|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
En Algérie, le système de
retraite des salariés basé sur la solidarité entre générations est menacé
depuis longtemps de faillite par un déficit de ressources structurel.
En effet, le nombre de retraités ayant augmenté substantiellement, du fait de l'élévation de l'espérance de vie des Algériens et le nombre de travailleurs salariés n'ayant pas cru dans une économie qui crée peu d'emplois, le nombre d'actifs pour un retraité est passé de 5 dans les années 1970 à 2 dans les années 2000, soit une baisse de ressource de l'ordre de 40%. Le gouvernement s'est penché à plusieurs reprises sur le déficit chronique de la sécurité sociale sans trouver de solution satisfaisante. Il a choisi la facilité en soulageant son budget par un prélèvement sur les recettes des hydrocarbures, au lieu de réviser les paramètres qui régissent le système, une révision justifiée par son manque criard de rationalité, de rigueur et de justice sociale. En effet, la rationalité et la justice sociale du système jurent avec les nombreux dispositifs particuliers et le traitement différencié des catégories de travailleurs (simples travailleurs des entreprises, cadres de l'Etat, fonctionnaires de l'armée?). La rigueur dans la gestion du budget de la sécurité sociale est mise à l'épreuve par la société gestionnaire du système qui tarde à se moderniser pour mieux servir ses affiliés et qui doit réduire au strict nécessaire ses frais de fonctionnement. La présence des représentants des travailleurs dans son conseil d'administration ne semble pas contribuer à l'atteinte de ses objectifs. Quand j'ai constitué mon dossier de retraite, il y a une douzaine d'années, j'ai souffert pour le boucler et la durée de son traitement a dépassé une année. De plus, l'administration de la sécurité sociale oblige les candidats à la retraite à reconstituer leurs carrières, alors qu'une banque de données peut éviter ce parcours du combattant semé d'embûches. Ces pratiques de gestion sont inadmissibles et incompatibles à l'ère du numérique. Selon un témoignage d'un ancien cadre de l'institution, le budget de fonctionnement serait de l'ordre de 30% du montant des cotisations des affiliés, ce qui est inacceptable. Selon les déclarations de son directeur général, la CNR rémunère quelque 3 millions de retraités en 2020 avec un montant qui a atteint 1.500 milliards DA et un déficit abyssal de quelque 700 milliards. Jusqu'ici, c'est le Trésor public qui a comblé ce déficit grâce à un fonds spécial constitué avec un prélèvement sur la fiscalité pétrolière et les droits de douane. Rappelons comment est alimenté le budget de la SS : les employeurs et les travailleurs qui cotisent alimentent le système de sécurité sociale à hauteur respectivement de 25% et 9% de la masse salariale, soit un taux global de 34%. Il s'y ajoute 0,5% du fonds destiné au logement social, soit un total de 34,5%. Cette recette est répartie comme suit entre les différents organismes du système d'assurances sociales : Assurances sociales, maladie, maternité, invalidité et décès = 13% Accidents de travail = 1,25% Retraites = 17,75% Retraites anticipées = 0,5% Chômage = 1,5% Logement social = 0,5% Total = 34,5% Comment équilibrer le budget des retraites Changer de système comme on y a pensé à un moment, en passant au système d'assurance et de retraite par capitalisation n'est pas applicable dans un pays en voie de développement dont l'économie est faiblement « financiarisée ». Si le gouvernement y a renoncé, c'est qu'il a eu de bonnes raisons. En particulier, ce système a pour inconvénient majeur d'être assis sur un système financier fragile soumis à des turbulences imprévisibles et souvent ruineuses. Les solutions sont donc à trouver dans l'aménagement et l'amélioration du système actuel. La solution naturelle au problème serait d'augmenter le nombre de cotisants à un niveau d'au moins 4 salariés pour un cotisant, ce qui exigerait la création de quelque 6 millions de nouveaux emplois. Cela paraît irréaliste à court et moyen terme, mais c'est la voie royale pour résoudre le problème. Il faudrait que l'économie algérienne sorte de sa léthargie avec ses taux de croissance qui ont rarement dépassé 5%. Une relance économique forte sur des bases solides, loin de l'économie rentière actuelle est susceptible d'entraîner des taux de croissance annuels de 8 à 10%, et de créer assez d'emplois pour résorber à terme le déficit de la sécurité sociale. Il est possible, dès maintenant, d'augmenter les ressources du fonds de retraite en prenant les mesures suivantes : 1- augmentation de l'assiette des cotisants en intégrant l'emploi informel et d'autres catégories de salariés comme les agriculteurs; 2- indexation des salaires sur le coût de la vie, qui n'est pas appliqué dans l'économie algérienne, est susceptible de contribuer à l'augmentation des ressources de la CNR. En effet, le blocage du SNMG à 18.000 DA est en décalage total avec le coût de la vie. Il devrait être réajusté impérativement, sans qu'il produise de l'inflation. Pour cela, il faudrait que le gouvernement intervienne lourdement pour contrôler et limiter les prix à la consommation des produits importés et des denrées alimentaires; 3- relever l'âge de la retraite fixé à 55 et 60 ans, compte tenu de l'espérance de vie qui a dépassé 75 ans. Il devrait être porté à 60 ans pour les femmes et 65 ans pour les