Ça va plutôt bien dans le sens où j'arrive avec un deuxième film, fruit de travail de plusieurs personnes, sélectionné à la Quinzaine. Je suis heureux, je peux le dire. Q. O. : Ton film est un road-movie avec deux exclus de la société française, le jeune beur des quartiers défavorisés -comme on dit-, un vieux maçon blanc de la cité, prototype du beauf qui vote FN. Pourquoi cette dualité-là ? R. D. : Deux âmes blessées je dis. Farouk n'a que le rap pour exprimer ses frustrations et dans le nord de la France, Serge le maçon n'a que la peinture comme passion, tout le reste il l'a perdu, il a perdu sa femme, son travail, ses illusions, et son fils s'est converti à l'Islam, oui le genre d'homme qui peut avoir de la rancune pour la France qui l'a délaissé, et de la rancoeur pour cette jeunesse pauvre comme lui et qui le malmène dans la cité parce qu'il est blanc. Je voulais montrer des histoires complexes et organiser des rencontres entre deux mentalités radicales, je me sens solidaire aussi bien du jeune rappeur que de Tonton. Q. O. : Tonton ? R. D. :Gérard Depardieu, je l'appelle Tonton. Serge, le vieux maçon dans le film. Q. O. : Avant de faire l'acteur et le réalisateur, tu as été vigile sur le film «La Haine» de Mathieu Kassovitz et figurant, puis rappeur, écrivain, boxeur, maçon... Tu peux te sentir solidaire des deux personnages, mais lequel te ressemble le plus ? R. D. :Comme eux je suis complexe, même si dans mon code-barre on me ramène toujours au petit rebeu de téci. Je suis encore suivi par les flics et pas seulement flics d'ailleurs, dans les grands magasins, les vigiles qui me surveillent sont souvent des maghrébins comme moi, on voit bien que c'est complexe ces choses-là. Je voulais montrer dans le film que les retranchements de Farouk et de Tonton sont deux cris de deux exclus qui menacent de verser soit dans les flammes de la haine soit dans les flammes du FN. Q. O. : Tu as fais ce film en prévision des élections présidentielles de 2017 ? R. D. :Non, ça fait 15 ans que je travaille ce projet. Depuis que j'ai enregistré un slam pour une compile de rap en 2000, l'idée du producteur était de faire le tour de la France des rappeurs justement. Q. O. : Tu te considères comme arabe ? R. D. :Non. Français non plus. Être humain des fois. Je sais pas qui je suis, franchement je suis égaré, j'ai aucune certitude. Je suis père de famille, j'ai une petite fille, et j'essaye tous les jours de lui donner une culture universelle, je lui apprend ce qu'est une église, une synagogue, une mosquée, ce qu'est un français, un arabe, un malien... je lui explique que le monde est beau. Q. O. : Et quand ta fille te demande qui tu es, tu réponds quoi ? R. D. :Alors là je lui dis que je suis musulman, parce que c'est important qu'elle l'entende. Qu'elle soit fière de ce mot, même si je suis musulman de cœur pas de pratique. Mais je sais que je serai enterré par des mains musulmanes. |