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Après avoir perdu son enfant unique dans les conditions pénibles qu’il n’est nul besoin de rappeler, sidi Mohammed el-Houari allait trouver en Brahim Tazy non seulement un suppléant dans sa médersa mais également et surtout un autre fils auquel il accorda toute son affection. Celui-ci fut à son tour un saint, un remarquable poète et un imam généreux. Le bon peuple de sa ville d’adoption avait eu souverainement raison de surnommer sidi Brahim Tazy «Tadj Wahran» ou le diadème d’Oran ! Ibrahim ben Mohammed ben Ali Lenty Tazy portait le surnom d’Abou Salim et d’Abou Ishaq. Les biographes ne tarissent pas d’éloges sur cet imam qui fut «avant tout un saint à la conscience délicate et scrupuleuse, un pieux ascète, un contemplatif et dans le même temps un poète fin et éloquent. Grâce aux dons merveilleux qu’Allah daigna lui octroyer ainsi que les actes prodigieux dont il fut crédité sidi Brahim Tazy était, sans contredit, un des savants les plus remarquables de son époque. Dans l’ouvrage Rawdat en-Nesrin (opus cité plus haut), sidi Saâd nous retrace le parcours exceptionnel de sidi Tazy: originaire de Taza, il est cependant né à Fès; il y fit ses études avant de se rendre à La Mecque (*) où il suivit les leçons de ses grands maîtres. A Medine, il fréquenta les cours de célèbres hommes de savoir et de religion, parmi lesquels le cadi malékite Taqy-ed-Dine el-Hassany el Façy (lequel, après lui avoir enseigné les hadiths et le sens mystique du Coran, lui donna un diplôme de licence !) (*) - Il accompagna lors de ce fameux voyage sidi Abdellah ben Abdlouahab ben Ibrahim el-Medjacci, son maître de Tlemcen, un dévot extatique, un ascète qui fit 24 fois le pèlerinage aux Lieux Saints. Cheikh Brahim Tazy forma de nombreux disciples parmi lesquels il convient de citer: El Hafidh et-Tenessy, cheikh Mohammed Sanouci qu’il revêtit du froc des soufis (el Bostan), le frère de ce dernier Sid Ali Tallouti, et le cheikh Ahmed Zerrouk (1441 - 1494). «A en croire ses adeptes, sidi Brahim Tazy parlait le langage des soufis que ne comprennent que ceux qui ont goûté toutes les douceurs que procure l’amour de Dieu. Il résida quelque temps à Tunis avant de revenir à Tlemcen afin de recevoir la science du plus instruit des hommes, le sceau qui clôt la série des savants de son siècle, Mohammed el-Hafid ben Merzouk». Il se rendit ensuite à Oran auprès de son vénéré professeur sidi Mohammed el-Houari qui le couvrit de ses bénédictions et qu’il seconda ! Il avait choisi, dit-on, de recevoir ses nombreux visiteurs à l’étage supérieur de la zaouïa de son cheikh ! «Lors de son séjour à La Mecque, quand il lisait le Saint Coran ou sidi el-Bokhari, la foule des croyants faisait cercle autour de lui, tant sa lecture était attrayante et sa diction parfaite !» «Il est l’auteur d’un nombre considérable de poèmes écrits pour la plupart en l’honneur du Prophète parmi lesquels, il en est qui furent commentés par Ibn Meriem !» «Les mérites et la science de sidi Brahim Tazy sont si célèbres dans le monde qu’encore de nos jours lorsque l’on veut faire le plus grand éloge de quelqu’un, on dit de lui: il ressemble à sidi Brahim Tazy !» Il mourut le dimanche 9 mai 1462 ! Dans un document, ma foi assez curieux, nous avons relevé ces renseignements singuliers que nous livrons à l’appréciation du lecteur: «- Cheikh Brahim Tazy fut d’abord enterré à Oran. Lorsque les chrétiens (les Espagnols) entrèrent dans cette ville, les musulmans qui se trouvaient dans le voisinage de son tombeau furent malmenés dans leurs biens et leurs richesses. Sur ces entrefaites, les gens de K‘ola’ (el-Qalâa) étant arrivés à Oran pour verser le montant de leurs contributions (!), consentirent, moyennant un salaire, à transporter chez eux le corps du saint et à délivrer les Oranais de la cause de leur mal (?). Le cheikh fut enseveli à K’ola’ (el-Qalâa)(*). Son tombeau, surmonté d’un dôme élégant, est, pour