hommes. En conséquence, le nombre d'années de travail nécessaires à une retraite complète sera porté de 32 à 35 ans, voire 40 ans. Les travailleurs qui souhaitent augmenter le nombre d'années d'ancienneté devraient être autorisés à le faire, au-delà de la limite d'âge. Ce relèvement pourrait entraîner un surplus de chômage, dans une population jeune comme la nôtre. Cela pourra être évité avec une économie dynamique en pleine croissance capable de créer suffisamment d'emplois; 4- il faudra unifier les systèmes de retraite actuels qui génèrent de l'injustice sociale et grèvent les budgets. Un système de retraite universel devrait être appliqué à toutes les catégories de travailleurs salariés, y compris celles des hauts fonctionnaires, des corps de sécurité et de l'armée. Cela aurait pour effet de réduire les inégalités sociales et de mieux répartir les ressources disponibles. En particulier, il paraît aberrant et choquant d'accorder un droit à la retraite à des élus (députés et sénateurs) sur la base d'un ou plusieurs mandats électifs. Cette charge élective n'a rien à voir avec la qualité de travailleur et de fait, elle n'est pas éligible à un droit à la retraite. Donc, leur solde exagérée n'est pas un salaire mais une indemnité pour le travail qu'ils fournissent à temps partiel en tant qu'élus de la nation. Les avantages dont ils jouissent pendant leur mandat doivent cesser à la fin et non devenir perpétuels. Cependant, ils ont le droit légitime de réintégrer les postes de travail qu'ils ont quittés pour représenter le peuple, et de valider pour la retraite les années de mandats d'élus; 5- le montant de la retraite sera toujours calculé sur la base de 80% du salaire moyen des cinq dernières années ou des cinq meilleures années de carrière. Par contre, l'éventail des salaires de calcul des retraites, actuellement de un à quinze SNMG, devrait être limité à un maximum de 10 SNMG, autrement dit, le montant maximal de retraite sera calculé sur un salaire maximal moyen de 10 SNMG; 6- prise en charge par l'Etat des catégories particulières de retraités non salariés, ce qui aura pour conséquence de soulager la charge financière de la CNR; 7- augmentation du taux de cotisation de 1,5% (1% à la charge des employeurs et 0,5% à la charge des salariés), soit un taux global qui passera de 34,5% à 36%, avec des taux de charges de 26% pour les employeurs et 9,5% pour les salariés et 0,5% pour le fonds des œuvres sociales. Enfin, les taux de partage des ressources de la sécurité sociale seront modifiés comme suit : retraites = 19,25 au lieu de 17,75%, le reste inchangé; 8- amélioration de la gestion du système de sécurité sociale qui devrait se traduire par une baisse des charges de gestion, une augmentation de l'assiette et du recouvrement des cotisations, et une meilleure qualité de service avec la numérisation. Enfin, une augmentation nominale des montants de retraite peut être obtenue par le biais de l'abolition de l'IRG, et comme on l'a vu plus haut par un relèvement général des salaires. Situation financière de la sécurité sociale et de la CNR en 2020 Notre estimation repose sur les statistiques disponibles sur l'emploi, les salaires et les agrégats de la sécurité sociale pour l'année 2009 publiées par l'INS. L'actualisation de ces paramètres pour 2020 est basée sur des hypothèses qui peuvent être discutées : Emplois permanents 2014 = 4,54 millions; emplois non permanents = 2,85 M, total = 7,39 M. Nombre d'assurés de la CNAS en 2009 = 8,31 M; estimation 2020 = 13,3 M. Nombre de retraités de la CNR en 2009 = 2,1 M, estimation 2020 = 3 M. Estimation du profil des salariés et de leurs revenus bruts: très hauts salaires (+10 SNMG) = 5%; cadres sup (5-8 SNMG) = 10%; cadres moyens (2-3 SNMG) = 25%; agents d'exécution (1- 2 SNMG) = 60%; revenu minimum = 20.000 DA par mois avec un SNMG de 18.000 Nombre de salariés cotisants 2020 = 6,3 millions Estimation des revenus de la CNAS et divers = 704 milliards DA Estimation du montant des revenus de la CNR en 2020 = 807 milliards Estimation des charges de la CNR en 2020 = 1.537 milliards Déficit de la CNR 2020 = -730 milliards DA Revenus additionnels de la CNR provenant des mesures de redressement Les ressources additionnelles de la CNR issues des mesures préconisées ci-dessus sont estimées comme suit : 1- âge de retraite porté à 65 ans = 126 milliards DA; 2- limitation des retraites à 10 SNMG = 113 milliards; 3- augmentation du taux de partage du taux CNR de 1,5% = 63 milliards; 4- réduction de l'emploi informel estimé à 20% des cotisants, soit un supplément de cotisations de CNR de 192 milliards; 5- intégration des salariés agricoles (500.000 environ) estimé à 58 milliards DA; 6- gain entraîné par la prise en charge par l'Etat des catégories non salariées estimé à 150 milliards; 7- augmentation générale des salaires de 20%, soit un impact sur les recettes de la CNR de 20% ou encore 161 milliards; 8- gain de gestion estimé à 10% des charges, soit 154 milliards DA; Total = 1.017 milliards DA Résultat d'exploitation = 1.017 - 730 = +287 milliards DA Ainsi, les mesures de redressement dégageront un bénéfice non négligeable, au bout de 2 à 3 ans, délai nécessaire à leur réalisation. Conclusion : avec les mesures de redressement préconisées, la CNR deviendra bénéficiaire. Les autres régimes de sécurité sociale seront aussi impactés positivement par ces mesures. *Ingénieur des mines - Consultant |
|