les dévots, une source intarissable de bénédictions, car les prières y sont toujours exaucées ! (*) – La Qalâa des Béni Rached, près de Relizane. Auparavant, l’auteur de ces insolites informations parues dans la Revue Africaine n°24 nous avait entretenu «de l’ingénieuse conduite d’eau dont sidi Brahim Tazy aurait doté la ville d’Oran ! et qui portera le nom de cet homme de bien à la postérité et l’y gravera en caractères ineffaçables. Il contracta, dit-on, auprès des commerçants des emprunts considérables pour mener à bonne fin cette œuvre grandiose. On ignorait d’où il tirait les ressources nécessaires pour satisfaire à toutes les dépenses de son travail. Lorsque cette construction fut achevée, qu’elle eut reçu les dispositions les mieux entendues, il donna un grand festin au moment de la prise d’eau, convenablement préparée dans ce but. Il servit des mets variés qui rassasièrent toute la population d’Oran. Ce fut un jour digne de mémoire, une fête splendide, une solennité brillante. - Comment vous êtes-vous procuré cette innombrable quantité de mets, lui demanda quelqu’un ? Comment avez-vous acquitté les frais occasionnés, pour votre canal alors que vous n’êtes ni prince, ni réputé fort riche ? - Grâce au temps et aux amis, répondit-il. L’œuvre poétique et littéraire de sidi Brahim Tazy est remarquable On le décrit ainsi: - Homme vertueux et austère. Excellent lecteur et interprète du Livre Saint; nous avons de lui des ouvrages parfaits, des poèmes admirables, des prières publiques merveilleuses; il fut l’ornement de son pays et de son siècle, le diadème étincelant couronnant sa ville Oran; rempli de bienveillance pour les humbles et les enfants pour ces derniers il écrivit de délicieuses comptines en l’honneur du mewlad Ennabaoui. De ses écrits les plus célèbres, nous rappelons les titres suivants: - Assistance du Très Haut pour expliquer le traité qui a pour titre: «Les conseils parfaits donnés aux petits et grands» par sidi Brahim Tazy. - Cherhoun el- Moradiya: Commentaire du poème el-Moradiya du cheikh Brahim Tazy. - Explication du poème intitulé el-Hoçan (Le Sabre Tranchant) lequel traite de la perpétuité d’un office par le cheikh Tazy et des avantages spirituels attachés à ceux qui le récitent. En outre, jusqu’aux derniers instants de sa vie, le noble sidi Brahim Tazi développa une activité intense qui lui permit d’accomplir une œuvre considérable; qu’on en juge: «- Lorsque la medersa fondée par Sidi el-Houari ne fut plus assez spacieuse pour recevoir les tolbas qui y accouraient de tout le Maghreb, sidi Brahim, à qui la richesse était venue sans qu’il la recherchât, dut faire construire une vaste zaouïa». Du reste, rien ne nous empêche de croire ceux qui attestent que «l’enceinte de cette institution religieuse renfermait des salles de prière, des écoles d’enseignement, des appartements pour les professeurs étrangers éminents, des bains, des réservoirs d’eau, une magnifique et riche bibliothèque voire même un magasin d’armes !» Nous savons d’après des témoins dignes de foi que sidi Brahim Tazi fut un homme agissant avec le cœur; c’était, dit-on, quelqu’un difficile à ébranler parce qu’il possédait beaucoup de vigueur dans le caractère et les actes et qu’il faisait preuve de fermeté et d’assurance; sa volonté, affirme-t-on, demeurait en toute circonstance inflexible ! Assurément, il fallait être un personnage hors du commun - tel sidi Brabim - pour réaliser tant d’actes d’intérêt public au profit de sa communauté ! (*) (*) – Qu’il nous suffise de penser qu’en plus de son sacerdoce religieux, ses préoccupations spirituelles, ses exercices de dévotion, ses prières et ses travaux littéraires, ce saint imam disposait par le vouloir d’Allah d’une énergie et d’une vitalité d’inspiration divine. Pour tout cela, nous sommes les premiers à nous répéter s’il le faut et croire que le bon peuple de sa ville a eu souverainement raison de le surnommer «Tadj Wahran» (le diadème d’Ora. |